INTERVIEW KID NORTH PAR JETSOCIETY

Dansant et mélancolique. Simple et complexe. Aérien et métronomique. 3 amis unis par le désir de jouer une pop-music qui se nourrit des ces contrastes. KId North enchante la rédaction de JetSociety depuis Rip Tide, 1er single issu de l’album New Waters. Pour notre plus grand plaisir,Gregory Hoepffner : Drums / Vocals / Keys et Gary Royant : Guitar / Vocals / Keys se sont prêtés au jeu de l’interview.

Vessels ont remixé votre titre Future Ghosts et vous mêmes avez remixé Galaxie d’Aglaska, ça fait partie du processus créatif aujourd’hui de passer par cette étape ?

Greg : Cela nous semblait logique de s’y essayer, étant donné que cet album explore davantage nos influences électroniques. C’est un exercice que Gary et moi avons déjà fait en solo depuis plusieurs années, et on avait envie de l’essayer en tant que groupe. Et en tant que groupe remixé, c’est hyper agréable de se faire surprendre par son propre morceau, qu’on connait normalement par coeur. Un peu comme si tu rentrais chez toi un soir et qu’on avait changé tous les meubles et repeint tous les murs de ton appartement ! Au début tu ne comprends rien, mais si c’est fait avec goût, c’est génial.
Gary : C’est vrai que le remix est un exercice assez amusant. On te donnes un paquet, tu choisis ce qui te plait le plus et tu l’utilises pour en faire ce que tu veux. Si tout était comme ça dans la vie, on aurait jamais de cheveux blancs!

En août vous serez en Allemagne au Summer Sounds Festival où vous êtes qualifiés de Elektropop aus Paris, vous préférez qu’on vous découvre sur scène, à travers vos vidéos sur youtube ou sur disques ?

Greg : Si le lieu sonne bien, je dirais sur scène ! C’est parfois dur de retranscrire la vraie énergie du groupe sur album, et c’est même parfois pas le but. Sur scène au moins, on peut voir les danses incroyables d’Axel, se prendre la mega fuzz de Gary en pleine tronche et me voir détruire une batterie en direct.

En parlant de scène pouvez-vous nous raconter une anecdote (bonne ou drôle) de tournée ?

Greg : Et bien je vais faire une transition avec ma dernière phrase : durant un concert en Allemagne (à Kassel), où le public était particulièrement chaud et nous aussi, j’ai tellement frappé mes cymbales que l’une d’entre elle a carrément “sauté” de son pied sur la fin du dernier morceau (je ne m’explique toujours pas pourquoi), pour venir s’écraser par terre. C’était totalement improbable !

Certains d’entre vous oeuvrent également en solo, je pense à Greg avec Almeeva, ça permet de se ressourcer pour repartir de plus belle avec Kid North ?

Greg : Je ne dirais pas que c’est pour se ressourcer, car on peut chacun écrire en solo et pour Kid North au même moment. C’est plus une question de choix et de timing. On enregistre tous beaucoup de musique très différente (qui n’est d’ailleurs pas seulement destinée à des groupes ou des projets solo), et on peut donc choisir quel sera le projet qui portera telle chanson. Cela arrive d’ailleurs parfois que ça change en cours de route. Personnellement j’adore pouvoir enregistrer des tonnes de choses tout seul chez moi, mais se retrouver tous les 3 dans la même pièce pour jouer ensemble, c’est un truc dont j’ai besoin assez régulièrement. C’est peut-être parfois moins productif, mais c’est souvent beaucoup plus fun. Là où toute la musique fait en solo est juste une recherche et une expérience musicale, jouer dans un groupe c’est une expérience humaine, ce qui apporte d’autres idées et d’autres approches qu’on ne peut pas avoir tout seul.
Gary : C’est un vrai épanouissement d’avoir les deux. On a de la chance de pouvoir faire de la musique tous les trois, et on est toujours surpris de voir ce qu’on peut créer avec nos 6 bras et nos 3 cerveaux. Ce n’est même pas un mélange des musiques que l’on fait chacun à côté, c’est une entité à part entière. Et c’est ce qui nous permet de pouvoir continuer à faire de la musique chacun de notre côté, il y a une vraie frontière naturelle.

Avez-vous un titre, un film ou un livre fétiche au point de ne jamais vous en séparer ?

Greg : “La Science des Rêves” de Michel Gondry. Je viens de revoir pour la 60ème fois environ hier haha
Gary : “L’aventure c’est l’aventure” de Claude Lelouch à l’infini. D’ailleurs ça fait plus d’un an et ça ne va pas du tout!

En savoir plus :

www.kidnorth.com
www.facebook.com/KidNorth
www.gregory-hoepffner.net
www.almeeva.net

INTERVIEW DE FIF (BOOSKA-P) : LE RAP EST LA MUSIQUE PRÉFÉRÉE DES FRANÇAIS ?

INTERVIEW DE FIF (BOOSKA-P) : LE RAP EST LA MUSIQUE PRÉFÉRÉE DES FRANÇAIS ?

Le Rap, la musique préférée des français est un livre publié aux éditions Don Quichotte, de Laurent Bouneau. Fif Tobossi, Tonie Behar. Merci à Fif pour cette interview riche et pleine de sens.

FIF, TOUT EST DIT DANS LE TITRE DU LIVRE OU EST-CE UNE REVENDICATION ?
C’est à la fois un constat et une revendication. Le rap est le vilain petit canard du système et en même temps la musique qui cartonne le plus. Pour autant, les choses changent, les jeunes générations s’installent aux plus hautes fonctions dans les médias, la finance etc. ce sont des personnes qui ont grandi et écouté du Rap. Le street art envahit les musées et les collections privées. Les « rockers » hors d’âge sont petit à petit poussés vers la sortie. Insidieusement aujourd’hui, on trouve partout les codes du Rap, c’est un langage commun et pratiqué pratiquement par tous, à part quelques irréductibles réfractaires !

EST-CE QUE LA RAP EST RÉELLEMENT IMPLANTÉ DANS LES MŒURS OU EST-CE TOUJOURS SUBVERSIF ?
Le rap a l’état brut reste toujours l’apanage des puristes, mais si on prend historiquement des artistes comme MC Solaar, Doc Gyneco, I am, NTM, Maitre Gims, Grand corps malade, Stromae, d’une façon ou d’une autre, ils ont été ou sont en haut de l’affiche ! A tort on les déconnecte du rap alors qu’ils sont en réalité en plein dedans. Malheureusement de nombreux médias agitent encore le Rap pour faire peur, pointent du doigt sa frange « violente », génèrent des clivages inutiles. Ils recherchent uniquement le côté subversif et sensationnel, sans s’attacher à l’histoire, aux racines, à la réalité du Rap qui ne se limite pas aux frasques de quelques uns. Laurent (Laurent Bouneau co auteur et directeur général des programmes de Skyrock), à su populariser le rap et toucher tout le monde. Il a encré le rap dans le paysage musical français et notre livre est une sorte de pierre angulaire pour toutes celles et ceux qui voudraient par la suite rendre hommage, au style de musique, mais également a ses représentants, à sa culture. Il y a énormément à raconter sur le Rap français sur le fond et sur la forme. Bobba par exemple est à la fois auteur, compositeur, interprète, il a sa marque de vêtements, c’est un personnage complexe qui mérite d’être étudié au delà des mots crus de ses textes.

NOTRE CONVERSATION AVEC FIF SORT DU CADRE DE L’ITV CLASSIQUE ON ÉVOQUE À DEMI MOT UNE RÉALITÉ : LE RAP EST REJETÉ PAR L’INTELLIGENTSIA À CAUSE PEUT ÊTRE DE SES ORIGINES BANLIEUSARDES POUR NE PAS DIRE PLUS, MAIS EN MÊME TEMPS, ELLE EST LA SEULE MUSIQUE ÉMERGENTE IDENTITAIRE DANS UN PAYS OU DOMINAIT LA VARIÉTÉ.

Des années 50 « opérettes », aux chanteurs engagés et réalistes, les français ont découvert le rock des Beatles et des Stones et les artistes les ont imités dans les codes, l’attitude, les pseudos… Le rap s’est forgé ses propres racines avec un métissage certes culturellement lié aux Etats-Unis mère patrie du style mais en y intégrant ses diversités culturelles fruit du mélange ordinairement reproché à la banlieue. Les enfants des Zemmour, Naulleau, Sarko ont fatalement écouté du rap ou même sont carrément dans l’univers … et pourtant le regard des géniteurs sur cette musique demeure parfois étrangement sans concession…

QUEL EST VOTRE BUT À TRAVERS CE LIVRE ?
Le livre est une montée au créneau, quitte à essuyer les critiques (ndlr je vous laisse suivre l’actualité des clash sur d’autres sites !). Donner envie de faire des livres. Dégoupiller l’hermétisme des carcans bien pensant et petit bourgeois qui refusent l’accès aux grandes tables d’expressions et de débats à la culture Rap. A la fnac par exemple le rayon rap français est minuscule. Il y a matière à travailler et à l’étoffer. Les sujets sont nombreux : Le secteur A, la Mafia k1 frey, par exemple, c’est à la fois de la musique mais c’est aussi des success story dans les affaires, des personnages riches et étonnants comme le décrit si bien Laurent dans notre livre !

LES DIFFICULTÉS POUR PARLER DU RAP À LA TÉLÉVISION
Toujours dans la polémique, jamais positif ? Olivier Cachin seul représentant « officiel » des médias parfois chahuté. Pourquoi pas un Bernard Pivot « street » : Les émissions culturelles télévisées intéressent qui et à quelle heure ? Imaginons une émission littéraire ou culturelle réellement ouverte à la culture des 25 – 45 ans et qui passerait ne passerait pas sur canal ou les chaines du câble mais accessible à tous… prochaine étape ?
-NDLR : Le livre est le produit de la radio et d’internet, aurait-il pu en être autrement (télévision et presse écrite)… La question reste ouverte mais j’ai ma réponse !-

Le rap n’est pas une sous culture ! Mais pour l’affirmer il faut des références, des pros, des spécialistes, des émissions, on va faire un dossier sur les featuring improbables par exemple, vous serez surpris de voir comment le rap est présent partout même dans la variété… alors occupons la place qui nous revient et accordons à cette musique la place qu’elle mérite, au sommet de la pyramide ! Après, il faut aussi savoir prendre des risques, mettre la musique partout… prenons le cinéma, le rap dans la majorité des films français illustre des scènes de violence ou de banlieue… mais cela change, petit à petit, il y a quand même des victoires. Des gens comme Omar Sy, Thomas Thouroude, Mouloud etc. viennent de cet univers au sens large… on entend quelques génériques dans les émissions de foot ou le rap est très présent et amènent au style une certaine légitimité populaire. Mais le chemin est encore long !

UN DISQUE À ÉCOUTER POUR CELUI OU CELLE QUI EST TOTALEMENT RÉFRACTAIRE AU RAP :
C’est vraiment très dur !!!!

– L’école du micro d’argent d’I am

– Hexagone 2001… rien n’a changé, collectif de rappeurs qui reprennent du Renaud, la preuve que l’ouverture est de plus en plus importante, la réunion entre la France et sa musique n’est pas loin, accepter cette réalité, c’est presque politique !

– Tellement qui mériterait d’aller dans leurs oreilles …

L’AVENIR ?
Il faut plus de projets consacrés au Rap, montrer qu’on est là, aux Etats-Unis des textes de krs-one et Tupac sont étudiés à l’université, n’oublions pas que le rap ne se limite pas à quelques artistes subversifs qui provoquent les mêmes courroux que le rock en son temps, scandaliser à toujours fait parti du jeu, en revanche aujourd’hui personne ne conteste aux Bowie, Stones, Beatles, leur génie et de nombreux français ont écrit des livres ou réalisé des reportages sur ces artistes … Les rappeurs français méritent autant de considération surtout au regard du talent… et des ventes, rappelez moi d’où viennent Stromae, Orelsan, Doc Gyneco ? Le phénomène prend de l’ampleur. Notre livre est un message aux futurs générations qui peut être s’en inspireront ou iront chercher des références pour des mémoires, des travaux dans les écoles d’art, de communication et pourquoi pas de commerce…

Après tout pourquoi pas : Le Rap est la musique préférée des français !

En 1996, Skyrock a basculé dans le rap et le R n B, devenant la première radio nationale spécialisée dans la culture urbaine. Voilà dix-sept ans que, avec toute l équipe de Skyrock, nous nous battons pour populariser cette culture et faire découvrir les artistes qui la font vivre. Dix-sept ans ! Quand je pense au nombre de projets, d émissions, de concerts, de rencontres… j ai le vertige ! De IAM à Doc Gynéco, de NTM à Sexion d Assaut, sans oublier Diam’s, Rohff, Booba, La Fouine, Orelsan, Soprano et tant d’autres, ils sont tous passés sur Skyrock et j ai vécu des histoires extraordinaires avec chacun d entre eux…

Au fur et à mesure de l’échange on se prend à réver, à une certaine éducation des esprits reveches, aux origines des samples et de la musique, au sens des paroles, à l’incroyable vecteur qu’est le rap pour fédérer et transporter les âmes des recoins les plus sombres aux plus éthérés.

Un livre hautement recommandé, pas uniquement aux amateurs de rap, à celles et ceux qui croient encore que c’est juste du bruit et des borborygmes, produit d’une sous culture et qui finiront si ce n’est par changer d’avis, au moins de céder la place à d’autres, capables de réunir et d’apprécier la diversité des courants stylistiques nécessaires pour que socialement chacun soit reconnu à sa juste valeur. Quelque soit son origine, sa religion, sa couleur dont nous n’avons fondamentalement pas à nous préoccuper pour harmonieusement vivre et grandir ensemble.

Dix-sept ans plus tard, la culture urbaine a emporté la partie. Ses influences, références, codes, rythmes, sons et attitudes ont infiltré toutes les couches de la société. Le rap s’invite chez les bobos, dans les cités, les médias, au cinéma, dans la rue et les défilés des grands couturiers, dans l’art contemporain et la déco. Il est dans le générique d’une émission, dans la bande-son d’un film, dans les fêtes du samedi soir et dans les stades de foot. Il est dans la gestuelle, le langage. Ce n’est pas une provocation mais un constat : le rap est aujourd’hui la musique préférée des Français !

Laurent Bouneau, directeur général des programmes de Skyrock, est l’homme qui a popularisé le rap et les rappeurs en France. Fif Tobossi, fondateur de Booska-P, le site n° 1 sur le rap en Europe, est un amoureux et un fin connaisseur du rap français. Ils ont tous deux été des témoins de cette success story, dont ils ont eux-mêmes écrit quelques pages. Avec l’auteure Tonie Behar, ils livrent ici une histoire subjective du rap français, truffée d’artistes et d’anecdotes insolites. Aux éditions Don Quichotte

INTERVIEW ANNA POLINA, L’ÉGÉRIE DORCEL SENSUELLEMENT PUNK

INTERVIEW ANNA POLINA, L’ÉGÉRIE DORCEL SENSUELLEMENT PUNK

Anna Polina est une iconique Porno Lady, actrice, réalisatrice … Mais la Dorcel Girl est aussi drôle, pertinente, extrêmement sensuelle et punk. Anna entre dans la pièce et tous les sens se mettent en éveil ! Après notre conversation, je peux définitivement vous confirmer que l’adage « don’t judge a book by its cover » est une évidente réalité. Avec en prime le test de l’expérience de Réalité Virtuelle 360°3D par Marc Dorcel.

Il fallait bien trouver une première question pour se mettre dans l’ambiance, alors on a parlé musique : Anna, la musique fait partie intégrante de votre vie, pouvez-vous nous en dire plus ?

La musique est indispensable ! Pour tout, que ce soit dans les bons ou les mauvais moments, la musique permet d’exorciser certaines émotions, la musique c’est primordial, en revanche même si j’ai un milliard de projets, si je fais de la musique, le public aura le droit de m’insulter sur les réseaux sociaux ! J’ai trop de respect pour les rappeurs, les musiciens, les DJ, pour supporter l’arnaque musicale ! La dessus, je suis intransigeante, mais participer à des vidéos c’est pour moi logique, Seth Gueko par exemple aimait bien mes films et moi son rap, c’était une collaboration amicale. Aufgang pour le clip « Summer » c’était une occasion de participer à un super concept et de changer d’univers…

Une pépite ou un coup de coeur à partager ?

Seth Gueko « Professeur Punchline » !

Anna vous êtes également férue de littérature, Virginie Despentes fait partie notamment de vos références quelle est votre livre de chevet actuellement :

Eva de Simon Liberati. Mais des auteurs comme Virginie Despentes me touchent énormément car je suis une grande punk. Dans ma vie je n’ai jamais fait de concessions, J’ai toujours fait ce que je voulais, quand je voulais, je tiens à la liberté que je m’accorde, choisir son métier, choisir ses amis, l’endroit où l’on vit et je suis intransigeante la dessus !

Puisque vous êtes Punk, que faites vous pour lutter contre le conformisme ?

Même si je tiens à mon confort, pour moi être punk c’est un mode de pensée: accepter la plus totale des libertés. Ma première façon de lutter contre ce conformisme a été de faire du X, de l’assumer, de continuer à en faire et de rester dans cet univers que j’ai envie de défendre, d’autant plus que je suis également libre sexuellement dans ma vie privée.

En terme de plaisirs hédonistes, peut-être au dessus de la luxure, il y a la gourmandise… alors êtes vous gourmande ?

(Rires) Je suis le stéréotype de la fille de l’Est, j’aime les truc salés… j’adore le caviar et le hareng ! sinon je suis fan de la soupe de goulash mais c’est beaucoup moins glamour, un genre de pot-au-feu mais version hongroise. Je ne vais pas parler de Chantilly et de fraises …

Pour prendre soin de votre corps, vous faites du cross-fit ?

C’est plutôt de la torture que du sport ! Je ne suis pas une grande sportive mais j’aime beaucoup la danse, je fais des shows en discothèques, en revanche je n’aime pas courir, la salle de sport m’ennuie très vite et je passe plus de temps à regarder les gens ou à discuter qu’à faire du sport mais récemment j’ai un ami qui m’a proposé d’essayer le cross fit j’avais l’impression d’entrer dans une secte tellement les gens qui en font sont addicts, mais je comprends ! c’est hyper diversifié, beaucoup de mouvements différents, du cardio, haltérophilie, gymnastique, c’est aussi intéressant pour le corps que l’esprit et surtout c’est un vrai challenge, pour une fois que je suis la plus nulle du cours, une vraie mise en danger.

Pour celles et ceux qui vous découvrent, je l’espère avec plaisir, grâce à ce portrait quel serait le film que vous pourriez leur conseiller pour une première fois ?

En ce qui concerne les films ce serait la journaliste, mais plus globalement tous les films que j’ai tournée en 2015. Je me suis libérée de beaucoup de complexes. J’ai appris à travailler avec de nombreux réalisateurs. J’ai une meilleure technique mais j’arrive surtout à prendre du plaisir et du coup je pense procurer une certaine émotion pornographique. Donc principalement les dernières productions plutôt que les anciennes.

La réalisation ?

J’ai eu l’occasion de réaliser un film à petit budget mais j’aimerai en faire d’autres avec de plus gros budgets. Il faudrait que j’ai le temps d’écrire quelque chose de bien, pas de trop parlant parce que ce n’est pas le but dans le X, sans verser non plus dans le porno féministe, mais qui pourrait plaire à un large public, à des jeunes femmes de 20 ans, jeunes couples, j’aimerai aussi réaliser des courts, des moyens, des longs…

Que pensez-vous des scènes de sexe non simulée dans le cinéma traditionnel et par exemple du battage autour de fifty shade of grey alors que les acteurs étaient doublés ?

Je trouve qu’on a fait énormément de bruit autour de 50 nuances de Grey. Je suis allée voir le film par acquit de conscience. J’ai lu le 1er tome également (moins douloureux à lire qu’à regarder d’ailleurs), c’est clairement l’un des pires films de toute ma vie ! pourtant je suis fan de la série gossip girl et j’ai grandi avec Dawson, je peux vraiment être bon public… mais dans 50 nuances, il n’y a pas de sexe ! Pas d’enjeu, je trouve ça très gentillet, quand on pense aux Valseuses où il y avait vraiment quelque chose, aujourd’hui on nous vend du SM presque »Disney » ! alors que des réalisateurs comme Gaspar Noé par exemple avec Love sont capables de proposer du vrai contenu, mais c’est dans le milieu Underground et toujours trop loin du grand public.

En ce qui concerne la mode avez vous des préférences ?

Je ne porte quasiment que du noir, je déteste la couleur, c’est la raison pour laquelle je me suis teinte en blonde, pour faire ressortir le noir, je suis de plus en plus intéressée – pas forcément par la mode – mais par le vêtement. J’aime quand c’est bien taillé, comme The Kooples, j’aimais Balmain jusqu’à sa collaboration avec H&M. Maje, Sandro, dans toutes ces boutiques on peut trouver des trucs sympa. American Apparel pour les leggings, ça passe toujours !

D’ailleurs leurs publicités sont toujours très explicites et stylisées ! j’imagine que Terry Richardson, le Street-Art par exemple, ce sont des mouvements artistiques que vous appréciez ?

J’adore Terry Richardson, je trouve qu’il y a beaucoup de polémiques autour du personnage mais à côté de ça il est extrêmement talentueux, sa dernière séance avec Miley Cyrus est excellente voilà typiquement une personne a qui on a collé une étiquette et qui évolue en pleine liberté, elle renvoie une super image !

Qu’est-ce qui vous fait complètement décoller ?

Le caviar, le hareng (rires) certains garçons et certaines musiques.

C’est quoi pour vous le summum du luxe ?

C’est d’avoir beaucoup de second degré, d’autodérision, de recul sur la vie, d’avoir une sorte de mélange de dignité et d’autodérision et c’est valable quelque soit sont statut social !

Quelle est la cause que vous défendez plus particulièrement ?

Les travailleuses du sexe. Les strip-teaseuses. Les filles qui posent nues. Les actrices X. J’ai conçu ma vie de femme dans cet environnement là et je considère qu’il est anormal qu’une pratique faite entre personnes consentantes soit aussi mal considérée, qu’il y ait aussi peu de respect pour celles qui font ces métiers, qui existent depuis toujours. Quant on pense à celles qui aident les personnes souffrant d’un handicap par exemple, leur sexualité est malheureusement un tabou… D’autre part, si on regarde les Etats-Unis, la grande différence, c’est la mentalité, peu importe le domaine de réussite, cela provoque le respect. C’est la raison pour laquelle on peut voir des actrices X dans des séries télévisées ou des films mainstream, comme par exemple Game of thrones avec Shae (Sibel Kekilli) qui a eu un rôle très important. Au départ elle faisait du X allemand et a pu faire un film d’auteur et cette série, ou Sasha Grey dans The Girlfriend Experience de Sodebergh. Lorsqu’elles ont des compagnons célèbres, ils sont capables d’aller ensemble sans peur du jugement aux AVN Awards. Là-bas le X est une industrie à part égal des autres.

Est-ce que l’art tourne en rond, ou est-ce qu’il y a encore des champs à explorer ?

Aujourd’hui, si je prends ma génération, les 25 – 30 ans, nous avons des possibilités infinies de création. De projets réalisables et la capacité de les partager. Il faut avoir l’envie et se donner les moyens de les accomplir, grâce aux Internets, Youtube, Soundcloud etc. même les livres peuvent se diffuser en ligne et sans beaucoup de frais, il y a encore énormément de champs à explorer.

Dans le domaine du porno, il y a une certaine nostalgie du X des 70’s, le côté vintage, « classieux », est-ce abandonné ?

Je vous recommande Prison de chez Dorcel, il y a une esthétique très présente. Une mise en condition. Un vrai travail sur les lumières, le scénario. On est dans du pornart, du porno chic. Il ya quelques productions qui font encore ce genre de contenus, mais c’est une minorité, à part Marc Dorcel en Europe, il n’y a pas grand chose. Il ne faut pas oublier que les budgets sont très importants et que la qualité à un prix !

De fait, les besoins de votre industrie pour proposer des films toujours plus ambitieux passe par le payant plutôt que le tout gratuit ?

J’achète la musique sur Itunes et j’aimerai bien que mes fans aillent sur les sites légaux pour voir ou télécharger mes films. Il y a bien sur le site Dorcel.com, mais également de nombreuses plateformes sécurisées qui permettent d’acquérir les films sans pénaliser les actrices, les réalisateurs, les producteurs. En fait, la plupart des maisons de production ont des sites très bien fait et la qualité est réellement au rendez-vous ! Alors, faîtes-moi plaisir…

Un grand merci à Anna, Camille et Marie Laurence pour cette charmante rencontre.

A suivre: le Test de l’expérience de Réalité Virtuelle 360°3D par Marc Dorcel avec Anna Polina

INTERVIEW – MARK DAUMAIL DE COCOON « WELCOME HOME »

Le troisième album de Cocoon, “Welcome Home”, a été enregistré entre Bordeaux, Berlin et Richmond en Virginie. Il succède à « My Friends All Died In A Plane Crash » et « Where the Oceans End » certifiés platine.

Un nouvel opus qui porte la marque de Matthew E. White, une des figures les plus respectées de l’americana. Dans les studios de son label Spacebomb, il a réalisé quatre titres, de nombreux overdubs et la totalité des arrangements (chœurs, cordes et cuivres) du disque.

Mark Daumail, l’auteur-compositeur interprète, a composé douze titres dans une veine plus soul que les deux albums précédents. Morgane qui assurait la voix féminine sur ces disques ayant décidé de se consacrer à des projets plus personnels, Mark a confié le soin d’exécuter ces parties vocales à plusieurs intervenants. Des choristes gospel sur une poignée de titres, Natalie Prass, une des figures de proue du label Spacebomb, sur deux morceaux et Matthew E. White sur un duo bouleversant.

L’imagerie de l’album est exécutée par une artiste texane Esther Pearl Watson. Elle illustre chacune des chansons par un tableau ayant pour thème, l’abri, la maison… ces œuvres donneront lieu à une expo parisienne autour de la sortie de l’album.

“Welcome Home” sortira le 26 août 2016 et le premier extrait “I Can’t Wait” fait déjà le bonheur des radios. Cocoon sera en tournée dans toute la France dès cet automne.

COCOON-®Yann-Orhan
Interview :

Welcome Home s’annonce, et pour ce qu’on en a déjà entendu, comme un album lumineux, authentique, sincère et généreux, ça fait du bien d’envisager sereinement l’accueil du public ?

Merci pour ces qualificatifs ! C’est exactement ce que je voulais obtenir : un album lumineux et sincère, donc vos mots me touchent beaucoup. Je n’ai jamais chanté les choses aussi simplement que dans cet album en tout cas. J’espère que le public le sentira.

Après un virage solo vous reprenez les rênes de Cocoon, est-ce un disque de groupe ou plutôt d’une famille musicale avec Matthew E. White, Natalie Prass, Trey Pollard ?

C’est exactement l’idée que je me fais de Cocoon : une sorte de grande équipe avec des intervenants qui viennent, qui repartent. Dans ce disque il y a une trentaine de musiciens, huit chanteurs et chanteuses… Cocoon est un projet basé sur les voix et les mélanges de voix donc je veux de plus en plus m’amuser avec ça. C’est pour ça que j’ai voulu partir sur un son plus gospel dans ce disque.

Comment s’est passé l’enregistrement de l’album, pour Where the Oceans End vous étiez entre Londres, Paris et Belle-Ile-En-Mer, cette fois c’est entre Bordeaux, Berlin et Richmond, est-ce que ces lieux apportent une couleur musicale différente ?

Oui bien sûr. Pour Where The Oceans je voulais me rapprocher d’une esthétique anglaise, pluvieuse, très mélancolique et chic à la fois. Pour mon album solo electro, je voulais me rapprocher d’une certaine idée de la french touch donc Paris était la ville idéale. Pour Welcome Home, l’idée était d’obtenir ce son gospel et des arrangements plus cinématographiques, donc les Etats-Unis s’imposaient. Berlin est un peu un hasard mais je voulais enregistrer mes voix ailleurs que chez moi (je suis très mauvais pour enregistrer ma voix) et donc j’ai trouvé quelqu’un qui était ok pour le faire à Berlin.

Après cette nouvelle expérience d’enregistrement, préférez vous la scène ou le studio ?

A chaque fois qu’on me pose cette question je réponds le studio mais je sors des répétitions avec le groupe et je sens que la scène va être très cool !

Vous avez parlé d’une approche organique de la musique, de chaleur analogique pour cet album, la guitare, le piano, les cuivres, la soul, le folk, le gospel, comme un besoin de revenir aux origines ?

Cocoon est mon projet folk, donc j’essaie de privilégier les instruments acoustiques même si parfois j’y intègre une boite à rythme ou un synthé. Mais en effet, même avec des instruments électroniques j’essaie d’utiliser uniquement de l’analogique pour garder une chaleur. Et je sens comme vous dites qu’il y a de plus en plus de soul dans ma musique, et je ne sais pas pourquoi.

Chaque chanson de l’album est emprunt de votre vécu récent et émotionnellement fort, on a coutume de dire qu’il est plus difficile de faire rire que pleurer, est-ce la même chose pour la musique ?

Oui tout à fait. Je voulais que le sentiment global soit joyeux car justement je sortais d’un tunnel de moments difficiles. Je ne me voyais pas faire un disque plombé, j’avais besoin d’un peu de lumière.

Le clip de I can’t Wait est une pure splendeur, pouvez-vous nous parler de Esther Pearl Watson ?

Merci. C’est une artiste de Los Angeles qui peint des tonnes de choses mais plus particulièrement des maisons. Sa peinture est faussement naïve et enfantine, un peu comme la musique de Cocoon donc elle me fascinait. Lorsque j’ai commencé à imaginer l’artwork du disque, à savoir une maison par chanson, je l’ai contactée, et elle a tout de suite accepté !

Est-ce que vous avez un livre, film, disque fétiche au point de ne jamais vous en séparer ?

Non pas vraiment. Quand j’aime quelque chose je peux rester bloqué des mois dessus et d’un coup le laisser de côté pendant quelques temps. L’année dernière c’était l’album de Sufjan Stevens. Cette année je sens que ça va être celui de James Blake !

Souhaitez-vous parler de l’association Les Liens Du Cœur dont vous êtes parrain ?

L’association a été crée par les médecins de l’Hôpital cardiologique Haut-Lévèque de Bordeaux où sont opérés et suivis les enfants atteints de maladies cardiaques congénitales. L’hôpital est l’un des plus pointus d’Europe et il accueille des enfants venant de loin. Nous essayons de réunir les fonds nécessaires à la construction d’une maison des parents qui permettraient d’accueillir les enfants et leurs parents le temps de leur hospitalisation. Vous trouverez toutes les infos ici : www.lesliensducoeur.org

Retrouvez l’actualité de Cocoon sur les réseaux :

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INTERVIEW EXCLUSIVE DE DAVID ZINCKE !

Ondes positives en approche … Grâce à David Zincke, on redécouvre le sens du mot cool, l’évidente simplicité des gens talentueux qui nous transportent en un clin d’oeil dans leur univers sans artifices ni matraquage. « Oh MY » résonne comme un hymne intergénérationnel,, un hymne aux free hugs et à la fraternité. A écouter et surtout à découvrir sur scène le 10 décembre au China Club, comme ça vous pourrez dire que vous étiez dans les premiers à l’avoir vu, car en 2015 il sera trop tard, tout le monde aura déjà succombé au charme de David Zincke !

Votre dernière chanson, « Oh my », sonne pour moi comme un hymne aux « free hugs et aux bons sentiments. Beaucoup de chanteurs aujourd’hui sont plutôt tristes, mélancoliques, est-ce que c’est dur de communiquer de bons sentiments ? »

– En fait j’ai voulu que cette chanson soit légère musicalement car elle ne l’est pas tant que ça dans les textes, parfois les mauvaises choses passent mieux lorsqu’elles sont dites avec légèreté !

On sent dans votre musique des sonorités blues – folk, presque de road-movies, d’où viennent vos influences : Doncaster, le sud du Yorkshire, les Etats-Unis ?

L’album est un melting-pot d’influences : Anglaises, américaines, françaises, les rencontres, les voyages tout cela se mélange, ce sont des sources d’inspirations qui convergent et se retrouvent ensuite dans ma musique.

Vous êtes en concert très prochainement, que préférez vous la scène ou le studio ?

La scène !!! j’ai joué jusqu’à 300 concerts par an. C’est aussi pour ça que je suis venu à Nice, j’ai pu jouer chaque soir et même en journée dans la rue, la scène c’est quitte ou double pas le droit de se manquer ! C’est vraiment quelque chose que j’adore.

A ce propos, conseillerez-vous à un jeune musicien de commencer par jouer dans des petits clubs ?

C’est sûr, il faut jouer ! que ce soit dans des petits clubs, la rue, partout : ça permet d’apprendre et de comprendre le public et d’entrer en communion avec lui, c’est une véritable école.

Comment s’est passée votre collaboration avec Medi :

On se connait depuis une dizaine d’années, je lui fait entièrement confiance, il a cette capacité à bonifier mon travail, le rendre plus efficace, ce n’est que du plaisir, notre collaboration est géniale !

Vous faites une reprise de « The Boxer » de Simon & Garfunkel, c’est symbolique ?

C’est une chanson que j’adore jouer elle me permet d’interagir avec le public, il n’y a pas beaucoup de paroles, donc elle a été facile à apprendre et les gens connaissent les paroles !

Chanter sans guitare c’est possible pour vous ?

Oh… Ca fait tellement partie de moi, chanter sans guitare… je ne saurais pas quoi faire de mes mains !!!

Nice parait être une destination étonnante quand on vient d’Angleterre, on se dit qu’il y a Londres ou les Etats-Unis ou même l’Allemagne …

En fait la France est un merveilleux pays pour un musicien il y a beaucoup de liberté et d’endroits pour jouer, c’est un véritable plaisir d’être ici !

Votre vidéo de oh my est assez vintage est-ce que le folk et le blues sont des musiques vintage ?

Le blues puise ses racines en Afrique et a continué de se developper jusqu’à maintenant, quand on voit des groupes comme les black keys par exemple on se rend compte que c’est une musique qui n’a jamais cessé d’exister, elle est juste parfois remise au gout du jour !

Avec un album et une tournée, que peut-on vous souhaiter en cette période de fêtes ?

Le bonheur personnel et c’est également ce que je souhaite à tous et à toutes

John Lennon aurait eu 74 ans cette année, que lui auriez-vous dit si vous l’aviez croisé ?

Merci !

Doncaster, une petite ville du nord de l’Angleterre jusqu’ici peu connue de tous, sera désormais célèbre comme étant la ville natale d’un artiste qui a déjà tout d’un grand. David Zincke.

L’élégance blues d’une voix, la justesse poétique d’un texte, la grâce folk d’un finger picking, la puissance et l’évidence pop d’une chanson. Voilà les maîtres mots qui font de ce songwritter l’un des trésors rares et incourtournables de 2014 et bien plus encore.

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Puisant depuis petit son inspiration en observant les siens, une famille de musiciens aux origines multiples, Mr Zincke a choisi de rejoindre ses cousins partis en exil sur les côtes d’un sud azuréen lui offrant le rayonnement musical dont il avait toujours rêvé. Avec eux, il foule chaque soir les scènes des cafés concerts de Nice, devenue véritable terre d’adoption.

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L’histoire dit qu’au détour d’une virée nocturne dans les ruelles de la capitale azuréenne, le chemin de David croise celui de Medi, musicien, réalisateur revenu depuis peu s’installer pour y développer la richesse de la scène locale. Le natif de Nice tombe littéralement sous le charme et lui propose ses services de producteur. Les deux hommes ont depuis entamé une promenade à l’anglaise, les amenant à l’élaboration d’un très attendu premier opus.

Les Prochaines dates de David Zincke

10 Décembre : @ China Club, Paris
11 Décembre : @ Public House, Frèjus
13 Décembre : @ B-Spot, Nice
14 Décembre : @ Kraspek Music, Lyon
16 Décembre : @ XX-café, Fribourg, Suisse
5 Février : @ Nouveau Casino, Paris

INTERVIEW GRAND BLANC x JetSociety

INTERVIEW GRAND BLANC x JetSociety

A l’occasion du Festival Ocean Climax, j’ai pu poser quelques questions à Camille et Vincent « Korben » de Grand Blanc, une belle rencontre avec des êtres à l’égal de leur musique : Sincères, authentiques, frais et talentueux.

Pour rappel: Grand Blanc vient de cet Est froid. Où il a grandi il y avait de grandes cathédrales, à côté de hauts fourneaux. On ne mettait pas longtemps à passer la frontière lorsqu’on prenait l’autoroute. On allait acheter du mauvais tabac bon marché et on saluait les pompistes dans d’autres langues. Sur la route, on écoutait des vieux Bashung, dans les années 80, quand il portait des T-shirts de Joy Division. On écoutait aussi les Cure qui reprenaient l’étranger de Camus dans « Killing an arab ». Kraftwerk, Autobahn, en reprenant l’autoroute Radioaktivität en passant devant la centrale. On parlait un peu de littérature, beaucoup de musique, le samedi on priait pour qu’il y ait un bon concert. Ou on allait au match, et on priait pour qu’il y ait au moins un but. Ou on allait au bar. On évitait la messe le dimanche mais on évitait pas Metz et on était vidés par nos petites virées. Quelques uns voulaient se mettre la tête dans le haut fourneau d’autres voulaient finir dans la grande cathédrale.

Vos chansons ont une histoire et une construction précise, mais une fois qu’elles sont transmises au public il se les approprient, avez-vous l’impression qu’elles sont toujours à vous ou un peu à eux aussi ?

C’est ce qui est à la fois drôle et effrayant avec la musique. Il est impossible de contrôler le contexte dans lequel ça peut être reçu. Tu ne sais jamais quand tu es musicien, ce que le public va faire avec ta musique. Si ça se trouve, les gens vont faire l’amour en t’écoutant, c’est super intime ! On en parlait avec un ami, artiste sculpteur, qui nous disait qu’il contrôlait beaucoup, qu’il réfléchissait au contexte de réception de son oeuvre. Nous, on a pas ce pouvoir, mais ça ne nous dérange pas du tout et même parfois on se dit, c’est peut-être dans ce sens là qu’on aurait du écrire cette chanson ! C’est vraiment super cool, ou surprenant, on a réécouté il n’ y a pas longtemps Syd Matters « To All of You », un titre qui a été utilisé dans une série super Girly, le groupe était choqué parce qu’en réalité c’était une chanson qui critiquait les filles américaines, il y a avait un contre emploi énorme mais c’est passé sans soucis ! C’est vrai qu’une fois le CD prêt, c’est comme un accouchement, sauf que là tu dis bye bye a ton bébé ! On travaille différemment en studio ou sur scène. En studio, on fonctionne un peu comme pour de la techno, donc on apprend à bosser les chansons pour la scène. Au fur et à mesure, un dialogue s’établit avec le public, un équilibre, on guette ses réactions, ça nous aide à interagir avec lui, dans les arrangements, la lumière…

Avec les succès de Bagarre, Blind Digital Citizen, Julia Jean-Baptiste, vous, pensez-vous que le label Entreprise est toujours à l’avant-garde de la nouvelle scène française ou est devenu mainstream ?

Nous on revendique le mot Pop, c’est ce qui nous rassemble, notamment avec Bagarre. Aujourd’hui on a passé le cap musique de niche, on veut rester libres de nos choix, mais en essayant de toucher un maximum de monde. Tame Impala par exemple est un génie de la Pop mais il ne fait pas de la musique pourrie ! La vraie question est plutôt : Est-ce qu’il faut qu’on arrête d’écouter de la merde à la radio ? Jacques disait un truc dans ce sens : Je fais mes chansons, je les aime, mais je ne comprends pas quand on ne les aime pas, j’aimerai convaincre les gens d’aimer la même chose que moi, surtout quand c’est bon !

Avec-vous un livre, disque, film fétiche au point de ne jamais vous en séparer ?

Pas vraiment, ça change souvent. Nous sommes quatre avec des goûts différents. (Camille) en ce moment j’adore Hélios d’Etienne Chaize, un livre d’images absolument magnifique.

INTERVIEW : JETSOCIETY X OCTAVE NOIRE

« Cent millions d’années, Une seconde, Une éternité, Pour faire un monde »
Tiraillé entre l’infiniment petit et l’infiniment grand…
Dix premières années en Côte d’Ivoire.
Dix années de cours de piano.
Il sera musicien.
Cursus de musicologie à la Sorbonne.
L’électro expérimentale de Kraftwerk et le synthé de Jean-Michel Jarre
Influence vocale Jacques Higelin.
Abordable et franchement barré
Electro-pop ample et puissante, qui projette illico ses images au fond de nos cerveaux.
Univers cinématographique qui engendre des atmosphères…

Octave Noire
Ton’s (clavier – machines)
Franck Richard (drums)

Au delà des formules et des interprétations des médias, comment aimeriez vous que l’on définisse Octave Noire ?
Je suis très content parce que les médias ont bien saisi mon objectif à travers Octave Noire, il s’agit d’un projet personnel, novateur dans un sens, c’est ce que j’aurai voulu entendre initialement et c’est en définitive ce que j’ai entendu !

On vous compare fatalement à d’autres artistes (Chamfort, Tellier …), c’est dur de prendre sa place dans un paysage musical adepte des carcans et des cases ?
On ne peut pas y couper, même moi que je veux décrire ce que je fais, je dois aller chercher des références et des artistes : Chamfort, Sheller, Gainsbourg, Higelin, que des artistes que j’apprécie, de superbes références, Tellier par exemple, j’adore !

Pensez-vous comme Platon que La musique donne une âme à nos coeurs et des ailes à la pensée ?
On s’élève grâce à la musique, c’est ce que j’essaie de faire. Quand je compose ça me fait voyager, je le fais pour moi, je n’essaie pas de tricher en imposant quelque chose à l’auditeur, c’est pour moi que je le fais et tant mieux si ça raisonne en lui.

Vos chansons ont une histoire et une construction précise, mais une fois qu’elles sont transmises au public il se les approprient, avez-vous l’impression qu’elles sont toujours à vous ou un peu à eux aussi ?
Elle vit sa vie la chanson, elle est autonome. Certaines interprétations sont complètement différentes de ce que j’avais imaginé, comme pour Un nouveau monde, certains y voient une évocation de la fin du monde, c’est peut être lié aux images du clip, en fait c’est une chanson qui parle de la naissance d’un monde, la naissance d’un être humain, chaque être humain est un univers, c’est une mise en abyme, elle est très positive comme chanson !

Dans le même sens, mais sur le plan de la création, vous avez notamment remixé le titre de Pandore – A Moitié Humaine, Kid Francescoli a remixé pour sa part un Nouveau Monde, ça tient de l’hommage, de l’envie d’améliorer ou d’apporter un regard différent sur l’oeuvre initiale ?
Il y a bien sûr une part d’hommage et de confiance, un côté ludique, il faut faire des propositions, comme en théâtre, lorsqu’on change l’éclairage, on découvre une autre perspective. Pour le remix de Kid Francescoli, j’ai trouvé ça déstabilisant au début et puis j’ai adoré, c’est sa version et je l’a respecte complètement !

A propos du titre de l’album vous dites : « Le néon est un gaz rare qu’on trouve dans l’univers. Mais c’est aussi l’éclairage courant de lieux parfois sordides, comme la laverie du coin. », vous êtes souvent dans cette dualité, la tête dans les étoiles mais les pieds bien encrés dans dans la terre ?
Foncièrement, c’est un trait de caractère que j’ai. Ca m’intéresse, tout ce qui nous dépasse, mais j’ai une approche poétique de la métaphysique, j’adore les reportages sur l’univers, le big bang, mais il faut que ça reste ludique, poétique, léger. Je ne donne pas de leçon dans mes chansons, je suis juste quelqu’un d’un peu aérien…

Avec-vous un livre, disque, film fétiche au point de ne jamais vous en séparer ?
Non je n’ai pas vraiment de fétiches, si ce n’est que dans toute mes influences musicales, Jacques Higelin tient une place à part. C’est un artiste avec lequel j’ai grandi, je l’ai même vu en concert à Bercy lorsque j’avais 13 ans ! Brigitte Fontaine, Areski, cette liberté, de vraies personnalité, jusqu’à l’album tombé du ciel après j’ai un peu décroché.

Quelles sont les prochaines étapes pour Octave Noire ?
On a la chance de faire de très belles tournées cet été, des gros festivals*, c’est toujours merveilleux et excitant !

Le rendez-vous est pris ! Un grand Merci à Octave Noire

YOTANKA RECORDS

https://www.facebook.com/octavenoire

INTERVIEW LOLA MARSH x JETSOCIETY

INTERVIEW LOLA MARSH x JETSOCIETY

Lola Marsh est une exquise sensation musicale. La voix de la (très) jolie Yael Shoshana Cohen, l’une des plus belles et magnétiques du moment est sublimée par les arrangements du multi-instrumentiste Gil Landau. Leur pop folk orchestrale aux accents cinématographiques fait mouche et rallie de plus en plus d’adeptes partout dans le monde. Alors que le groupe est en tournée, Yael et Gil ont accepté de répondre à nos questions.

JetSociety : Pouvez-vous nous raconter une anecdote (bonne ou drôle) de tournée ?

Yael – Lola Marsh : Il y a beaucoup de moments drôles et funs en tournée. C’est délicat d’en choisir un en particulier, et encore plus difficile de parler, parce que vous devez être là pour le vivre.. Hmmm .. Un très bon moment que j’ai eu, s’est passé lorsque je me suis rendue compte que Frida de ABBA (ndlr : Anni-Frid Synni « Frida » Lyngstad, désormais Son Altesse Sérénissime la Princesse Anni-Frid Reuss, Comtesse de Plauen), assistait à l’un de nos spectacles en Suisse. Elle m’a écrit une petite note à la fin du concert, et nous avons bavardé un peu. C’était vraiment génial pour moi de rencontrer cette femme puissante et inspirante… et je suis la fille la plus heureuse du monde depuis ce jour-là !

JetSociety : A partir du mois de mai, vous serez aux Etats-Unis, à New-York et Boston notamment, avez-vous l’impression de ramener votre amour de la folk sur sa terre natale ?

Lola Marsh : Haha, eh bien, ça a bien marché avec les groupes anglais, il n’y a aucune raison pour que ce ne soit pas la même chose avec nous !

JetSociety : Vous avez collaboré à la BO du film Criminal avec le titre Drift And Fall Again, est-ce un nouveau chemin que vous avez envie d’emprunter, écrire pour le cinéma ?

Lola Marsh : Ce fut une expérience très intéressante et amusante. Il y a une certaine liberté à écrire en dehors du cadre du groupe. On adorerait continuer dans cette voie, d’ailleurs ça serait presque dans l’ordre des choses car nous envisageons nos chansons comme des scènes imaginaires ou en capturant l’instant présent, sans compter le plaisir de collaborer avec des gens talentueux comme Brian (Tyler) et Keith (Power).

JetSociety : Lola Marsh a été annoncé comme la révélation de l’année 2016, est-ce un poids à supporter ou au contraire une motivation ?

C’est toujours génial d’entendre que les gens nous aiment ainsi que notre musique. Les bonnes critiques donnent un surcroit de motivation, mais ça ne change pas notre façon de travailler. On ne sait jamais ce qui va arriver lorsqu’on sort une chanson, alors on laisse de côté les doutes et on profite au maximum. Cela dit on est très fort en auto critique ! Pour répondre à votre question, on ne se sent pas accablés par ce poids, il y aura toujours de bonnes et de mauvaises critiques. C’est ce qui est fabuleux avec l’art. Ce n’est pas une science exacte et personne n’a de formule magique. Notre motivation vient de l’envie d’écrire de bonnes chansons. On essaie de rester concentrés là dessus et de travailler chaque jour de notre mieux.

JetSociety : Votre album est très attendu, pouvez-vous nous en dire plus ?

Lola Marsh Et bien, ça va être notre premier LP et nous sommes vraiment très impatients. Les chansons murissent avec le groupe depuis ces dernières années et nous essayons de nous laisser guider à travers elles.

JetSociety : Vous êtes vraiment dans votre élément sur scène, mais préférez-vous la scène ou le studio ?

Yael – Lola Marsh : Pour ma part, la foule me donne de l’énergie et ça rejaillit sur ma performance vocale, l’adrénaline me booste et je me concentre d’autant plus sur scène. En studio je dois faire appel à mon imagination et parfois j’en viens à apporter des affaires de chez moi pour me sentir plus confortable. Une chose vraiment cool en studio c’est ce sentiment de de pouvoir faire ce que tu veux et laisser libre court à tes idées mêmes les plus folles. Je peux chuchoter et ça sonnera toujours plus fort qu’en réalité.

JetSociety : J’ai vu ce commentaire sur youtube à la suite de la chanson You’re Mine : Ce matin à la radio, la journée dans ma tête et finalement dans ma playlist. Est-ce votre raison d’être toucher les coeurs ?

Oui bien sûr, lorsqu’on écrit une chanson la première chose que l’on fait c’est de la tester l’un sur l’autre, pour être sûrs que la mélodie ou les paroles nous touchent. Nous sommes deux créatures sensibles et c’est important pour nous de faire chavirer le public et d’écrire des chansons qui restent avec leurs auditeurs.

JetSociety : Nous allons voir si vous êtes en symbiose : Yael que préférez-vous chez Gil et Gil que préférez-vous chez Yael ?

Yael – Lola Marsh : Gil est la personne la plus talentueuse que je n’ai jamais rencontrée. A chaque fois qu’il touche un instrument, les plus belles mélodies prennent vie.

Gil – Lola Marsh : Yaeli à une extraordinaire capacité à rendre les gens souriants et heureux

JetSociety : Avez-vous l’un et l’autre un titre, un film ou un livre fétiche au point de ne jamais vous en séparer ?

Yael – Lola Marsh : L’histoire sans fin ! J’ai grandi avec ce livre qui est pour moi une vraie source de lumière dans les mauvais moments même à l’âge adulte 🙂

Gil- Lola Marsh : Retour vers le Futur, les 3 je suis complètement fan de ces films !

Traduit de l’anglais, la version originale est disponible à la suite de cette interview.

JetSociety : You are almost at the middle of your world tour, how are you feeling ?

Lola Marsh : The feeling is amazing. There is always an element of something « unexpected », you get to places you’ve never been before, and meet new people everyday. I always find it exciting when people sing lyrics from our songs at our shows..it’s still overwhelming for me. We always look forward to the next tour, It gives us an opportunity just to get away from the daily life, even though it is really hard work sometimes. There are very long drives, and sometimes you barely get any sleep before a show. It can get a little edgy, but adrenaline helps us pull through. And we love it.

JetSociety : Can you tell us a good or funny tour story ?

Yael – Lola Marsh : There’s A LOT of funny and good moments on tour, it’s hard to pick one, and even harder to tell about one, cause you have to be there.. Hmmm.. A very good moment that I had was when I’ve realized that Frida from ABBA, was at a show we gave in Switzerland. She wrote me a little note at the end of the show, and we chatted a bit, it was really inspiring for me to meet this powerful woman, and I was the happiest girl alive that day.

JetSociety : From May, you’ll be in the united states, N.Y and Boston, do you have the feeling to bring back folk to its homeland ?

Lola Marsh : Haha, well, it work the the whole british invasion bands and blues a while back, no reason for it not to work with our music.

JetSociety : You collaborated on the Criminal soundtrack with Drift And Fall Again, is this a new path that you want to take, writing for the cinema?

Lola Marsh : It was a very interesting and fun experience for us. There is a certain amount of freedom that comes with writing music that is outside of the band’s setting. We would definitely love to do more stuff like that. It felt pretty natural for us, because when we write songs, a lot of the time we envision some sort of imaginary scene or try to capture a moment in time. It was also a lot of fun collaborating with talented people like Brian (Tyler) and Keith (Power).

JetSociety : You have been announced as the revelation of 2016, is it a weight to bear, or rather a motivation ?

Lola Marsh : It’s always very exciting to hear that people liked us, and our music. Good reviews definitely give you a boost of motivation. It doesn’t really change stuff for us on the day to day of working. We have no control of what happens to a song once it’s released into the world, so we really try to let go of all the expectations and try to enjoy the process. It’s not such an easy thing to do, and we ourselves have a high degree of self criticism, but to answer your question, we don’t feel burdened by that. There will always be good and bad opinions about what you do. I guess that’s the great thing about art. It’s not an exact science, and we don’t try to formulate it into one. Our motivation to write good songs comes first and foremost from our natural desire to create and to be excited about it. We just try to stay focused and work it every day.

JetSociety : Your album is highly anticipated, can you tell us more ?

Lola Marsh : Well, It’s going to be our first full length release, and we’re really looking forward to it. The album is diverse and dynamic. The songs in it transformed with us as a band through the last few years, and we tried to let the songs and the story guide us through it.

JetSociety : You are really in your element on stage , but do you prefer the stage or the studio ?

Lola Marsh : I can totally say about myself, that something about the energy of a crowd, gives me powers and reflects on my performance, the adrenalin works on me like a charm, and I feel much more centered on stage. In the studio I always need to use my imagination, sometimes I bring stuff from my apartment to make me feel more comfortable and less sterilized.
A really good thing about recording in the studio is that you have this feeling that u can do whatever u wanna do, and fulfill all of your crazy ideas. I can whisper, and still can sound larger than life.

Lola Marsh – You’re Mine

Lire cette vidéo sur YouTube
JetSociety : I saw this comment on youtube after the song You’re Mine : This morning on the radio, the whole day in my head and finally on my playlist… Is it your purpose to touch the hearts ?

Lola Marsh : Of course. When we write a song, the first thing is to test it on each other and to check if the melody or lyrics touched us. We are both sensitive creatures and its important to us to move people, and to write a song that will stay with our listeners.

JetSociety : We’ll see if you are in symbiosis : Yael what is Gil best quality ? Gil what is Yael best quality ?

Yael : Gil is the most talented creature that I’ve ever met. Really. Always when his playing an instrument, the most beautiful melodies are coming to life.

Gil : Yaeli has special energy that makes people smile and happy.

JetSociety : Do you both have a song, a movie or a favorite book to the point of never to part with ?

Yael : « The NeverEnding Story ». I grew on this book, and it has been a great light for me in dark times, even as a grownup 🙂

Gil : « back to the future » all three of them. I just love these movie

INTERVIEW EXCLUSIVE – THE LUMINEERS PAR JETSOCIETY

INTERVIEW EXCLUSIVE – THE LUMINEERS PAR JETSOCIETY

The Lumineers possède un don infaillible de la mélodie intemporelle et des paroles qui vous remuent les tripes. Mélange de rock acoustique, de pop classique et de folk dépouillée. En 2011, la sortie d’un EP éponyme autoproduit est suivie d’une tournée mise sur pied par le groupe. Très vite, The Lumineers attirent des fans dévoués, d’abord dans l’Ouest des Etats-Unis, puis sur leur ancien terrain de chasse sur la côte Est. Leur public, composé de jeunes et de moins jeunes, est attiré par des chansons comme « Ho Hey » et « Stubborn Love », des titres d’Americana qui ont cassé la baraque, parus sur leur premier album éponyme sorti en 2012. The Lumineers sont nés du chagrin. Nourris par la passion. Arrivés à maturité à force de travail. Wesley Schultz, Neyla Pekarek, Jeremiah Fraites ont trouvé leur son à un moment où le monde en a bien besoin.

Cleopatra disponible depuis le 8 avril 2016 est leur deuxième album, à cette occasion, j’ai eu le plaisir de poser quelques questions à Wesley, voici ses réponses :

Pensez-vous comme Platon que La musique donne une âme à nos coeurs et des ailes à la pensée ?
Je pense surtout que la musique est un bon moyen de créer une connexion, de toucher le coeur du public et des fans.

Vous êtes en tournée actuellement, comment vous sentez-vous ?
Eh bien, la sensation est incroyable ! Nous sommes aux Etats-Unis en ce moment. Nous avons commencé la tournée en Europe, puis au Royaume-Uni. Lors de notre concert à Paris, tout était flambant neuf. Nous venions de finir l’enregistrement du nouvel album et même si les sensations étaient bonnes, chaque spectacle permet d’exprimer avec plus de fluidité les nouvelles chansons. Nous avons toujours un superbe accueil, le public est fantastique.

Est-ce que c’est dur de composer la setlist d’un concert, au risque de priver le public d’une de leur chanson favorite ?
(Rires) Avec deux albums nous avons la chance de pouvoir pratiquement tout jouer sans frustration pour le public ! Non sincèrement ce n’est pas si dur de composer la setlist de nos concerts !

Pouvez-vous nous raconter une anecdote de tournée ?
Voyons voir… Il y a quelques années nous étions en tourné avec nos amis de Langhorne Slim and The Law d’abord en Europe puis aux États-Unis. Une fois, notre camionnette est tombée en panne. Une vraie galère ! Il a fallu ramasser tout le matériel à la hâte, avec les risques de casse et se dépêcher pour ne pas arriver en retard au festival. Finalement nous avons réussi in extremis, après un sacré périple… mais au final on a tous pu assurer le show !

Le nouvel album Cleopatra est sorti le 8 Avril et c’est à la fois un succès critique et populaire, êtes vous heureux ou rassuré ?
Il faut rappeler que nous avons d’abord joué pendant un certain temps avant de réaliser notre premier album. Réaliser un disque est une expérience très spéciale, très intense. Evidemment, beaucoup de gens nous attendaient au tournant après quatre ans d’attente, mais nous sommes très fiers de Cleopatra. Ce disque correspond vraiment à ce que nous voulions faire et le retour du public est super positif ! On a eu beaucoup de chance de pouvoir prendre notre temps pour faire cet album et le résultat est à la hauteur de nos espérances.

A travers vos interviews on comprend que vos chansons ont une histoire et une construction précise, mais une fois qu’elles sont transmises au public il se les approprient, avez-vous l’impression qu’elles sont toujours à vous ou un peu à eux aussi ?
Je pense que vous avez raison. Le travail de l’artiste est de créer et de provoquer, que ce soit à travers l’écriture, la peinture, le cinéma ou la musique. Il est impossible de dicter la façon dont vous souhaitez que soit perçue votre oeuvre. Le travail est d’interagir avec le public. Parfois vous écrivez une chanson, vous lui donnez un sens et en fait elle est comprise complètement différemment. Ce qui est tout à fait intéressant ! Oh Hey par exemple a pris une autre tournure par rapport à ce que je pensais initialement. C’est une histoire de rupture avec une ville, à propos de quelqu’un de triste qui abandonne ses rêves… j’étais dans un moment de souffrance et pourtant aujourd’hui on l’entend dans les mariages, certains tombent amoureux dessus. C’est beau cette façon de s’approprier la chanson pour qu’elle devienne sienne !

Avez-vous un titre, un film ou un livre fétiche au point de ne jamais vous en séparer ?
J’écoute beaucoup d’albums avec lesquels j’ai grandi (NDLR vous pouvez écouter les inspirations des Lumineers sur Spotify). La perle de John Steinbeck est un roman qui me touche beaucoup maintenant, mais que je détestais lorsque j’étais à l’école car j’étais forcé de le lire. Il y a aussi du même auteur L’hiver de notre mécontentement. Je crois que c’est son dernier livre et il a reçu un accueil plus que mitigé à l’époque, certains ont aimé mais d’autres l’on vraiment détesté et il a reçu pour cela énormément de critiques qui lui ont fait mal. C’est un peu comme lorsque vous sortez un disque, c’est un moment où vous êtes très vulnérable, d’autant plus aujourd’hui avec les réseaux sociaux et la vitesse à laquelle peuvent se propager des critiques, ce qui est très à la mode. Avec le temps j’ai réalisé que Steinbeck était une source d’inspiration pour moi et qu’il est important de pondérer ses critiques.

Propos de l’interview recueillis par téléphone, merci à Virginie, Aurélie, Sophia et Emma pour leur aide et collaboration.

The Lumineers have an infallible gift of timeless melody and lyrics that move your guts, enthusiastic mix of acoustic rock, classic pop and folk stripped. In 2011, the output of a self-produced self-titled EP is followed by a tour set up by the group. Soon, The Lumineers attract devoted fans, first in the western United States, then their old hunting grounds on the East Coast. Their audience of young and old, is attracted to songs like « Ho Hey » and « Stubborn Love » published on their first album « The Lumineers » The Lumineers are born of sorrow, fed by passion, mature by work. Wesley Schultz, Neyla Pekarek, Jeremiah Fraites found their sound at a time when the world really needs. Cleopatra, their second album was released April 8 2016, at this occasion, we had the chance to ask some questions to Wesley, Here the answers :

Do you think like Plato that Music gives a soul to our hearts and wings to the mind ?
I think above all that music is a good way to create a connection, touching the hearts of audience and fans.

You are currently on tour , how do you feel ?
Well, the feeling is incredible! We are in the US right now. We started the tour in Europe and the UK. At our concert in Paris, everything was brand new. We had just finished recording the new album and even if the sensations were good, each show can express more smoothly the new songs. The public is fantastic. (Find the Tour Dates at the end of this interview)

Is it hard to compose the set list for a concert at the risk of depriving the public of their favorite song ?
(Laughs) With two albums we have the chance to play the major part of our songs without frustration for the public ! No honestly it’s not so hard to compose the setlist of our concerts !

Can you tell us a good or funny tour story ?
Well … Some years ago we were on tour with our friends Langhorne Slim & The Law in Europe and after the United States. Once the van broke down… It was terrible ! We had to pick up all the equipment in haste and hurry not to be late for the festival, we finally arrived after a lot of adventures, but everyone was able to make the show !

The new Cleopatra album was released on April 8 and it is both a critical and popular success , are you happy or reassured ?
We were playing for a while before our debut album. If you are lucky to write an album, that’s a very very special thing to do. A lot of people were waiting for us in 4 years but we are really proud of Cleopatra. We were lucky to make an album that matters to us while the world was watching. We are very thankfull for the positive reception.

Through your interviews we understand that your songs have a history and a precise construction, but once they are transmitted to the public it appropriate them, do you feel that the songs ares still yours or for a part their too ?
I think you are right. When you make art, writing, painting, film and music, your job as an artist is to create and provoke, but i think that you can’t dictate how that is interpreted. It’s the job to interact with them.
Sometimes you write a song you think it’s about something completely different from that. It’s quite interesting. It’s really not expected. I mean on our first album, Oh Hey, it’s about a break up basically to a city that we don’t below, and then everybody falling in love and use it for wedding, it was a painfull moment in my life, but everybody enjoy the song ! I think it’s beautiful what people take from your song and make it their !

Do you have a song, a movie or a favorite book to the point of never to part with ?
I listen to a lot of albums with whom i grew up (you can listen to the Lumineers Inspiration on spotify) but i would say John Steinbeck. I remember that when i was at school i didn’t like the Pearl because i was forced to read it, but now Steinbeck is one of my favourite author. The winter and our discontent, i think that’s his last book is really incredible. Some people said it was the worst, some other it was great. The book was heavily criticized when it was released. He was really wounded by that. It’s the same when you release an album, it’s a very vulnerable thing to do. We live in such a critical world, and with the social media it could be very quick to criticize but it can hurt. Steinbeck is really an inspiration to me.

Infos :
thelumineers.com
facebook.com/TheLumineers
twitter.com/thelumineers
instagram.com/thelumineers

INTERVIEW JULIETTE ARMANET : CAVALIER SEULE

INTERVIEW JULIETTE ARMANET : CAVALIER SEULE

Après une finale des Inrocks Lab en 2014. Deux albums piano-voix baroque. Une résidence à la Villa Médicis, elle se tourne désormais vers la pop à la française. Juliette Armanet nous invite à faire Cavalier Seule, chevaucher dans des contrés d’amour des mots. Des sonorités qui touchent le coeur. Des mélodies qui appellent les corps. Au rythme de sa voix et de son piano…

Après avoir écouté attentivement les 4 titres de Cavalier Seule (voir le track par track) et réécouté l’amour en solitaire, je me suis demandé si vous étiez d’accord avec cette citation de William Shakespeare dans la nuit des Rois : « La musique est l’aliment de l’amour ? »

Oui, dans mon cas, l’amour est le thème principal de beaucoup de chansons. On chante pour se consoler, pour séduire, par nostalgie, pour l’être aimé… effectivement je suis d’accord avec Shakespeare !

Compte tenu du titre de l’e.p « Cavalier Seule » et de sa remarquable pochette : Etes vous, indomptable ? fougueuse ? sauvage ? ou indépendante ?

Je suis tout cela à la fois… sauf sauvage ! Mais je suis très indépendante, une vraie tête brulée, par la force des choses et mon histoire. Assez instinctive. En fait, je n’en fait souvent qu’à ma tête ! Le titre Cavalier Seule, j’y tenais énormément. Il a un côté à la fois masculin, féminin, une grande dualité et en même temps conquérant, qui suggère une fin de parcours, très poor lonesome cowboy.

Vous êtes invitée du Festival international de Mode et de photographie de Hyères, après la villa medicis, le centre pompidou avec Saycet, les collaborations avec Théo Mercier notamment, est-ce que vous êtes dans une forme d’exposition musicale ou de fusion des genres ?

J’essaye ! Je viens du théâtre. J’aime mélanger les arts, les genres. Je rêve un jour de faire des concerts hybrides avec des danses et des lectures par exemple. Je n’ai pas envie de me priver de l’aspect visuel qui est très important pour moi. Je suis une collectionneuse dans l’âme, très attachée à l’esthétique. Je cherche encore mes marques. Pour le clip de Manque d’Amour, le réalisateur a eu carte banche, mais j’adorerai réaliser mes vidéos !

Les français adorent les comparaisons et les révélations : Une femme au piano c’est la nouvelle Véronique Sanson. C’est français et bien tourné : William Scheller, Michel Jonasz, Polnareff ou Berger mais en réalité d’où viennent vos influences ? (Je dois vous avouer que j’ai eu des flashbacks de l’effrontée de Claude Miller en vous écoutant !) Au passage… Est-ce que vous militez pour le retour du slow avec Manque d’amour ?

A fond !!! La ballade c’est une danse pré nuptiale dans laquelle on s’abandonne, comme dans le film la Boum. Ce slow langoureux et chargé d’électricité qui finit par des pelles, yeux humides et cheveux mélangés… Je dois confesser que mon rêve serait de passer sur radio Nostalgie. Je n’ai aucun problème à faire de la variété et de ne pas faire partie d’une niche « Indé ». J’aime l’idée du grand public, de 7 à 77 ans, tous réunis, de toucher ces coeurs en même temps. Je suis ultra attentive à la mélodie, au sens de l’harmonie. Jeune j’ai été bercée par la musique classique, le baroque ou Chet Baker mais j’ai ressenti l’appel de la pop, des Bee Gees à Patrick Juvet, de Bashung à celles et ceux que vous avez cités. Hors des modes, hors du temps, juste des belles chansons pour tous. C’était déjà mon ressenti dans l’Amour en solitaire.

Quand on voit les finalistes sosh aime les inrocks lab 2014 : Vous, Camp Claude, Feu Chatterton mais également Christine & The Queens à Coachella, Brigitte, sans compter des groupes comme Grand Blanc, Bagarre. Est ce que vous ressentez un changement dans le paysage musical français ?

J’ai l’impression que ça bouge, il y a eu une période un peu plus creuse il y a 4 – 5 ans mais aujourd’hui, une nouvelle vague est en train de s’installer, même si les télé- crochets perturbent le paysage avec leur soif de performance vocales !

Vous avez fait les premières partie de Julien Doré, Sébastien Tellier, Bryan Ferry, Juliette Gréco, en duo avec Saycet, qui est d’ailleurs présent sur le titre « La Carte Postale ». Remixée par Yuksek dans le cadre de Colette French Kiss, c’est sans doute délicat comme question, mais à brule pourpoint qu’elle fut l’expérience la plus marquante ?

J’ai été totalement bluffée par Juliette Gréco au printemps de Bourges. Un de mes plus beaux souvenirs de concert, elle était éblouissante, drôle, sensuelle. Les expériences de scène sont toutes particulières, Brigitte c’était charmant, très girly. Avec Julien Doré on a fait une trentaine de dates, le public était si chaleureux. On apprend tellement et puis il y a des émotions folles : Il faut y aller ! je ne vous cache pas que pour mon premier Olympia je me suis servi un petit whisky avant de monter sur scène !

Sur Cavalier Seule, j’ai noté la présence de Raoul Chichin à la guitare. La plupart des musiciens ont bossé avec Sébastien Tellier, je pense à Jerome Arrighi ou avec la fine fleur de la scène française actuelle comme Marlon B, comment s’est passé l’enregistrement ?

Pour la chanson « Manque d’Amour » par exemple, on a fait une prise live : Piano – Voix et ce fut la bonne. Après j’ai ajouté mes arrangements. Mais tout s’est fait naturellement, en pleine confiance et intelligence. Je suis très old school alors je serai ravie si l’album à venir pouvait sortir en vinyle, je ne suis pas du tout playlist, je préfère écouter toutes les chansons à la suite et puis il y a le plaisir de l’objet.

Chanter sans piano, ce serait possible pour vous ?

J’y travaille, d’autant plus que j’adore danser et certaines de mes chansons peuvent s’interpréter debout, mais le piano c’est un peu mon armure !

Est ce que vous avez un titre, un film ou un livre fétiche au point de ne jamais vous en séparer ?

Ma référence du moment c’est Loulou de Maurice Pialat avec Depardieu et Huppert. Je suis très Loulou !

1. MANQUE D’AMOUR : Rappelez-vous ce moment, fébrile sur la piste de danse, lorsque le ou la cavalier(e) que vous convoitez accepte ce slow qui restera gravé dans votre mémoire, premier baiser, étreinte charnelle. Le ton est donné. Manque d’amour malgré son titre, est-ce un hasard ? vous rappellera à la nostalgie de toutes les premières fois.

2. CAVALIER SEULE : L’amour se consomme, sur un rythme enlevé, oriental et une prosodie mi femme mi cheval. Une piste exaltante qui fleure bon l’univers de John Ford.

3 LA CARTE POSTALE : L’amour se consume, à distance, blues, mélancolie, spleen et souvenirs.

4 Adieu Tchin Tchin : Cette fois c’est sûr, l’amour est mort mais rien de grave, il suffit de tourner la face du 45 tours, pardon, de revenir sur la première track pour se replonger à nouveau dans les méandres du jeu de l’amour et du hasard.

En savoir plus : https://www.facebook.com/JulietteArmanet

INTERVIEW MZ (Mafia Zeutrei) X JETSOCIETY

JOK’AIR, DEHMO, HACHE-P (LA MZ) BIEN ENTOURÉS PAR DAVIDSON ET ZOXEA, GRAVISSENT À FORCE DE SCÈNE ET DE STUDIO LE CHEMIN QUI LES MÈNE VERS LEUR OBJECTIF : FAIRE KIFFER LE PUBLIC DU 16 AU 13, DE PARIS EN PROVINCE SANS DISCRIMINATION, MAIS NON SANS AMBITION.

Merci à Jock’air de s’être prêté au jeu des questions réponses :

Comment se passe la tournée ? Quelles sont les réactions du public à vos derniers titres ?

Une tournée excellente avec un énorme retour des fans. Super accueil du public que ce soit à Paris ou en province. C’est une grosse surprise parce qu’on est en première partie et malgré ça le public présent connait pratiquement tous les morceaux !

Pour rappel : 28 Novembre. La MZ en première partie de Niro au Bataclan.

Vous préférez le studio ou la scène ?

Le studio c’est comme avec ta copine tu sais ou tu vas… par contre la scène c’est un aboutissement, toute la préparation, le travail ça s’exprime sur scène !

Comment viennent les paroles. Qui écrit et surtout comment ça se passe pour la répartition des lyrics ?

On se confronte et on propose. On a 3 personnalités complémentaires, du coup chacun cherche l’inspiration et ensuite on rassemble nos idées… on est une bande de potes avec son style de prédilection, sa personnalité et ses références pour apporter sa touche personnelle au morceau.

Vous avez une fanbase exponentielle, comment ça se gère ? C’est bon de les surprendre, comme avec la chanson « embrasse moi » par exemple ?

C’est du lourd, en plus on a des fans qui nous suivent de partout, un vrai melting pot. On a toujours envie de les surprendre et de les faire kiffer. On veut pas rester dans des cases figées, tu prends « enfermés dehors » ou Bratatata, c’est pas 15 fois le même morceau comme certains rappers.

Vous avez utilisé des sons loin du hop hop Pendentif, Florence and the machine, un peu comme Dj Medhi en son temps qui a su fusionner les genres, mais la puissance du rap va dans toutes les sources de musique. Travailler avec des gens plus rock, électronique ou plus jazz et des vrais instru ça vous intéresserait ?

Grave ! faire des feat avec des rappers c’est bien mais s’ouvrir à tous les styles de musique c’est encore mieux, comme Linkin Park avec Rakim. Ce serait lourd de bosser avec d’autres styles de musique mais en conservant notre univers. Grâce a des sites comme youtube on peut apprendre énormément, ça apporte une grande culture musicale et permet d’ouvrir et de s’ouvrir. D’ailleurs j’adore Marylou de Polnareff par exemple ! On aime le Rap mais surtout on aime la musique.

3.5 à 3.99 euros c’est dur à l’époque du téléchargement de vendre du disque ?

Regarde le succès de Stromae ! En fait acheter un disque aujourd’hui c’est revendiquer, c’est soutenir, quelque part c’est prouver que tu kiffes.

Le futur immédiat ?

Continuer à travailler, à se donner sur scène et en studio, tout en conservant l’esprit et l’authenticité, préparer l’album en prenant des risques pour faire kiffer notre public. On a la chance de bosser en famille avec Zoxea et Davidson, ça nous permet de rester concentrés sur notre Rap.

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INTERVIEW THE AVENER (The Wanderings of the Avener)

INTERVIEW THE AVENER (The Wanderings of the Avener)

The Wanderings of the Avener, l’album tant attendu de The Avener disponible en pré-commande sur ITunes, sort le 19 Janvier 2015. The Avener, une patte délicate et radieuse, qui sonne à l’étranger comme une touche d’élégance so French, tout en s’affirmant comme la redécouverte du chaînon manquant entre l’émotion harmonique et la pulsion de danse. Un véritable prodige de la Deep-House, à l’origine du désormais mythique Fade Out Lines, qui a accepté de répondre à nos questions.

Pour commencer je voudrais reprendre une affirmation des Inrocks : « Prendre le risque de se lancer dans une carrière solo quand on trône confortablement dans son fauteuil de producteur émérite est toujours un pari risqué … » Qu’en penses-tu ?

Ca l’est dans la mesure ou l’on a pas confiance en soi ! Mais là, je suis très content de proposer quelque chose qui m’est si personnel et de ce point de vue là je ne prends pas de risques, à vouloir faire et partager quelque chose que j’aime. Je suis donc à moitié d’accord avec cette phrase là. Je prends ce risque, mais c’est parce que j’aime ce que je fais.

Alors, c’est quoi le plus grand risque ?

Le plus grand risque c’est que ça ne plaise pas du point de vue artistique, mais heureusement il y a toujours quelqu’un pour aimer la musique !

Rythm n’ Blues, Deep House, Soul, Techno… Où se trouve l’inspiration ? Dans les sonorités du passé, du présent, dans les voyages, les rencontres. Dans d’autres domaines comme l’art, la littérature, le cinéma ?

En fait c’est un mix de tout ça. Cela vient de mon activité de D.J, des voyages qui permettent de s’aérer l’esprit, de faire un point sur ce qu’on aime ou moins. Je n’ai pas de chemin particulier, mais l’inspiration c’est surtout le vécu, les voyages, les rencontres, le partage, la musique…

On te compare fatalement à d’autres artistes, c’est dur de prendre sa place dans un paysage musical adepte des carcans et des cases ?

Question intéressante ! La comparaison est nécessaire, parce qu’on a besoin de comparer, c’est le propre de l’homme, mais c’est risqué de comparer parce que dans la musique ou dans l’art, chacun a son propre truc. Il vaut mieux dénicher la différence et c’est là qu’on se rend compte que la comparaison est en fait inutile.

Le bonheur aujourd’hui c’est quoi : Le nombre de vues sur YouTube, la radio, les critiques élogieuses de la presse ou comme Boy George qui Twitte sur son mur, le public enthousiaste lors de tes sets ?

C’est tellement agréable !!! Boy George ! je suis fan de ces années là. La reconnaissance des pairs est très importante. C’est vrai qu’être suivi ou tweeté par des artistes aussi prestigieux, tu prends un screenshot ! ça arrive qu’une fois dans ta vie. Les 7 millions de vue sur youtube c’est un petit rêve, j’en suis très reconnaissant et mon plus grand stress, c’est de pouvoir confirmer avec l’album.

Justement, comment s’est passé l’élaboration de l’album. Est-ce que la sélection des morceaux fut difficile ou au contraire, ça c’est imposé comme une évidence ?

Je n’ai subi aucune pression artistique de la part du Label. J’ai laissé totalement libre court à mon imagination. L’album est un exercice de ReWork comme Moby ou d’autres l’ont fait auparavant. C’est parti d’un amas de coups de coeur pour des morceaux que j’apprécie depuis des années mais que je ne pouvais pas forcément jouer en tant que DJ, parce qu’ils n’étaient pas assez efficaces, ou lumineux. Il manquait quelque chose… et ça a été très simple quand on m’a dit : « Tristan, il faudrait que tu fasses un album« , j’ai simplement répondu : « Laissez moi le temps de le faire, ça va prendre un peu de temps mais je vais aller piocher dans mes coups de coeur !« . Il n’y a pas d’autres mots, c’est un album de « coups de coeur ». Pour moi, tous les morceaux sont tous égaux, il n’y en a pas un que je préfère. J’en suis très fier, très content. Je le dis parce que c’est important. C’est mon petit bébé et je ne me suis posé aucunes limites géographiques musicales, artistiques. J’ai fait quelque chose qui est le prolongement de mes idées et je suis très heureux d’avoir eu le support de mon Label. Ce sont des titres connus ou moins connus, mais ce ne sont pas forcement des morceaux récents et certains vont être totalement redécouverts même par ceux qui connaissent les morceaux originaux. D’ailleurs c’est là où les critiques risquent d’être les plus aiguisées ! mais c’est un album personnel. C’est avant tout, comme pour Fade out lines, le lancement d’un projet que j’avais envie de faire. Il y a de très belles choses. Un voyage, on passe par plusieurs styles et couleurs musicales : La Folk le Blues, la Funk, la Soul, la Chill-Out, tout ça part l’entremise de la Deep House. Parce qu’on accorde tous ces mouvements avec la Deep House, qui est pour moi un mouvement extraordinaire. J’ai mis ma patte, ma touche, je colorie un peu, je rajoute ce que je vois et je donne un peu plus d’énergie, d’efficacité ou de mélancolie, de joie, c’est un album qui s’écoute, certains titres pour danser et d’autres seul, pour soi, comme un médicament, c’est un peu tout ça réuni, The Wanderings of the Avener.

Quelle est la signification de la pochette du Single Fade out lines, un labyrinthe… au milieu on dirait la lettre Bereshit en Hébreu… y a t’il un sens caché dans tout cela ?

Un message d’errance, un labyrinthe, ce sont pleins d’étapes. Il y a une entrée et il faut trouver la sortie… mais la pochette de l’album est bien différente !

Est-ce que tu es attentif aux Remix faits à partir de tes productions ou morceaux ?

Très attentif, j’écoute beaucoup, des indépendants, mais des officiels aussi, parfois je demande a être remixé, parce que je trouve les artistes hyper intéressants, très attentifs, c’est une marque de respect, ça part d’une idée, c’est la même initiative que la mienne et je suis toujours curieux du résultat !

Tu es Dj depuis l’âge de 17 – 18 ans, est ce que tu penses qu’Internet favorise la créativité ou au contraire, de devoir piocher dans les bacs à vinyles pour découvrir un artiste ou un style c’est plus gratifiant ?

Il n’y a pas de meilleurs moyens. En tant que DJ je dirais que c’est cool d’aller dans les bacs à vinyles mais on trouve des trucs sur internet qu’on trouverait pas par ce moyen là et vice-versa. Ce qui est malheureux sur internet c’est le format, le mp3 qui perd un peu en couleur, mais l’oreille qui n’est pas habituée ne va pas forcément s’en rendre compte, il n’y a que les passionnés qui ont du gros matériel qui peuvent noter une différence. Les petites perles se dénichent partout, il y a fatalement, vu le nombre, beaucoup de déchets, mais il sort aussi beaucoup de belles choses, mais c’est un peu plus long de chercher. Dans les magasins tu es limité par le nombre, alors qu’internet c’est sans fin. C’est une manne formidable pour les professionnels comme pour les amateurs. Internet a mis du temps à se développer pour le partage musical. Myspace était précurseur, mais ce n’était pas encore aussi démocratisé, maintenant je m’aperçois qu’il y a des gens de 40 – 50 ans qui écoutent de la musique sur Soundcloud, qui font leur propre playlist sur Spotify, sur Deezer et grâce à ces plateformes de partages, peuvent se faire une culture musicale très diverse, très variée. Je suis très surpris de découvrir des petites perles grâce à des gens qui ne sont pas musiciens ou du métier, je trouve ça formidable. Il y a eu un vrai développement qui s’est fait, c’est sûr que c’est une ambiance différente du shop mais c’est le temps qui veut ça, il faut vivre avec. Dans tous les cas, on peut très bien trouver son bonheur sur internet ou chez les disquaires.

Est ce que tu as un titre, un film ou un livre fétiche au point de ne jamais t’en séparer ?

J’écoute beaucoup de musique des années 70, je ne suis pas très livres mais ça viendra et je commence à aimer ça. Il y a un titre de Al Green I’ll be around – un morceau qui ne me lâche jamais, que j’ai depuis 10 ans dans mes ipods, playlists et que j’adore toujours autant.

Tu préfères la scène où le studio ?

Certains disent 50/50 moi, c’est 60/40 ! La scène, c’est là qu’on ressent les émotions, que le travail se manifeste, s’incarne. La scène, c’est le plus bel endroit au monde pour moi, là où on se sent le plus vivant, petite confidence, je prépare un live pour l’été, c’est vraiment l’endroit le plus génial ! Le studio, j’adore aussi travailler, bidouiller mes morceaux mais je suis ravi quand le vendredi arrive d’aller jouer en Allemagne, en France, les Transmusciales. Scène, studio, c’est complémentaire, mais je préfère quand même la scène.

Avec tous les voyages que tu as pu faire à travers le monde, les scènes que tu as parcouru, tu te sens bien aussi en France ?

Bien sûr ! il y a une vraie ferveur électronique qui ressort, qui revient, elle a toujours été présente, mais un peu enfouie… sans rentrer dans une polémique, je me sens vraiment bien aujourd’hui en France. Tous les DJ confirment qu’il y a une vraie demande qualitative dans les clubs, dans les bars, les festivals, de musiques nouvelles, de musiques contemporaines et de plus en plus forte. En France, c’est une vraie résurrection de la musique électronique , grâce notamment aux sites de partages, les réseaux sociaux. Je ne me sens pas mieux a un endroit qu’un autre, j’ai la chance d’avoir fait 10 ans de DJ avant, je m’adapte un peu au public, à certaines tendances musicales mais je garde mon intégrité. L’Allemagne c’est peut être aussi un des meilleurs publics, très pointu, ouvert à la découverte. Ils viennent dans les clubs pour danser, là bas c’est un principe de dancefloor, pour autant la France a de très bonnes oreilles, une vraie ferveur, des demandes de morceaux hyper underground. Le métier de DJ a complètement changé avec Internet avant le DJ allait une fois ou deux par semaine dans son magasin de disques, il recevait des promos en White Label et il y avait très peu d’infos. Le DJ était précurseur. Aujourd’hui le public est précurseur de la musique que tu vas jouer, il a autant la main-mise sur la découverte musicale que le DJ, du coup toi tu dois être constamment a la recherche de la nouveauté. Tout le monde a les mêmes outils, certains clients de clubs sont avant-gardistes, ils connaissent déjà les morceaux alors qu’avant c’était en flux moins tendu, Ces amateurs éclairés de musique te font parfois découvrir de superbes choses.

En partant de la nouveauté, il est aussi possible d’aller puiser dans les racines comme tu l’as fait : John Lee Hooker, Al Green …

La Deep House permet cette recherche, la techno ne le permet pas c’est un format pré-fabriqué avec des règles stricte. J’avais une passion pour la Deep House que je n’osais pas mettre à jour, une passion pour le blues que je n’osais pas mettre à jour, mais grâce à ces deux outils fusionnés au sein de la Deep House, j’ai réussi avec Fade Out Lines à sortir quelque chose de différent, qui sort du lot, c’est le bonheur de cette musique et j’espère que ça va durer le plus longtemps possible !

La sortie de ton album c’est un aboutissement, une suite logique ou un commencement ?

C’est un aboutissement sur ce projet, mais c’est le commencement de ma maturité musicale, j’avais vraiment envie de proposer quelque chose de vintage, avec de vrais instruments, de vrais sentiments et en même temps de mélanger avec de l’électronique. C’est donc un commencement et un aboutissement après le succès de Fade out Lines.

Interview: Clément de Jet Society par The Dude Project

The Dude Project, c’est le blog du premier programme qui scrute les habitudes des hommes. Vous retrouverez ici des études, des conseils pour être au poil, des bons plans et des interviews. Et voilà, cette fois c’est mon tour… voici mon interview:  thedudeproject.com Merci aux adorables Laura et Sarah d’une part pour les questions et d’autre part pour la gentillesse dont elles font toujours preuve J

ED BANGER RECORDS, une histoire des musiques électroniques françaises, par Julia Pialat

ED BANGER RECORDS, une histoire des musiques électroniques françaises, par Julia Pialat

Alors que le label créé en 2003 par Pedro Winter fête ses 20 ans, un ouvrage de référence retrace de manière approfondie l’odyssée d’un label qui a changé la face des musiques électroniques : 3 ans d’enquête, plus de 230 entretiens. Interviews exclusives (Pedro Winter, tous les artistes du label, mais aussi Thomas Bangalter, Daniel Vangarde, Paul Hahn le manager des Daft Punk, Emmanuel de Buretel de Because Music). Témoignages de contemporains du label sur son influence (Steve Aoki, Dave One de Chromeo, son frère A-Trak, Erol Alkan, David Dewaele des 2 Many DJs, mais aussi Romain Gavras, Sarah Andelman de Colette, le graffeur Mode 2, etc…) Contextualisation avec des échanges de parrains de la scène électronique française (Laurent Garnier, Etienne de Crécy, David Guetta, Alex Gopher, Dimitri from Paris, DJ Falcon…) Archives des rédactions des Inrocks, Trax, Tsugi, Snatch Magazine, Record Magazine… Photographies des américains Mark Hunter « The Cobra Snake » et Glen Han qui ont documenté la nuit des années 2000 à Los Angeles, Marco Dos Santos du Paris Paris, le photographe du Social Club Romain Bourven mais aussi Cedric Bertrand le compagnon de route des Cassius. https://www.lalibrairie.com

13ème numéro de Caviar Magazine,  football & musique

13ème numéro de Caviar Magazine, football & musique

Le nouveau numéro de Caviar est consacré à la musique sous toutes ses formes. Rythmes des chants de stade, puissance des enceintes dans les vestiaires et voyages dans les terres musicales les plus mythiques du football (Liverpool, Brésil…). Rencontres avec Leïla Slimani, Yves Camdeborde, Pascal Nouma, Manuel Pellegrini… Au sommaire du dossier : un focus sur le rap avec les interviews d’Akhenaton et Mehdi Maïzi ; une discussion passionnante avec Gaël Faye ; Jackson Martinez, le footballeur-chanteur ; les anecdotes de Philippe Manoeuvre ; l’importance de la musique dans la préparation mentale des joueurs ; le football vu par le pianiste Emmanuel Strosser…Sortie le jeudi 1er décembre 2022

Tom Morello – The Atlas Underground Flood Listening Party (Livestream exclusif Youtube)

Tom Morello – The Atlas Underground Flood Listening Party (Livestream exclusif Youtube)

Tom Morello, icône du Rock & Roll (RATM) et lauréat de deux Grammy Awards, sort son nouvel album, The Atlas Underground Flood, via Mom + Pop Music. Cet album de 12 titres fait suite à son album jumeau, The Atlas Underground Fire, sorti en octobre dernier et acclamé par les fans et la critique. Morello a longuement parlé dans des interviews récentes que le processus de collaboration a conduit à d’innombrables chansons créées pendant la pandémie, et un deuxième album semblait presque inévitable. Avec un grand nombre de collaborations de renom, dont Nathaniel Rateliff, Jim James, IDLES, Ben Harper, Alex Lifeson, Kirk Hammett, X Ambassadors, Barns Courtney, Manchester Orchestra, Andrew McMahon in the Wilderness et bien d’autres, Morello continue de mettre en valeur son extraordinaire jeu de guitare dans ces nouveaux morceaux qui changent les genres.

The Atlas Underground Flood Listening Party

La sortie de l’album est accompagnée d’un événement en livestream exclusif à YouTube qui commence aujourd’hui à 10h00 PST. Morello parlera des origines et du processus créatif de The Atlas Underground Flood. Il sera ensuite rejoint par certains des collaborateurs de l’album pour une séance d’écoute piste par piste de The Atlas Underground Flood, avec une séance de questions-réponses pour les fans et la possibilité pour les téléspectateurs de faire un don à WhyHunger…

The Atlas Underground Flood Track Listing:
1. A Radical in the Family (feat. San Holo)
2. Human (feat. Barns Courtney)
3. Hard Times (feat. Nathaniel Rateliff, Jim Jones, and Chipotle Joe)
4. You’ll Get Yours (feat. X Ambassadors)
5. I Have Seen the Way (feat. Alex Lifeson, Kirk Hammett, and Dr. Fresch)
6. The Lost Cause (feat. Manchester Orchestra)
7. The Maze (feat. Andrew McMahon in the Wilderness)
8. Ride At Dawn (feat. BreakCode)
9. Raising Hell (feat. Ben Harper)
10. The Bachelor (feat. IDLES)
11. Parallels (feat. Jim James)
12. Warrior Spirit (feat. Rodrigo y Gabriela)

Le derrière de Paris – Podcast #1 (Hannibal Volkoff, photographe et galeriste)

Le derrière de Paris – Podcast #1 (Hannibal Volkoff, photographe et galeriste)

Rémi Laviron ouvre son micro dans des lieux atypiques, parfois interlopes où ses invités le guident. Passant de bars aux galeries parisiennes ou aux soirées mondaines, il mène ses interviews insolites avec pour ambition de rendre compte d’une époque à travers les mœurs et les habitudes des Parisiens. Artistes, fêtards et mondains sont au rendez-vous pour nous faire découvrir leur face cachée… LE DERRIÈRE DE PARIS (un podcast curieux mais pas voyeur; qui s’intéresse à la face cachée des artistes, fêtards et mondains parisiens)

Paris au cœur de la création contemporaine de Julien Baldacchino

Paris au cœur de la création contemporaine de Julien Baldacchino

Paris… Comment rendre compte du foisonnement de la création parisienne, élargie aujourd’hui au « Grand Paris », en seulement… dix artistes et cent lieux ? L’ouvrage présente dix portraits de créateurs de la jeune génération uniquement. Une autre façon de travailler, collaborative et connectée, avec des artistes conscients et responsables, mais aussi un rapport différent à la ville, bien au-delà du périph et des lieux institutionnels…

Préfaces : Jack Lang, Président de l’IMA, ancien Ministre de la culture – Marie Gautier, directrice artistique du Salon de Montrouge
10 Interviews : Valentine Guichardaz-Versini – Pauline Bayle – Jann Gallois – Elsa & Johanna – (La)HORDE – Jean-Baptiste Boyer – Clémence Weill – Billie Thomassin – Clément Cogitore – Neil Beloufa
100 lieux / 5 parcours : Centquatre – Gaîté-Lyrique – Magasins Généraux – MAC VAL – Théâtre de la ville – Palais de Tokyo – Maison de la poésie – Bétonsalon – Espace Fondation EDF – Boulevard Paris 13

La collection « Soul of » pour une nouvelle approche de l’art du voyage

La collection « Soul of » pour une nouvelle approche de l’art du voyage

La collection « Soul of » propose une nouvelle approche de l’art du voyage, faite de vagabondages, de rencontres fortuites, d’expériences qui se veulent inoubliables. Chaque guide réunit les 30 meilleures expériences d’une ville, les interviews de ceux qui font l’esprit de cette ville, des illustrations saisissant l’âme de la ville. Fondée par Fany Péchiodat (My Little Paris) en collaboration avec l’éditeur Thomas Jonglez, la collection est aujourd’hui composée de 8 éditions : Barcelone, Lisbonne, Los Angeles, Venise ou Tokyo : Un salon de thé planqué dans l’arrière boutique d’un fleuriste, un chef étoilé qui ne fait rien comme tout le monde, un marché de street food tokyoïte, un resto-cachette en plein cœur de Shibuya, passer la nuit dans l’étagère d’une bibliothèque, boire le cocktail de votre vie, trouver le restaurant dont on ne vous dira pas l’adresse, fêter un «faux anniversaire» dans un isakaya, faire du «standing sushi», se faire masser dans un hamac… « Soul of Tokyo » a été écrit par Fany et Amandine Péchiodat.

Glitterbox présente Where Love Lives

Glitterbox présente Where Love Lives

Le phénomène mondial de la nightlife Glitterbox fait ses premiers pas dans le cinéma, avec un long métrage « Where Love Lives ». Le film-documentaire raconte l’histoire du pouvoir durable de la musique. C’est une histoire d’acceptation et d’expression créative – renforcée et activée avec une BO de music club. À travers de nombreuses interviews exclusives avec des piliers de la culture de la vie nocturne, les contributeurs de Where Love Lives Billy Porter, Honey Dijon, Kathy Sledge, Kiddy Smile, Lucy Fizz, John ‘Jellybean’ Benitez et bien d’autres explorent la manière dont les personnes « en marge de la société » sont accueillies sans condition au centre du dancefloor qu’elles soient gay, lesbienne, transgenre, peu importe la couleur de peau. Mieux même, la scène clubbing permet de briller et s’exprimer comme nulle part ailleurs.

Glitterbox presents Where Love Lives (Official Trailer Two)

Filmé à New York, Ibiza, Paris et Londres, ‘Where Love Lives’ est une production clockwise.film et Defected. Il est réalisé par Brilliams et le fondateur de Glitterbox Simon Dunmore est le producteur exécutif. Le film sera disponible exclusivement sur YouTube et sera gratuit.

Baby Keem – no sense

Baby Keem – no sense

Cousin de Kendrick Lamar, Baby Keem a participé à la campagne de son projet pgLang avec Calvin Klein, ils ont également fait ensemble la une d’i-D UK à l’occasion d’une interview commune. No Sense son dernier tire, est un morceau introspectif à la prod aérienne, où il montre une nouvelle fois toute l’étendue de son talent.

Baby Keem - no sense (Official Audio)

Dombrance – Kanye West

Dombrance – Kanye West

Morceau de clôture de son EP « Make America Dance Again » sorti le 22 janvier, Dombrance présente la vidéo de « Kanye West »

Dombrance - Kanye West

S’étant présenté aux élections, c’était trop tentant de le faire. J’ai composé le morceau en regardant des interviews récentes. Olivier Laude l’a fait en Don Quichotte des temps modernes. CQFD. Et puis j’ai pris simplement du plaisir à faire un morceau bien tendu du slip. J’ai hâte de le jouer en live.

TRACKLISTING EP
01. BIDEN
02. AOC (Alexandria Ocasio-Cortez)
03.OBAMA
04. TRUMP
05. KANYE WEST

Des concerts pop… Exposition virtuelle à voir sur Faces Zine

Des concerts pop… Exposition virtuelle à voir sur Faces Zine

Une exposition virtuelle à voir à partir du 10 novembre uniquement sur : https://www.faceszine.com/desconcertspop

Nicolas Vidal est chanteur et photographe. Après avoir sorti 3 album (« Des ecchymoses » en 2011, « Les nuits sereines n’existent pas » en 2016 et « Bleu Piscine » en 2018), il crée Faces Zine en 2017, un webzine pop en noir et blanc pour lequel il interviewe et photographie des musicien.ne.s, leur consacrant de longs portraits. Il travaille actuellement sur « Ma mère s’appelle Françoise », un projet sur Françoise Sagan et un nouvel album.

Society – NUMERO SPÉCIAL ÉLECTION US : Les maux de l’Amérique

Society – NUMERO SPÉCIAL ÉLECTION US : Les maux de l’Amérique

À l’occasion de l’élection américaine du 3 novembre, Society traverse de part en part des États-Unis déchirés et nous raconte ces fractures à travers reportages, portraits et entretiens. Un numéro collector de 100 pages, une couverture conceptuelle et un vrai objet à conserver en témoignage d’une époque troublée.

Portland of violence : À Portland, un militant Black Lives Matter a tué un suprémaciste blanc, avant d’être lui-même abattu par la police. Portraits croisés

Le diable probablement : Les délirantes théories du mouvement QAnon sont-ils un symptôme de notre époque ? Pas vraiment. Dans les années 80, une “panique satanique” avait déjà traversé le pays, y laissant une empreinte profonde.

Les frigos chaleureux : L’épidémie de Covid-19 a plongé des centaines de milliers d’Américains dans la pauvreté. Alors à Los Angeles, des habitants ont installé des frigos dans la rue, et des gens sont venus se servir. Lueur d’espoir en Amérique ?

Kamala Harris : Avant d’être candidate à la vice-présidence de Joe Biden, Kamala Harris a été procureure en Californie, où elle était dure, très dure, et notamment avec les jeunes hommes noirs. Certains l’accusent aujourd’hui d’avoir fermé les yeux sur certaines enquêtes bâclées et participé à des erreurs judiciaires. Au point de ne pas voter pour elle ?

Simone Biles Engagée contre le racisme et les abus sexuels dans le sport, la plus grande star de la gym depuis Nadia Comaneci se prépare pour les JO de Tokyo.Portrait d’une idole.

INTERVIEW… John Bolton Conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump pendant 17 mois, “le faucon” est plus que sévère avec la politique étrangère du président.

PORTRAITS… Ocean Vuong, Chanel Rion, Varshini Prakash… Vous l’aurez lu ici avant tout le monde, ces personnes vont faire l’Amérique de demain.

INTERVIEW… Alex Marzano-Lesnevich Son livre, L’Empreinte, revient sur le parcours d’un pédophile récidiviste, mais pas seulement. L’écrivaine évoque la peine de mort,son histoire personnelle et le Sud sauvage.

100 BONNES RAISONS…d’attendre les résultats.

Society 142, en kiosque ce jeudi 29 octobre. https://www.society-magazine.fr

Black Tuesday

7h59

Encore une minute. La foule est compacte. Massive. Dense. Je sens la pression, de plus en plus intense, de chaque côté de mon corps. Faire abstraction. Focaliser mon attention sur l’objectif. Respiration contrôlée. Poings serrés. Une goutte de sueur perle sur mon front. L’attente est quasiment terminée, mais rien n’est encore joué. Au contraire, c’est maintenant que tout commence. Face à moi le rideau de fer entame enfin son ascension, comme au ralenti. J’essaie de résister, de faire barrage. Au moins gagner la bataille des premiers mètres. Il faudra 45 secondes pour que la grille soit totalement relevée, puis 15 secondes pour franchir la double porte vitrée avant qu’elle ne se referme. Ensuite ? Il n’est pas nécessaire d’y songer. Je suis prêt. Mon plan est parfaitement clair. Précis. Moins de 15 secondes. Je ferme les yeux. J’ai juste le temps de repenser à la genèse de cette histoire. Et comme bien souvent, tout démarre au bar…

7h59 et 50 secondes

4ème tournée. Max, Léo, Lucas, les deux Mélanie : Mel B. et Mel C. en hommage au Spice Girls, Zaza, Kamel, Mia, Franck, nous étions tous d’accord sur le fait qu’il fallait changer les choses, comme nous étions parfaitement convaincus que rien n’émergerait jamais de ce conciliabule. Notre réflexion collective était consumée aussi promptement que les Mojitos, Spritz, bières, Devilish Don que nous venions d’enchainer, mais cela faisait partie des incontournables sujets de conversation qui permettaient à chacun d’exprimer son point de vue. Il nous restait encore du temps avant la fermeture du bar et hormis quelques apartés sur les événements sportifs, nous ne nous étions pas encore assez épanchés sur la politique, les réseaux sociaux, le climat, l’alimentation, les dangers de toutes sortes, les séries télé, la famille, les amis, les médias. Comme nous avions peu ou prou les mêmes sources d’informations, nous n’apprenions rien de vraiment nouveau, mais quelle importance ? C’était à mon tour de payer et j’espérais secrètement que mes collègues auraient la délicate attention de se contenter d’eau du robinet. Cela me semblait tout de même bien mal engagé.

– Qui veut quoi ?
– La même chose
– Pareil
– Un verre de vin blanc sec
– Gin Tonic
– hummmm, je sais pas
– Irish Coffee
– Irish Coffee ? Non mais quoi d’autre encore ?
– Champagne !

Mel B. me toisait du regard, sûre d’elle, anticipant une remarque cinglante de ma part, la répartie sans doute préparée depuis un bon moment. Je n’étais pas spécialement réputé pour mon calme, mais il fallait l’admettre, le jeu n’en valait pas la chandelle. Il y avait plus de risque de se mettre tout le monde à dos et de passer pour un radin. Si seulement c’était un homme hétéro j’aurai pu m’en donner à coeur joie, mais elle était pansexuelle, féministe et vegan… absolument intouchable, une sorte de vache sacrée des temps présents et pas une vache maigre, plutôt de la bonne limousine.

– Ok champagne…
– Ruinart
– Quoi Ruinart ?
– Du Ruinart, je veux du Ruinart.
Oh putain, elle me cherche. Je reste impassible. Une mer d’huile. Zen. Petit Bambou.
– Alors, une coupe de Ruinart pour Mel B.

Silence. Après quelques secondes d’atermoiement, chacun opte finalement pour un simple renouvellement de sa consommation. Fred, le barman, était installé comme à l’accoutumé derrière son comptoir. J’allais à sa rencontre, slalomant de mon mieux entre les tables très peu espacées. Fred était un mec vraiment adorable qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à Christopher Lee, l’acteur qui avait notamment incarné Dracula, Saroumane dans le Seigneur des Anneaux et le Comte Dooku dans Star Wars. Pour compléter son flippant faciès, il disposait d’une voix gutturale aux accents slaves qu’il modulait à la perfection.

– Bonsoir cher ami Voltaire, que puis-je faire pour toi ?
Non, Voltaire n’était pas un surnom. Oui c’était mon vrai prénom. Voltaire Legland. Mon père, professeur de lettres avait tout de même hésité avec Fiodor pour Dostoïevski. Finalement je ne m’en étais pas si mal tiré… pour quelqu’un dont le nom de famille est Legland.
– Alors, 7 la même chose, 1 Irish Coffee et 1 coupe de Ruinart…
Fred leva une paupière faussement intrigué.
– Mélanie ?
– Oui
Il esquissa un léger sourire, se retourna et prit une bouteille de crémant d’Alsace.
– Un jour je lui ai dit que c’était du Ruinart. Depuis elle en est persuadée.
– T’inquiète pas, je ne risque pas de révéler ce petit secret !

Je retournais à la table de bien meilleure humeur. Et pourtant, une angoisse existentielle me taraudait tandis que je jetais un coup d’œil circulaire sur la faune présente dans le bar. A droite, une table de cinq jeunes d’une vingtaine d’années. J’aurai voulu dire insouciants et libres, mais cela semblait ne pas être le cas. Au contraire, ils étaient ensemble, mais seuls. Leurs yeux totalement rivés sur leurs portables. Une des filles, très concentrée, agençait au mieux les verres et les mitraillait avec son téléphone sans doute pour Instagramer. Son visage grave et sérieux se mua instantanément en une expression souriante, connotée et quelque peu grivoise. Elle demanda à ses deux voisins de se rapprocher d’elle, pour un selfie qui serait probablement légendé afin de faire rager sa communauté. Sitôt la photo terminée, sa figure redevint impassible, neutre, sans affect, vide et ses amis reprirent instantanément leurs positions, sans un mot. Fixés sur leurs smartphones. Un peu perturbé et attristé par ce spectacle qui me laissait un goût amer, je ressentais une vague de nostalgie pour une époque révolue mais pas si lointaine, que nous avions pourtant largement dénigrée, naïvement persuadés que le futur nous comblerait plus que nous ne le méritions. Au lieu de cela, nous étions devenus des zombies 2.1 phagocytés par les réseaux et autres fils à la patte virtuels… Avant, la picole au bar, c’était du sérieux ! on refaisait le monde aussi mais de façon beaucoup plus amusante, enfin, si j’en croyais les quelques bribes de souvenirs encore vivaces qui me restaient.

7h59 et 51 secondes

– Alors Voltaire, tu t’es perdu ?
– Non, je bloquais sur les petits jeunes là, tous sur leurs portables. Ca sert à quoi d’être avec des gens si c’est pour ne pas les regarder et être ailleurs ?
– Vu ta gueule, je préférerais ne pas te regarder et être ailleurs…
C’était Zaza de la compta, une vraie boute en train. Dire que j’avais filé 10 euros pour son cadeau de rémission de cancer. Continue toi aussi à te foutre de ma gueule et je ne participerai pas à la couronne mortuaire le jour venu ! Évidemment, toute la tablée s’en donnait à cœur joie.
– Ahah très drôle Zaza. Mel, ça va le champagne est à ton goût ?
– Un délice, mais bon encore faut-il être connaisseur pour apprécier …
Je me demandais vraiment ce que je faisais ici, parmi ces personnes semi étrangères avec lesquelles je passais l’essentiel de mes journées mais qui au final ne savaient rien de moi. Arc-boutés et dépendants des préjugés qu’ils s’étaient forgés. Léo, lui aussi absorbé par son smartphone, se mit à bouger frénétiquement. Instantanément, toute notre attention se porta sur lui. C’était un garçon taciturne et pas particulièrement énergique de l’informatique, le voir ainsi, nous intriguait au plus au point.
– Il fait une crise d’épilepsie ?
– Ca va Léo ?
– Non mais c’est ouf, il se passe un truc absolument incroyable ! C’est une dinguerie !!
– Mais qu’est-ce qu’il raconte ?
Léo était extatique, comme possédé par la nouvelle qu’il venait d’apprendre. Nous étions suspendu à ses lèvres, curieux et avides de comprendre ce qui valait la peine de se mettre dans un tel état. Kamel, qui faisait partie du même service que lui, essaya avec un peu plus de délicatesse d’en savoir plus.
– Bon, Rain Man, c’est quoi le deal ? T’as eu un an d’abonnement à Pornhub offert par tes parents ?
Le jeune Geek ne cherchait même pas à se défendre. S’il y avait bien quelque chose que nous avions tous en commun, c’était cette incapacité à attendre et là, il nous mettait au supplice.
– Ca vient de tomber sur le Dark Web et c’est remonté sur Reddit, dans même pas 10 minutes vous aurez tous l’info sur vos fils d’actu.
Il prit une longue inspiration avant de poursuivre son explication.
– Neo Famicom, le plus grand fabricant de consoles de jeux vidéo au monde a décidé de mettre en vente 5 exemplaires de la plus exceptionnelle des machines. C’est quasiment la bête ultime, un condensé de technologie qui synthétise tout ce qu’il y a de mieux à l’heure actuelle et bien plus encore. Ils ont signé un accord d’exclusivité avec la chaîne de magasins Highstore et vous savez quoi ? Le shop choisi pour l’occasion c’est celui de Bordeaux Lac !
– 5 dans le monde ? elle va être à 1 milliard d’euros ta console !
– En fait non, au prix de la XT5 actuelle. L’objectif n’est pas là, ils veulent créer une sorte de happening géant, transcender l’expérience videoludique mais dans la réalité, ils sont talonnés par GameCorp qui propose de meilleurs produits à prix plus attractifs, alors quoi de mieux que d’organiser un événement sans précédent pour rallier les masses ? C’est pareil pour l’enseigne et les médias qui vont orchestrer ce Battle Royale hors normes.
– Je comprends rien …
– Séries limitées. Précommandes. Ruptures de stocks programmées. Impensable dans un monde de surproduction et pourtant ? Il faut bien susciter le désir par tout moyen. Ce que propose Neo Famicom est absolument génial, une révolution de l’acte d’achat, un retour aux basiques, aux fondamentaux. Aujourd’hui tout est fait pour endiguer les frustrations, il n’est quasiment plus nécessaire d’attendre pour avoir : Livraisons express, séries, films, tout est mis à notre disposition en un clic. L’instinct primitif s’étiole, sauf dans des cas particuliers comme le Black Friday, regardez ce que nous sommes prêts à faire pour nous emparer d’un bien que nous convoitons. Léo brandit son téléphone pour nous montrer une vidéo montage diffusée sur Youtube d’émeutes en magasins :

Combien d’entre nous autour de cette table seraient prêts à faire la même chose ? Même avec quelques verres dans le nez ? nous sommes suffisamment éduqués pour dire que jamais nous ne nous comporterions ainsi, de même que, j’en suis sûr, nous ne commettons jamais d’incivilités… Nous prétendons être des citoyens modèles, réfléchis, socialement stables… mais qui sommes nous vraiment lorsque nous ne sommes guidés que par notre instinct, l’animal en nous aux commandes ? Neo Famicom va créer une nouvelle génération de joueurs et bouleverser nos habitudes.

– Mais comment il parle le Geek ?

ENTRACTE

Interludes musicaux

Love Is My Destination est une chanson d’Edwin Starr parue en 1968, il s’agit de la face B de Twenty-Five Miles. Edwin Starr est un des plus grands chanteurs et compositeurs de soul d’abord au sein du label Ric-Tic puis de la Motown, son hit le plus populaire est le très engagé War, contre la guerre du Viêt Nam.

We’re Not Gonna Take It est une chanson du groupe américain Twisted Sister tirée de leur album Stay Hungry sorti en 1984. Ce titre emblématique du glam rock a été écrit par le charismatique chanteur du groupe Dee Snider. Le clip pour sa part a été réalisé par Marty Callner. Fait marquant Mark Metcalf reprend son personnage de Douglas C. Niedermeyer du film Animal House de 1978. Symbolisant le conformisme petit bourgeois contre lequel le rock s’érige, il se rend au début de la vidéo dans la chambre de son fils pour lui faire une leçon, finissant par le sempiternel « Que veux-tu faire de ta vie ? », ce à quoi le fils répond « Je veux faire du rock ! « We’re Not Gonna Take It » en gros, on va pas se laisser emmerder !

FIN DE L’ENTRACTE

.7h59 et 52 secondes

Le discours du gamin était très intéressant, même si je n’étais pas particulièrement préoccupé par l’avenir du jeu vidéo, en revanche j’avais bien accroché à son histoire de chasse au trésor. Après tout qu’avais-je à perdre ?
– Ca va se passer comment ? Pour trouver la console ?
– Neo Famicom va faire une conférence de presse spéciale le 15, pour expliquer les modalités de participation.
– En tout cas moi, je suis chaud pour m’inscrire !
– N’importe quoi, encore un truc masculinisé, genré, complètement binaire, pour abrutir les gosses.
– Contrairement à ce que tu dis, c’est très inclusif !
– Ah oui les jeux de guerre, sports, ça s’adresse à qui ?
– C’est toujours le même débat, vous focalisez toujours sur les points de crispation sans prendre en compte tous les éléments.
– Non mais tu vas pas me donner de leçon, t’as quel âge ?
– Donc d’un côté tu prônes l’inclusion et de l’autre tu rejettes mon raisonnement sur la base de mon âge ? C’est pas un peu contradictoire ?
– Moi je suis pour la paix inclusive, exclusive et universelle ! donc la personne qui prend la console, elle passe en caisse comme si c’était une console classique ?
– Je pense que ça va être un peu plus dur que ça…
– Bon, en tout cas ce qui est sûr ce que je vais participer et ramener la console à la maison ! Juste pour avoir une idée, elle se revendrait combien ?
– Beaucoup plus que tu ne peux l’imaginer !
– Compte sur moi pour l’imagination

7h59 et 53 secondes

Quelque part dans Tokyo au siège de Neo Famicom Corp. 59ème étage

He-Man the Masters of the Universe series for @complexcon in @kaikaikikigallery

Le bureau était immense, décoré de tableaux authentiques ou de sculptures de JM Basquiat, Banksy, Obey, JR, Takashi Murakami, Madsaki, Kaws, Maurizio Cattelan, de flippers et de bornes d’arcades de toutes sortes et de toutes génération, 4 écrans 8k formaient une mosaïque High Tech affichant là les cours de la bourse, ici une chaîne d’info continue, l’autre une agrégation de l’ensemble des réseaux sociaux et enfin des lives de jeux vidéos avec le classement en temps réel des meilleurs joueurs. Derrière l’homme aux lunettes fines en argent, de larges fenêtres qui offraient le plus beau des spectacles sur la ville et sur le ciel. Son fauteuil en cuir s’inclina légèrement, il aimait cette position qui selon lui, favorisait sa réflexion. Il jeta un œil sur son ordinateur 32 pouces et constata semi amusé qu’il ne lui restait que 500 mails à traiter. Il esquissa un demi sourire et daigna accorder un peu d’attention à son interlocuteur. Être face à Monsieur Myiagi était pour Kendo une sorte de consécration. Il espérait ne pas se montrer trop nerveux et respira doucement par le nez.

– Kendo, vous êtes, si je ne m’abuse notre directeur communication, en charge des consoles de jeu ?
– Oui Monsieur Myagi !
– Vous êtes dans notre compagnie depuis 15 ans et avez franchi tous les échelons, vous êtes en quelque sorte, vous aussi un produit maison.
– Oui Monsieur Myagi!
– Vous venez aujourd’hui me parler du projet LBOUND ?
– Oui Monsieur Myagi !
– Bien, je vous écoute
– Merci Monsieur Myagi ! Nous travaillons sur le projet LBOUND depuis 1 an maintenant. Nous avons organisé plus de 20000 enquêtes partout dans le monde, pour nous assurer qu’il était non seulement viable, mais espéré par notre public cible. Le projet a pour finalité de créer un nouveau mode de consommation. Nos joueurs se lassent de la facilité avec laquelle ils obtiennent leur matériel, équipements, jeux. Ils trouvent cela trop évident, même les précommandes ne génèrent plus d’excitation. Les plus malins ont créés des algorithmes qui leurs assurent la primeur sans aucune difficulté. Les joueurs veulent se challenger, se confronter pour obtenir ce qu’ils désirent. C’est pourquoi nous avons imaginé une sorte de grande bataille retransmise en direct sur tous nos réseaux ainsi que sur une chaîne télévisée partenaire. Pour participer, les concurrents devront s’inscrire en ligne. Nous en sélectionnerons 100 dans un premier temps, 50 après une première étape, puis 20 seront finalistes. 5 remporteront la victoire finale, à savoir notre modèle le plus iconique et le plus prisé, jamais mis en vente jusqu’à présent, la version Alpha + de La XT5. Nous serons associés à une chaîne de magasins, qui transformera l’une de ses boutiques pour l’occasion. Nous sommes en cours de finalisation des épreuves, mais la dernière sera la plus grandiose. Nous avons déjà concocté une base de profils nécessaires pour faire adhérer tous les publics. Il sera également possible de parier sur son champion.
– Un projet somme toute ambitieux, qui débouchera sur ?
– Dès le lendemain nous commercialiserons la XT5 Alpha+ chez notre partenaire, qui aménagera des stands dans l’esprit du LBOUND et bien sûr nous sortirons dans le même temps, le jeu vidéo LBOUND ONLINE, avec les personnages modélisés. D’après les premières simulations nos recettes dépasseront le milliard de dollars en moins d’une semaine.
Le siège de Yoshi Myagi s’inclina un peu plus.
– Excellent Kendo… ne serait-il pas judicieux, d’après vous, de nous porter acquéreurs de cette chaine de magasins ?
– Monsieur Myagi, l’idée me parait formidable, ainsi nous aurons le contrôle total et bien plus encore.
L’homme d’affaires acquiesça, satisfait.
– Prévenez votre femme et vos maitresses Kendo, vous aurez bientôt de quoi largement de quoi les combler !
– Merci Monsieur Myagi
– Vous pouvez disposer
Kendo Nakata traversa le bureau ni trop vite, ni trop lentement et referma délicatement, sans un regard derrière lui, la lourde porte en bois, reproduction à l’identique du château d’Himeji.

Arrivé au 17ème étage, l’ambiance était bien différente, rap américain en fond sonore, éclats de rire, le service communication, fort de son armée d’une vingtaine de digital natives détonnait dans la respectable maison. Kendo aurait pu manager la comptabilité, ou encore la logistique, il s’en moquait, seul lui importait le résultat. Il se plaça au milieu de l’open space. Ses ouailles coupèrent le son et observèrent le silence.
– Comme vous le savez, j’étais en entretien avec Monsieur Myagi afin de lui présenter LBOUND. Monsieur Myagi est l’un des plus grands patrons au monde et il n’est pas facile à convaincre, il a donc fallu que je lui apporte beaucoup de preuves et que je m’engage personnellement au nom de notre service sur la réussite du projet. Malgré ses réticences, craintes et objections, il a fini par accepter.
Un tonnerre de hourras et d’applaudissements retentit dans le service.
– Le travail commence maintenant ! Si nous voulons que LBOUND obtienne le succès qu’il mérite, il va falloir redoubler d’efforts et s’investir à 400%. Si vous ne vous en sentez pas capable, partez maintenant, il n’y aura ni honte ni déshonneur, cela prouvera simplement que vous n’êtes pas fait pour des projets de cette envergure ou pour travailler au sein d’une compagnie comme Neo Famicom. Alors quelqu’un souhaite renoncer ?
Pas un membre de l’équipe ne bougea, ils étaient tous prêts à relever le défi lancé par Kendo.
– Très bien, il est temps de déclencher le niveau 1 de notre plan. Les community managers, vous m’implantez une charge virale dans le dark web, je veux que l’on croit que c’est une fuite de chez nous, donnez les infos principales sur le projet mais pas trop non plus, juste ce qu’il faut pour alimenter l’imaginaire, emmenez les vers Reddit et alimentez le fil de conversation, là aussi soyez vigilants, faites ce qu’il faut avec les adresses IP etc. le reste suivra… Dès que ce sera lancé on aura 2 ou 3 heures devant nous pour lancer la deuxième phase. Tout le monde est prêt ?
La détermination de l’équipe ne faisait aucun doute, qu’ils arborent une crête d’iroquois, des tatouages sur le visage, des piercings ou autre signe distinctif, ils affichaient tous la même expression : Celle d’un lion en cage affamé, à qui on venait d’ouvrir la grille, avec au menu du jour les visiteurs du zoo.

7H59 et 54 secondes

Réveil gueule de bois, les tournées s’étaient enchaînées jusqu’à la fermeture du bar et j’étais rentré chez moi parfaitement éméché. Personne ne m’attendait. J’étais seul. Le cœur serré. L’alcool était devenu un allié aussi traître que réconfortant. Je me foutais bien de cette histoire de console, mais si je pouvais me rendre fier en accomplissant quelque chose… je chassais cette idée à coup d’anxiolytiques, gobés avec une tasse de café lyophilisé. En à peine trente minutes, j’étais prêt pour me rendre au travail, mon lieu principal de vie sociale. Je pris quelques instants pour me regarder dans le miroir de l’entrée. Je ne voyais rien. J’étais transparent. Il était grand temps de redonner de la consistance à cette enveloppe charnelle et de faire le nécessaire pour que l’âme égarée regagne enfin ses pénates. J’étais galvanisé, même si le comité d’accueil qui m’attendait au bureau avait pourtant de quoi me refroidir… Mes acolytes de soirée excellaient dans l’art de créer des histoires et bien évidemment tout le monde savait que j’étais prêt à m’inscrire au concours organisé par Neo Famicom et Highstore. Comme l’avait prédit Léo, les médias ne parlaient que de ça.

Article tiré de Konbini : Neo Famicom et Highstore s’unissent pour révolutionner l’histoire du jeu vidéo
De mémoire de Gamers, on avait jamais vu ça ! Un hack de haute volée sur le Dark Web dévoilant un document interne de Neo Famicom, partagé sur le réseau Reddit. Loin de démentir, le leader du jeu vidéo a bien confirmé l’opération via un communiqué de presse, mais à promis des poursuites à l’encontre des hackers. Il s’agit d’un projet inédit, digne d’un Charlie et la chocolaterie 2.1 : Le mix ultime entre Battle Royale et la chasse au trésor. 5 exemplaires de la plus convoitée des consoles seraient à acheter dans le nouveau magasin de la chaine Highstore situé à Bordeaux (oui vous avez bien lu) selon un procédé qui reste un mystère. D’après le constructeur qui a boosté ses serveurs pour tenir la charge, ce ne sont pas moins de 800 000 afficionados qui tentent de s’inscrire sur le site toutes 5 minutes. Si malgré tout vous voulez tenter votre chance jusqu’à ce soir 23h59, remplissez le formulaire en ligne disponible sur Neo Famicom et Highstore.

– Alors ça y est, tu t’es inscris, ou tu vas renoncer ?
L’inénarrable Zaza venait telle une hyène repérer sa proie.
– Attends, je suis sur le site de Neo Famicom.
Contrairement à l’idée que je m’étais faite du formulaire, tests QI, psychomoteurs, ou encore un calcul d’imc, il suffisait de connecter les réseaux auxquels on était abonné, donner son gamertag si on était possesseur d’une XT5, ce qui était mon cas et accepter un disclaimer de 10 pages pour satisfaire aux exigences du RGPD. Il y avait probablement des petites lignes intéressantes mais je n’avais pas le temps, il fallait que cette connasse de la compta constate par elle même que j’étais dûment enregistré.
– Voilà c’est fait ! Qui d’autre s’est lancé dans l’aventure ?
– Tous les jeunes, tu es le seul quadra de la boîte à avoir osé … génie ou imbécile, seul l’avenir nous le dira.
– J’ai une chance sur combien ? Quelques millions d’être choisi, ça va j’arriverais à survivre si je ne suis pas sélectionné.
D’ailleurs en toute logique je n’avais aucune chance. Ma vie en ligne était aussi désertique qu’en réalité. Quelques matchs avec des bots sur les sites de rencontre. A peine une centaine de contacts sur les réseaux sociaux … je n’étais pas du tout dans la cible.

Au siège de Neo Famicom Corp. 17ème étage

Kendo exultait, la première étape était un succès absolu avec plus de 300 millions d’inscrits. Les serveurs étaient à bloc et lui aussi. Son dealer lui avait fourni de nouvelles pilules qui lui donnait la sensation d’être totalement irrésistible. Les algorithmes tournaient à plein régime, le tri se faisait à la vitesse de la lumière.

– Alors, hurla-t-il à la cantonade, on en est où ?
Un timide sous fifre se leva et malgré sa peur prit la parole :
– Monsieur Kendo, nous avons déjà éliminé 99% des profils, nos machines se concentrent sur le pourcentage restants, nous aurons une liste de 100 individus dans moins d’une heure !
– C’est trop long, démerdez-vous, je veux que l’annonce des résultats soit diffusée à 12h30, soit 19h30 en France. Bougez-vous le cul ou je vous dégage moi-même !
– Oui Monsieur Kendo, c’est entendu Monsieur Kendo, je m’en occupe !
– Tout le monde est prêt pour la phase 2 ? scanda le manager survolté.
– Oui chef ! répondirent d’une même voix ses employés pourtant exténués. Le directeur des ventes débarqua en trombe dans l’open space.
– Kendo, nos ventes ont augmenté de 1000% et l’action est au plus haut, c’est un record historique !
Le manager n’arrivait plus à contenir sa jubilation. Il était le Napoléon du jeu vidéo et bientôt gouvernerait un peu plus que cette équipe d’empafés.
– Bon, l’américaine, il est temps de nous expliquer en quoi consiste la phase 2 !
Ashley était une ravissante jeune femme de 24 ans, aussi blonde que possible, diplômée entre autre de Stanford, polyglotte : anglais, japonais, français, espagnol, qui était à la genèse du projet LBOUND.
– A partir de ce soir, nos 100 compétiteurs seront prévenus par voie de presse. La surprise sera totale. Nous les contacterons bien entendu dans la foulée, pour leurs fournir les ressources nécessaires en fonction de leur situation. Dans cette phase de binarisation, seront extraits les profils les plus prisés par nos consommateurs, autant ceux qu’ils apprécient, que ceux qu’ils haïssent. Pour cela, les participants seront soumis à une compétition en ligne de deux heures, sur notre simulateur de comportement. Ils seront confrontés à des situations stressantes, comme fuir ou se battre, tricher ou dire la vérité etc., nous n’avons pas pour objectif de choisir entre les passifs, agressifs ou assertifs, mais de laisser le public choisir ceux qu’ils considèrent comme ayant le plus grand potentiel de survie dans un environnement hostile. Bien entendu nous avons déjà identifié 10 persona qui, quoiqu’il arrive seront qualifiés arbitrairement.
– C’est très clair Ashley, je vous laisse poursuivre les opération.
Ashley opina du chef et regagna son poste. Elle essayait de maintenir au mieux les apparences, mais c’était elle qui devrait être aux commandes et non pas ce pitre de Kendo. Aucune allure, aucune envergure, encore un gagne-petit, bénéficiaire des promotions internes, qui s’était retrouvé à une place qui n’était pas la sienne. La jeune femme d’apparence policée soupira et méprisa intérieurement cette mascarade. Elle avait pensé les japonais plus intelligents que cela, ou même ses collègues qui passaient leur temps à récurer les fonds de web pour glaner des bribes d’info. Pourtant cela semblait évident et elle n’avait rien caché. Son nom de famille était Bailey – Hudson, le même que celui de son père William Bailey – Hudson, propriétaire des 2500 magasins Highstore, première chaîne au monde dans le secteur de la  High-tech, présente dans 40 pays. Pour la petite histoire, William Bailey – Hudson avait précocement hérité d’une fortune estimée à plus de 300 millions de dollars, lorsqu’il avait fondé sa propre compagnie. Son meilleur ami, Mike King lui avait dit alors : « Parfois, ce sont les personnes qu’on imagine capables de rien qui font des choses que personne n’aurait imaginé ». Mike King était aujourd’hui président de Gamecorp, le principal adversaire de Neo Famicom. Ashley étira ses bras et craqua ses doigts, il lui restait une énorme charge de travail, officiel et surtout non officiel à abattre. Elle s’autorisa tout de même une pensée vagabonde. Son père avait eu la plus brillante des idées, aidé par Mike, il avait totalement verrouillé sa vie privée. On le croyait ermite et reclus dans une résidence immense sur une île, les quelques photos qui circulaient de lui ne permettaient aucune identification formelle. Il passait la majorité de ses ordres à distance et vivait en définitive, dans l’anonymat le plus absolu. Ashley avait bien entendu elle aussi bénéficié de cette immunité, un véritable privilège qui lui offrait toutes les chances possibles, une en particulier, qu’elle comptait bien saisir. Sa phase 2 à elle, venait aussi de démarrer.

7H59 et 55 Secondes

Nous avions convenu avec la bande et quelques autres, de nous retrouver au bar pour suivre tous ensemble, en direct, l’annonce des résultats. Nous allions enfin connaître le nom des 100 chanceux, ou pas, qui allaient concourir dans cette singulière compétition. On aurait dit que le monde s’était mis entre parenthèses, plus de guerres, plus de faits d’hiver, les médias ne couvraient plus que ce seul sujet et les conjectures allaient bon train, du soir au matin. La principale chaine d’information en continu avait désormais son émission consacrée aux jeux vidéo, avec bien entendu son lot de consultants aussi éloignés du genre que possible. Fred le barman monta le son du téléviseur d’ordinaire utilisé pour les retransmissions sportives. Le générique de l’émission, « Here I Go Again » de Whitesnake emplit la salle. La foule massée devant l’écran, d’ordinaire exubérante et braillarde, respectait un solennel silence de cathédrale.

– Bonjour à toutes et à tous, ravis de vous retrouver pour ce numéro spécial de BFGame consacré aujourd’hui au phénomène Neo Famicom. A mes côtés j’ai le plaisir d’accueillir Jean-Claude Renard, ancien joueur professionnel de babyfoot qui nous accompagnera tout au long de l’émission et bien évidemment les chroniqueurs habituels, Pedro le Geek, Anastasia la princesse de la manette, Cousin Hub l’as du clash et Remy sans famille depuis qu’il a poncé GTA VI. Avant de vous révéler en exclu la liste des 100, telle qu’on l’appelle aujourd’hui, une page de pub.
Fred s’échinait à servir le plus de clients possibles durant cette relative accalmie commerciale. Il tendit, in extremis, une dernière bière à un habitué à moitié juché sur le comptoir au moment de la reprise du programme, qui le remercia du regard, comme s’il s’agissait d’un acte de charité biblique.
– Bonjour à toutes et à tous, si vous nous rejoignez maintenant ! C’est le moment. L’instant de vérité. Nous allons vous révéler le nom des sélectionnés, peut-être pas tous mais au moins les plus intéressants. On commence avec la géniale Akane Hiro, pour le Japon, Championne de e-sport catégorie Moba. Anatoli Droubetskoï, l’infaillible Russe, invaincu à Fifa depuis 2018. Brad Jones le Sniper américain, redoutable aux jeux de combat. Melissa Granger, la spécialiste irlandaise des casses-têtes et des jeux de réflexion. On ne peut pas tous les citer, mais ce sont des pointures parmi les autres ténors des jeux en ligne. Un avis Jean-Claude ?
– La caractéristique commune, c’est le mental, je crois que bon, ils sont très forts et ce seront de sérieux prétendants au titre.
– Euh Jean-Claude, en fait il n’y a pas de titre, c’est une compétition pour s’offrir le graal des joueurs de salon.
– Oui effectivement, l’important c’est la motivation, la concentration et puis être capable de s’adapter.
– Merci Jean-Claude ! Anastasia, est-ce que tu veux annoncer le nom des célébrités qui vont faire partie de l’aventure ?
– Avec plaisir Boss, j’étais en train de suivre les réactions sur les réseaux. La toile est carrément en train de s’embraser : Pour la France, les rappeurs Bul, Douda, Lariss, l’animateur Cyril Taboula, la comédienne de charme Lise Capri, le couple star de la télé-réalité Ben & Jen. Dans les célébrités extravagantes, nous avons le performer transformiste néerlandais Big Fat Joe ainsi que Colin Treatwood 88 ans qui a notamment joué dans les Doyens de la Galaxie… Parmi les sportifs nous avons un champion de Sumo, de MMA, une Skateboardeuse pro, une Street artiste coréenne… C’est très varié ! et les communautés des stars sont déjà à fond derrière leurs championnes et champions !
– OK Anastasia. Quelques stats Rémy ?
– Pour résumer, nous avons en gros 20% de gamers, 20% de sportifs, 20% d’artistes, 20% de personnalités publiques, 20% de chanceux et 18 nationalités différentes, mais un seul, un seul, euh et ce n’est pas une blague, ni un troll je crois. Vous pouvez me confirmer Cousin Hub que c’est bien une vraie personne et pas un prank de Neo Famicom ?
– Aucun doute mec, la preuve en image …
Alors que je pensais reprendre le cours normal de mon existence, arriva ce que je croyais être le pire…
– Il est déguisé en quoi ? demanda Anastasia
– Je crois que c’est un costume de pom pom girl, mais avec la barbe et un casque de viking.. je ne suis pas bien sûr !
– En tout cas un grand bravo à mais non, c’est pas possible … Voltaire Legland, de Bordeaux, qui avait une chance sur plus de 300 millions d’être sélectionné !!!
– J’ai fait les calculs Boss, pour être précis, il avait 5 fois plus de possibilités de gagner le jackpot à l’euromillion que d’être choisi !
– Top Rémy, on va l’inviter dans la prochaine émission et en savoir un peu plus sur lui.
– Il aura son déguisement tu crois ?
Eclats de rire sur le plateau et dans le bar.
– En tout cas ça y est, les épreuves vont enfin pouvoir commencer.
– Jean-Claude, le mot de la fin ?
– Oui, je crois, que bon, c’est super et j’espère que ça va être un bon moment pour tout le monde.
– Merci Jean-Claude, vous revenez quand vous voulez ! quant à nous, on se retrouve demain pour une nouvelle émission, dans laquelle nous allons tout debriefer et vous saurez tout sur les épreuves qui attendent ces gladiateurs des temps modernes !
– J’aurai plutôt dit pom pom vikings
– A demain et bonne soirée !
La photo ne quittait pas l’écran malgré le générique de fin. J’étais tétanisé. Je sentais sur moi les regards lourds de me collègues, même Fred me fixait avec insistance. Des centaines de photos postées sur les réseaux et ils avaient trouvé celle-ci, prise lors d’un nouvel an et ce n’était même pas moi qui l’avait mise en ligne. J’étais juste tagué dessus. Je restais un instant concentré sur mon verre, mon téléphone ne cessait de vibrer. Je n’avais pas la force de regarder. Ma tête commençait à tourner. Léo me tapota doucement sur l’épaule.
– Quoi ?
Il me regardait comme si j’étais une authentique divinité.
– Je crois qu’il va te falloir un coach !
– Et une équipe. Tu vas jamais y arriver tout seul.
C’était Zaza, les autres semblaient tous d’accord.
– Ouais et on va s’appeler la pompom vikteam !
Après avoir découvert les autres participants et surtout cette photo, qui faisait probablement le tour de la planète, je trouvais le terme de victime parfaitement approprié…

Dans le même temps, au sein de Neo Famicom, l’équipe de Kendo redoublait d’efforts, à tel point que Monsieur Myagi en personne, descendit les saluer. Ils se levèrent tous respectueusement, à son passage. Kendo qui n’avait pas été prévenu, les présenta succinctement, faisant de son mieux pour ne pas bafouiller. Le maître des lieux eut un regard et un mot pour chacun. Ses yeux perçants fixèrent un peu plus intensément la jeune fille à l’origine du projet. Il s’en alla d’un pas rapide, Kendo affable, dans son sillon. Ashley sentit une vibration caractéristique dans sa poche, son téléphone portable personnel afficha le nom de l’interlocuteur, elle partit promptement s’enfermer dans une petite salle de visioconférence attenante à son bureau.

– Bonjour Ashley
– Bonjour papa
– Comment se déroulent les opérations ?
– Le plan est parfaitement respecté, aucune ombre au tableau
– Très bien, reste sur tes gardes et garde la tête froide
– Oui papa, je ne me laisse pas distraire
– A très bientôt
– Oui, très bientôt

Elle regagna tranquillement sa place et se remit au travail. Tout était prêt, même le chaos était sous contrôle.

7h59 et 56 secondes

La sortie du bar était mouvementée, passer en un instant de celui qu’on ne regarde pas à celui qu’on dévisage n’est pas aussi évident qu’on se l’imagine, heureusement la team faisait bloc pour m’exfiltrer au mieux. A peine étions nous dehors, qu’un SUV noir pila face à nous.
– Manquerait plus qu’une prise d’otages !
– Tais-toi Max, Léo, filme au cas où.
Zaza assumait pleinement son rôle de leader. Léo dégaina prestement son xiaomi pour capturer la scène. Les deux Mel m’encadraient, Franck et Max plus en retrait se tenaient tout de même prêts à bondir.
Un modèle réduit de femme ouvrit la portière arrière et descendit du véhicule pour s’approcher de nous, son visage était pétillant. Elle se retenait visiblement de rire.
– Voltaire, vous êtes drôlement bien protégé ! Rassurez-vous nous faisons partie des relations presses de Neo Famicom et nous souhaiterions nous entretenir dès maintenant avec vous, le temps presse avant la première épreuve et nous devons valider ensemble plusieurs aspects juridiques, le droit à l’image, diverses formalités administratives mais ça ne devrait pas prendre plus d’une heure ou deux. Si vous voulez bien me suivre ?
Je consultais du regard mes partenaires.
– On pourrait se retrouver chez toi ? Donne-nous tes clés.
Je devais faire une drôle de tête parce que Mel C cru bon d’ajouter avec un air mutin,
– j’ai l’habitude des apparts de célibataires, on fermera les yeux si on tombe sur des trucs chelou.
Je ne sautais pas de joie à l’idée de laisser la bande envahir mon espace vital mais je n’avais clairement pas le choix.
Neo Famicom n’ayant pas d’antenne à Bordeaux, ils avaient loué un château reconverti pour l’occasion en une sorte de airbnb coworking. La jeune femme à la frimousse espiègle, profita du trajet pour se présenter.
– Je suis désolée Voltaire de cette entrée rocambolesque, mais nous ne pouvions pas vous laisser répondre aux sollicitations des médias ou autres avant d’avoir pu échanger avec vous. Je me prénomme Alice, je travaille pour Neo Famicom depuis 2 ans et je dois vous avouer que c’est la première fois que je suis impliquée dans un projet de cette envergure. Je serai en quelque sorte votre nounou pendant toute l’aventure.
Ah merde, Zaza allait faire la gueule.
– Ben, merci beaucoup, je ne sais pas trop ce qu’il m’arrive, j’ai même pas regardé mon portable pour l’instant, j’avoue que je me suis un peu inscrit sans y réfléchir et je ne suis pas non plus un fou furieux des jeux vidéo, bref, maintenant que le train est lancé…
– Ne t’inquiète pas Voltaire, tu permets que je te tutoies ? ce sera plus simple. Mon rôle, c’est de te simplifier la vie. Si tu veux, on regardera ensemble ton téléphone, il y a quelques pièges à éviter. Tu veux une coupe de champagne ?
Le SUV était équipé d’un mini frigo et Alice avait déjà rempli le verre, pourquoi s’opposer ? Après tout c’était mon but, sortir de la routine, de cette vie monotone et austère.
– Avec grand plaisir !
Elle m’offrît un sourire radieux, tout en me tendant le calice. Je commençais presque à oublier cette histoire de photo, de concours et à me laisser bercer par ces inédites attentions à mon égard. Mon intuition essayait de me prévenir que c’était certainement le calme avant la tempête, mais ce n’était pas le moment de se ronger les sangs. La voiture ralentissait, nous étions presque arrivés au QG bordelais de Neo Famicom et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils n’avaient pas lésiné sur les moyens ! Un véritable petit palais se dressait devant nous. Magnifique écrin pour dominants. Malgré moi, j’étais émerveillé. Il eut été plus judicieux de garder le contrôle, mais après une vie d’asservissement et de seconds rôles, le plaisir d’être au centre de l’attention avait pris le pas. Je n’avais jamais rien gagné dans mon existence, tout ce que j’avais obtenu, même les maigres récompenses, s’étaient obtenues d’elles mêmes. Je voulais savourer chaque instant de ce quart d’heure de gloire, même si je n’étais pas dupe, tout ça n’était que de la poudre aux yeux. Le chauffeur nous déposa devant le perron. Alice me précéda pour ouvrir la grande porte ornementée. A l’intérieur, le faste rivalisait avec l’élégance. Alice, généreuse, me laissa quelques instants de contemplation. Mais bon, soyons lucides, à quoi bon brusquer la bête, si on veut en tirer le meilleur lait… Comprenant ma fascination pour l’édifice, la chargée des relations presses joua le rôle d’agent immo et m’entraîna de pièces en pièces, m’expliquant l’histoire et la symbolique des lieux, avant de finir en beauté par l’immense salon totalement anachronisé par les équipes de la puissante firme. Les fils électriques jonchaient le sol de part en part, donnant vie à des ordinateurs dotés d’écrans incurvés et surdimensionnés. La concentration de leurs dix hôtes humanoïdes semblait extrême et j’étais partagé entre admiration et consternation. Alice brisa le relatif silence, sa voix parvenant difficilement à couvrir l’intense bourdonnement provoqué par les équipements digitaux.
– Je ne vous présente pas Voltaire, vous savez déjà pratiquement tout de lui, mais lui en revanche à bien besoin d’en savoir plus sur sa bande de minions ! En gros, Romane, Lena, Théo s’occupent du community management, e-réputation, communication. Steph, Julien, Loïc de stratégie et des statistiques. Mickey, Stella, Chloé, Mounia, image et presse. Pour ma part, je coordonne et je gère l’intendance. Avant toute chose, voici les documents que tu dois signer et parapher.
Alice avait peut-être minoré le temps que prendrait cette opération. Il devait y avoir des centaines de pages !
– Voltaire, pendant que tu t’occupes de la paperasse, est-ce que tu pourrais me confier ton téléphone ? Stella va s’occuper de traiter les demandes et répondre à tes messages.
– C’est pas un peu privé quand même ?
– A partir de maintenant, plus rien n’est privé et je ne vais pas jeter un pavé dans la mare, mais ce n’était déjà pas le cas avant. Avec cette nouvelle notoriété, tu viens de franchir la frontière ultime, celle qui sépare l’ordinaire de l’exceptionnel. Tes amis, proches, même ceux qui t’avaient totalement oublié, vont dorénavant t’envisager comme une personnalité.  Quelqu’un de différent, de privilégié et ce seront les plus critiques à ton égard. Soit humble et ils diront que tu es condescendant, soit fier de toi et ils diront que tu as pris la grosse tête. Tes paroles et tes actes vont être jugés, scannés, passés au crible de leur jalousie. Tu en feras rapidement l’expérience, si tu préfères rentrer chez toi ce soir, avec ta petite bande. Analyse leur attitude, leur manière de s’adresser à toi … Nous t’avons préparé une chambre ici. Tu seras cocooné et cela t’évitera des mauvaises rencontres, celles qui hier te trouvaient quelconque et te rejetaient, qui aujourd’hui rêvent que tu les embrasses en public… Cela va durer un mois au plus si tu te qualifies jusqu’à la finale, mais dans tous les cas il te faudra choisir ensuite entre rester dans cet univers car tu seras sollicité peu importe ton classement, ou repartir dans les limbes. En attendant notre mission c’est de faire de toi un gagnant potentiel.
– Je comprends et j’accepte, cela ne sert à rien de prétendre que ce n’est pas vrai. Alors, autant vivre l’expérience le plus intensément possible. Guy Debord a dit : « Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images ».
– Tu arrives à citer Guy Debord ? Surprenant !
– Il y a quand même quelques facettes de ma personnalité qui m’appartiennent encore un peu et qui ne sont pas en ligne …
Alice était légèrement déstabilisée. Sa peur panique était de gérer une bombe à retardement, malgré toutes les précautions qui avaient été prises. Voltaire ne possédait pas les codes selon elle. C’était juste un être bassement normal extrait de sa caste à la faveur d’un algorithme. Ses pensées contredisaient parfaitement son discours, mais elle préférait se fier à cette rassurante apparence plutôt que de le percevoir autrement. Il fallait en faire un gentil toutou qui retournerait bien sagement à sa vie de merde après la première épreuve. Elle était convaincue qu’il ne s’en sortirait pas.
Voltaire se doutait bien de ce qui se passait dans la tête de l’employée de Neo Famicom malgré les sourires. Elle le prenait clairement pour un con et un faible. Son esprit était configuré ainsi, les riches et puissants d’un côté, la plèbe de l’autre. Elle était persuadée d’avoir raison, de savoir et quoi qu’il fasse ou dise, rien n’aurait pu la convaincre de changer de point de vue. Perdu pour perdu, le mieux était d’essayer de donner le change au maximum.
– Alice, est-ce que tu peux prévenir mes amis que je ne rentrerais pas et aussi m’amener des affaires ?
– Euh oui, pas de soucis, c’est une bonne idée.
– Alors ce téléphone, ça donne quoi ?
– Stella ?
– Pour commencer, j’ai répondu gentiment à une cinquantaine de sms de personnes qui se sont rappelé subitement qu’ils avaient des liens d’amitié avec toi. Il y en a un en revanche, que je trouve vraiment intéressant et qui pourrait nous donner un coup de pouce. Un certain Léo, il a court-circuité Mickey en contactant des associations de pom pom girls offusquées par les moqueries dont elles ont été victimes après la diffusion de ta photo. Résultat, plus aucune occurence. La photo a été supprimée des réseaux et ne sera plus mentionnée nulle part. Sinon, comme prévu la prod de BFGame est au taquet pour l’émission de demain. Skyrock, RMC, NRJ, W9, Brain, Konbini, Jeuxvideo.com, bref la totale. On travaille sur les fiches. Pour les réseaux, tu m’arrêtes si je me trompe Romane, mais on a gagné plus de 250 000 followers en moyenne. On est en train de mettre à jour tous tes profils. Quelques nudes intéressants, certains vrais d’ailleurs. Je te les laisse au cas où. Des menaces de mort, des haters, des soutiens aussi, on va les diffuser massivement.
– Nickel Stella ! Julien on parle stratégie ?
– Alice, nous sommes Day One. Il est 2h00 du matin. La première épreuve est prévue dans cinq jours. Il s’agira d’un affrontement sur un simulateur de comportements. Chaque décision aura son incidence, mais ce sera le public qui sera le seul juge. La bienveillance ne sera pas forcément la meilleure option. Pour l’instant Voltaire est identifié comme un gentil garçon, l’invité surprise. C’est notre plus grande force. L’imprévisibilité.
– C’est clair. Merci. Je propose qu’on aille se coucher. On rattaque demain à 8h00. Prenez des forces.
– Stella, est-ce que je peux récupérer mon téléphone ?
– Oui bien sûr ! Tiens…
– Merci Stella, merci à tous, nous n’avons pas encore eu l’occasion de parler ensemble, j’espère qu’on pourra mieux se connaître. En tout cas je ne pouvais pas être mieux entouré !
Alice et son équipe me jetèrent à peine un regard, je n’étais pas plus qu’un vulgaire produit dont l’obsolescence était programmée. Inutile d’insister. Chacun se retira dans ses appartements. On m’avait donné la meilleure chambre, au deuxième étage. Comme par magie, mes vêtements étaient déjà soigneusement rangés dans l’armoire. Les affaires de toilette dans la salle de bain attenante. Le lit King Size m’appelait comme une promise et je ne résistais pas à ses faveurs. Je m’endormis d’un sommeil profond et réparateur.

7h59 et 57 secondes

Kendo toisait Ashley. Il commençait à s’impatienter et éprouvait de plus en plus de difficultés à masquer son mépris envers l’américaine. Le manager avait, de surcroit, désespérément besoin d’elle. Il était temps qu’elle lui détaille les épreuves. Myagi pouvait à tout moment l’interroger et il ne connaissait que la globalité du projet. L’homme d’affaires comprendrait alors qu’il n’était qu’un passe plat, un lien superflu entre la réflexion et l’action. Cette position le rendait nerveux. Il piocha dans ses dernières réserves pour lui soutirer les informations qu’il jugeait importantes avec tout le tact et la diplomatie dont il pouvait faire preuve. Consciente du rapport de force en sa faveur, elle attendait patiemment que Kendo prenne la parole.
– Alors Ashley, tout à l’air de se passer comme prévu ? Où en sommes-nous précisément ? dit-il d’une voix aux intonations qui se voulaient légères et enjouées.
– Le simulateur de comportements est fin prêt. Les derniers bugs corrigés. Les règles de la première épreuve sont très simples. Il s’agit de matchs en un contre un. Le premier concurrent qui remplit pendant trois minutes consécutives la jauge des suffrages remporte la partie. Tout repose sur l’intuition, l’instinct de survie des joueurs mais surtout sur le choix du public. Nous allons annoncer les oppositions d’ici une heure, les médias du monde entier vont se régaler. L’épreuve est online, donc les participants peuvent choisir librement leur lieu de joute : Depuis chez eux, un espace public, un magasin Highstore… tout est possible et bien sûr, l’algorithme en tiendra compte. Après cet écrémage, la deuxième manche sera beaucoup plus intense, elle va soulever les foules, un affrontement par équipe, en réalité virtuelle. Pour aller en finale, les participants devront se constituer en teams de 10, ils pourront, durant la partie, changer d’équipe. Le terrain sera délimité par 4 zones à atteindre, dès que 5 coéquipiers seront dans l’enclos, celle-ci deviendra inaccessible pour quiconque, sauf si un membre, ou toute l’équipe décide d’éjecter l’un des leurs… à ce moment là, la zone sera de nouveau ouverte… on prévoit de multiples rebondissements jusqu’au coup de siffler final ! Et enfin la dernière épreuve. Les 20 finalistes seront réunis devant le shop partenaire transformé en parcours du combattant pour l’occasion. Nous n’encourageons bien entendu aucune violence mais à la fin, ils ne seront que 5 à repartir avec la console…
Kendo était extatique, ce qu’il venait d’entendre le comblait au plus haut point, le public, les médias, les actionnaires, ils allaient tous lui bouffer dans la main, le reconnaitre enfin à sa juste valeur. Myagi lui même se prosternerait à ses pieds. Perdu dans ses rêves de grandeur, il n’accordait plus aucune importance à Ashley. C’était ce qu’elle voulait. Sa phase 2 était terminée. Le vers parfaitement implanté dans le fruit. Elle comptait maintenant sur la folie des hommes pour parvenir à son but. Mike et son père l’avaient chargée de mettre fin à la suprématie de Neo Famicom. Elle savait que ce concours finirait dans le sang. Les pertes seraient lourdes de conséquences et l’entreprise n’aurait aucune chance de s’en remettre. Tout n’était qu’une question de timing. Les négociations entre Neo Famicom et Highstore étaient quasiment finalisées. L’entreprise japonaise allait acquérir pour quasiment 3 fois sa valeur réelle, la chaîne de magasins. Ils n’avaient absolument pas conscience de ce qui allait se passer. Mike était un fin stratège, son positionnement était clair, faire des jeux pour la famille, entre amis, un peu de frisson, un peu d’action, mais toujours dans la limite du raisonnable. A contrario, les japonais en voulaient toujours plus. Leur mainmise sur le secteur les avaient rendus arrogants et méprisants. L’excès de pouvoir en avait fait des démiurges qui ne se souciaient plus de rien, si ce n’est d’être toujours plus gros, plus imposants. Ils étaient victime du syndrome du dictateur. L’Amérique n’était plus ce qu’elle était aux yeux du monde. Un colosse aux pieds d’argile qui avait perdu son statut de sauveur, de maître à penser des nations. La partie qui se jouait allait bien au delà d’une simple guerre économique, quand tout serait fini, Gamecorp se révèlerait à la planète tel un bon pasteur venu ramener les brebis égarées dans l’enclos et son père pourrait se présenter aux élections présidentielles, dans les meilleures dispositions.

Loin de ces considérations à Bordeaux, Voltaire se réveillait paisiblement. Il prenait son temps, se refusait à quitter aussi facilement ce gigantesque lit en tous points parfait qui lui avait permis de passer une nuit judicieusement réparatrice. Il avait rêvé de C., mais le songe ne lui revenait pas en mémoire. Voltaire profita de ce moment de relative solitude pour examiner son téléphone. Stella avait fait un sacré boulot ! Il n’aurait pas pu mieux répondre aux différentes sollicitations, messages, encouragements etc. reçus en un laps de temps record, d’ailleurs elle en aurait d’autres à traiter aujourd’hui, ça recommençait à s’agiter, manifestement les réseaux ne dormaient jamais. Par acquis de conscience et uniquement dans ce but, il jeta un œil sur les fameuses photos mentionnées par sa conseillère en image. Effectivement, certaines personnes n’avaient ni froid aux yeux ni ailleurs … Voltaire n’était pour l’instant que sélectionné pour la compétition et il n’osait pas imaginer ce qu’ils et elles seraient capables de faire en cas de qualification. Il tenta de décoder les mots de Julien : simulateur de comportement et la bienveillance qui ne serait pas toujours la meilleure option … Il en déduisait qu’il devrait se montrer intuitif et ne choisir que l’option qui lui permettrait de s’en sortir sans trop de dégâts. Après tout, n’était-ce pas déjà ce qu’il était en train de faire ? Il prit sa douche, s’habilla et descendit dans le grand salon. L’équipe était connectée et visiblement très excitée, personne ne remarqua sa présence. Il y avait un buffet derrière eux avec des viennoiseries, du café, du thé, du jus d’orange, Voltaire alla se servir sans se manifester. Un des écrans diffusait la chaine partenaire de Neo Famicom. Le tirage au sort venait de commencer et il n’y eu ni suspens, ni angoisse. Steph tapa dans ses mains.
– Putain, c’est Melissa, on n’est pas dans la merde…
Alice se racla la gorge et fit un signe de la tête pour signifier aux autres, pas de conneries il est là.
– Bonjour Voltaire !
La team daigna enfin se retourner et encore pas tous. Voltaire tenait la moitié d’un croissant dans sa main. Il essayait de garder son self control.
– Salut Alice, salut à tous, alors Steph pourquoi autant d’enthousiasme ?
Steph attendait qu’Alice lui donne un go. Voltaire explosa.
– Bon, je crois qu’on a un léger soucis ici. J’en ai rien à foutre de vous, pour moi vous n’êtes que des petits cons de geeks bobos qui n’arrivent pas à comprendre que si vous êtes ici, c’est parce que je suis là. Alors oui peut-être que je suis nul, ou pas vous n’en n’avez aucune idée pour l’instant. En revanche, votre job c’est de m’accompagner au mieux. C’est ça ? Alors faites-le et arrêtez de me regarder de biais, sinon c’est simple dès que je rencontre les mecs de chez Neo Famicom je leur explique que vous êtes des connards inutiles. Donc maintenant je veux savoir qui est cette Melissa et vous allez aussi faire venir Léo. Stella, prends mon téléphone.
Un silence gênant s’installait. Alice se racla la gorge.
– OK Voltaire, merci, je pense qu’on a compris. Steph, les infos sur Melissa.
– Melissa Granger, e-sportive professionnelle, sa spécialité c’est les jeux de réflexion, puzzles, casse-tête. Elle a mis 20 minutes pour terminer Notpron, le jeu le plus dur au monde. Cependant il y a un autre aspect en notre faveur qu’il ne faut pas sous estimer. Loïc ?
– Elle a plus d’un million de followers, mais une côte de popularité très faible, le public l’assimile à une tête à claque, parfaite, première de la classe… Ils ne voteront pas spontanément pour elle, même si les sites de pari en ligne la donne largement favorite.
Lena leva timidement la main
– Voltaire, tu as rendez-vous dans les locaux de BFGame à 18h00, de cette première interview découlera toutes les autres. On attaque le training à 10h00 si tu es ok et la styliste viendra t’apporter une sélection de vêtements.
– Super, merci !
Léo arriva à ce moment là. Voltaire avait rarement été aussi content de le voir. Une présence amicale n’était pas de trop dans cette maison. Le timide garçon scannait de son regard perçant les lieux et surtout les personnes. Il n’accordait pas beaucoup de crédits aux employés de Neo Famicom et se méfiait d’autant plus d’Alice, trop souriante, trop affable et qui sentait la fourberie à plein nez.
– Bonjour Léo, nous sommes ravis de t’intégrer dans la team, je ne te les présente pas, j’imagine que tu as fait ton travail de recherches et que tu as déjà quelques idées pour préparer au mieux ce premier round ?
Léo ne voulait surtout pas abattre toutes ses cartes, mais il devait quand même apporter la preuve de son utilité.
– Oui effectivement. Ca tombe bien en plus, j’avais quelques jours de congés à solder, je vais pouvoir être présent durant toute la compétition. En ce qui concerne Melissa, elle sera une redoutable adversaire parce qu’elle calcule vite et a l’avantage de faire du e-sport sur tous types de consoles ou d’ordinateurs. Du coup, elle maitrisera le simulateur en un rien de temps. D’un autre côté, sa plus grande faille sera justement son esprit logique et formaté. Elle va raisonner comme si c’était un jeu et choisir systématiquement la solution la plus pragmatique, mais qui ne sera pas forcément la plus humaine. Ca pourrait se retourner contre elle. Au fait Voltaire, avant que j’oublie, C. te souhaite bonne chance !
L’analyse de Léo était très pertinente et l’équipe commençait à le prendre au sérieux. Voltaire pour sa part était passablement troublé, C. était en quelque sorte l’élu de son coeur, il l’avait baptisée C. pour celle dont on ne doit prononcer le nom, parce que dans ses nombreux moments éthyliques il le répétait en boucle comme un mantra. Il devait rester focus sur son objectif, après tout, il était là pour une bonne raison. Il pouvait gagner, sa nouvelle philosophie était « winner takes all » et il comptait bien la mettre en pratique.
Le training de Lena se passait en conditions de plateau télé. Elle lui posait et reposait les mêmes questions et il devait y répondre le plus naturellement possible, sans fioritures, même si au final c’était du par coeur. Les questions allaient de : ton jeu préféré, à quelle sera ta stratégie, est-ce que tu te rends compte de la chance que tu as, qu’est ce que tu ferais si tu faisais partie des vainqueurs… bref, pas de quoi être trop déstabilisé à priori. La styliste pour sa part préconisait un style streetwear sobre. Baskets Veja, pantalon chino Uniqlo, pull gris off white avec inscriptions, no pain – no gain, barbe taillée 2 jours. Là aussi Voltaire pourrais sans problème s’adapter. La journée passa en un clin d’oeil, entre training, coaching, revue de presse…
– Bonsoir à toutes et à tous, ravis de vous retrouver pour BFGame, l’émission entièrement consacrée au gaming. Avec moi, Pedro le Geek, Anastasia, Cousin Hub et Remy. Nous avons le plaisir d’accueillir sur le plateau Voltaire Legland pour sa première apparition à la télé.
– Ca va Voltaire, pas trop stressé ?
– Non, non ça va
– Ok, à part ta passion pour les uniformes de majorettes, tu peux te présenter en quelques mots ?
– Voltaire, 44 ans, je travaille dans le secteur du btp au service support, j’en profite pour saluer mes collègues et maintenant que je fais partie de cette aventure, je compte bien défendre toutes mes chances avec le soutien du public !
– Voltaire, c’est pas banal comme prénom
– Hub c’est pas fréquent non plus, mais ça va t’as l’air de gérer quand même
Voltaire ne comptait se laisser faire, la clé pour augmenter sa côte de popularité était justement de rendre coup pour coup avec un peu de rabe si nécessaire.
– T’as quand même 3% de chances de battre Melissa, ça te fait flipper ?
– Rémy, les statistiques ne sont pas toujours fiables et d’après ce que j’ai pu voir sur les réseaux, Melissa, qui bien sûr est la favorite, déclare partout qu’elle a gagné avant même de m’avoir affronté. Perso, je trouve qu’elle manque un peu d’humilité et puis on est français, l’épreuve finale se passe en France, j’espère qu’on va tous être un peu chauvin et montrer qui on est !
– Ah oui oui, c’est vrai ça, d’ailleurs puisque tu en parles, le président a adressé un message de soutien aux concurrents français sur Linkedin.
– Anastasia, c’est cool de sa part. Je ne fais pas de politique. Les autres sont des stars, super connues, qui vivent pour la plupart à Dubaï ou à Miami, moi je suis juste un gars de la street et je vais me battre pour moi mais aussi pour tous les joueurs, au sud, à l’est, à l’ouest, au nord du pays. On est la grande famille des anonymes.
Léo lui avait soufflé en aparté de se positionner en prolo, en Poulidor, cette fois prêt à faire une échappée victorieuse.
– J’avoue, c’est un beau message pour tous nos spectateurs ! On te souhaite bonne chance Voltaire et crois moi toute l’équipe sera derrière toi Jeudi soir à 21h00 pour la retransmission en direct de la première épreuve !
– Merci à toutes et à tous, merci également à Alice et sa team, Léo pour ses précieux conseils, Zaza et la bande, Fred au bar, et C. que j’embrasse très fort.
– Super Voltaire, c’était top !
Générique de fin.
Sur le plateau, Voltaire sentait que l’ambiance était différente à son égard. Plus respectueuse. Il avait réussit à la fois à s’imposer auprès des médias et à faire passer un message de ralliement. Il commençait enfin à croire en ses chances. De retour au QG, Alice et les autres ne tarissaient pas d’éloges sur sa prestation. Seul Léo faisait le job, lui rappelant constamment que le public était versatile et surtout que rien n’était jamais acquis…

Enfin le grand jour.

Tout était prêt. Il était prêt. Voltaire n’aurait pas de regrets. Il avait choisi de se rendre dans le Highstore du centre-ville. Les caméras de BFGame le suivaient depuis le début de la matinée, de même que Unigame, diffuseur officiel de la compétition et propriété de Neo Famicom. Il en était d’ailleurs de même pour l’enseigne, qui appartenait désormais à la puissante multinationale. Voltaire précédé de Leo et Alice, pénétra les lieux. Une estrade trônait au centre du magasin, surplombée par un écran télé de 80 pouces. Des caméras tout autour.

Faire le vide. Se concentrer et tout donner.

Voltaire s’installa. L’interface BESI pour (Behavior simulator) se chargea en moins de 5 secondes sur la XT5 Alpha +, la manette était vraiment agréable en main. L’environnement ressemblait à GTA, l’écran n’était pas partagé ce qui signifiait qu’il croiserait probablement Melissa au cours du jeu. Son avatar était parfaitement reproduit à la différence qu’il courrait beaucoup plus vite que lui ! Le temps s’écoulait en haut à droite de l’écran. Sa jauge de popularité était pour l’instant à 15%. Il avançait dans une reproduction de la ville de Bordeaux, mais il n’avait aucune idée de ce qu’il devait faire. Voltaire étudiait les lieux, mais continuait d’avancer. Il ouvrit son inventaire pour checker les éventuelles ressources mises à sa disposition. Il y avait notamment une carte créditée de 100 euros, une canette de redbull, un sandwich Subway, une matraque, un pistolet + 50 cartouches, un téléphone portable… Il se saisit du smartphone qui pouvait, selon lui, contenir des informations. La jauge passa à 20%.
3 SMS :
 » Voltaire, j’ai besoin d’aide ! je me suis réfugiée dans le HighStore, une horde de zombies est à l’extérieur et j’ai vidé mon chargeur ! Help.  » Melissa
Tips 1 : Bonjour Voltaire, n’oubliez pas, si vous mourrez, votre jauge de popularité repartira à 0% Bonne chance ! 🙂
Tips 2 : Besoin d’aide ? RDV Place des Quinconces
Les options étaient claires : Soit il laissait Melissa crever, le public ne serait pas forcément hostile mais il passerait pour un lâche. Soit il allait aux Quinconces chercher de l’aide mais dans ce cas, il passerait pour un faible, incapable de se débrouiller seul.
– OK Melissa j’arrive !
Côte de popularité 35%
Voltaire réfléchissait à la meilleure tactique possible. Le magasin était situé dans une rue piétonne et il ne savait pas si enfreindre des règles comme utiliser une voiture dans cette zone n’occasionnerait pas de pénalités. Le mieux était de faire au plus simple. Il posa la carte de crédits sur une borne pour prendre une trottinette électrique. Il voulait d’abord repérer les abords avant de jouer les héros.
Cote de popularité 43%
Melissa avait parlé d’une horde… c’était bien pire que ça ! ils étaient au moins 2500 morts-vivants agglutinés contre la façade du store. Un énorme grognement retentit derrière Voltaire. On aurait dit le chien de Stephen King, Cujo, monstrueux et particulièrement agressif. Voltaire hésitait. Le molosse ne bougeait pas. Sortir son flingue était le meilleur moyen de se mettre à dos les défenseurs des animaux. Le simulateur vocal s’activa, il avait choisit de s’adresser directement à la bête. Elle continuait de grogner et de montrer ses larges crocs. Prête à bondir. Il savait qu’il était risqué de courir ou d’utiliser la trottinette. Il ne fallait surtout pas lui tourner le dos. Il avançait doucement vers elle, essayant d’être le plus calme possible, la main tendue, paume en l’air et il se souvint du sandwich dans l’inventaire. Voltaire le fit apparaître et le tendis délicatement à l’animal qui s’en saisit et se transforma instantanément en un charmant toutou, imposant mais docile. Il avait le sentiment d’avoir réussi une première mission et se sentait un peu plus confiant, mais rien n’était gagné pour l’instant.
Côte de popularité 75%
Voltaire souffla, il réalisait que dans ce jeu, il n’y aurait pas de deuxième chance. Le public n’avait plus de patience ou d’empathie. Il fallait s’adapter. Ne pas agir ni penser comme il le ferait naturellement, mais choisir l’option qui plaira le plus à la majorité, combien même cette majorité serait ignorante et bornée. Il se rappela que dans les films de zombies les animaux étaient épargnés, une question de cerveau. Il connaissait pour sa part bon nombre de chats et de chiens plus intelligents que des humains, mais telle n’était pas la question.
Il arracha une page du carnet de notes présent dans son inventaire et rédigea un message à l’attention de ceux qui étaient censés apporter de l’aide et qui se situaient sur la grande place de la capitale girondine.
– Allez mon chien, vas-y !
Comme espéré, l’animal s’exécuta sans manifester le moindre doute sur ce qu’il devait accomplir.
Côte de popularité 80%
Il ne savait pas où en était Melissa. Peut-être que tout ceci n’était qu’un piège, mais il vivait l’aventure à fond et ne regrettait pas ses décisions, pour l’instant. Son idée était assez simple mais réalisable, escalader les toits pour parvenir jusqu’au magasin. Il avait juste surestimé les capacités physiques de son avatar, supérieures aux siennes mais pas non plus exceptionnelles. Il glissa et manqua de tomber. L’immeuble faisait 3 étages. Il arriva tout de même jusqu’au premier balcon, mais le personnage avait perdu beaucoup de santé. Il n’avait plus à manger. Que pouvait-il faire ? La boisson énergétique ! Il bu jusqu’à la dernière goutte de la canette, qu’il jeta dans la poubelle située en bas de l’immeuble et sur son écran s’afficha en énormes caractères clignotants : Bonus Stamina 50 secondes. Toutes ses forces étaient revenues et bien plus encore ! Il pouvait faire des sauts gigantesques, son personnage était beaucoup plus puissant et rapide. Il fallait tout de même rester prudent. La chute au lieu d’être douloureuse pouvait s’avérer mortelle. Sans réfléchir, le Voltaire digital et boosté reprit son ascension. Il bondissait à travers les immeubles à la vitesse de l’éclair. Plus que quelques mètres encore et 10 secondes de power up. Il y était presque.
Côte de popularité 87%
Il arriva enfin sur le toit du Highstore. Melissa l’attendait, calme, placide, le pistolet dans la main, prête à lui tirer dessus.
– Tu en as mis du temps ! J’en ai profité pour faire quelques quêtes annexes plutôt amusantes.
– Tout va bien ?
– Pour moi oui, mais malheureusement je crois que ton aventure s’achève maintenant.
Elle tira. Il restait une seconde de bonus d’énergie, Voltaire effectua une glissade pour éviter le tir et se cacha derrière une conduite d’évacuation.
– Il me reste 5 balles et tu ne vas pas pouvoir rester caché bien longtemps, allez dépêche-toi, je dois préparer mes interviews et réfléchir à la prochaine épreuve !
Soudain un énorme vacarme se fit entendre. L’aide promise arriva et massacrait les zombies. Ils étaient tous là, les personnages les plus emblématiques du jeu vidéo : le plombier, le hérisson, le karatéka, le smiley jaune et toutes les nouvelles idoles des geeks, surarmées et bien décidés à ne faire aucun prisonniers.
Côte de popularité 100%
Il était à découvert, Melissa tira une nouvelle balle.
5, 4, 3, 2, 1
Son avatar s’effondra. Elle avait tiré dans le ventre, il trouva dans son inventaire une trousse de soin.
Melissa s’approcha du Voltaire pixelisé pour l’achever, à bout portant.
Sa côte de popularité affichait toujours 100%
Il ferma les yeux. Elle pressa la détente. Clic. Clic. Clic. Elle vidait son chargeur mais aucune balle ne s’en échappait, c’était trop tard. La partie était finie. Voltaire avait gagné.
A l’écran on pouvait lire, WINNER : VOLTAIRE LEGLAND
Il lâcha la manette. Ses mains tremblaient encore. Le silence emplit la pièce et très rapidement des salves d’applaudissements et de cris de joie. Il était tellement concentré qu’il n’avait pas vu le magasin se remplir. Il n’avait jamais ressenti une telle sensation. Il l’avait fait. Gagner. Il se laissa submerger par l’émotion.

A la frénésie de l’instant, succédait désormais l’attente de la prochaine épreuve. Tous les favoris, à l’exception de Mélissa s’étaient qualifiés. Voltaire s’efforçait de ne pas succomber aux charmes de la gloriole. L’équipe d’Alice lui accordait dorénavant une attention constante et des regards énamourés. A leurs côtés, Léo faisait figure d’empêcheur de kiffer en rond. Il avait raison. Grâce à ses contacts dans les milieux interlopes de la grande toile, il avait appris que la deuxième épreuve serait, selon toutes vraisemblances, une baston en réalité virtuelle. Il n’y aurait, a priori, pas de votes du public, ce qui l’inquiétait beaucoup plus maintenant qu’il était considéré comme un outsider sérieux. Alice, dans un excès de zèle, s’était procuré le nec plus ultra du matériel de VR. Léo s’était cependant montré intransigeant sur ce sujet, Voltaire devait s’entraîner avec un équipement tout public et une connexion internet médiocre. C’était le meilleur moyen de ne pas être pris au dépourvu en cas de défaillance technique, ce qui d’après ses calculs avait, a minima, 48% de chances d’arriver. Critère d’autant plus critique que Voltaire souffrait du mal des transports équipé du casque VR et qu’il détestait être confiné dans cet ersatz de réalité. Selon les projections des statisticiens maison, Voltaire pourrait tenir 2:00 max avant de faire une syncope, ou moindre mal, d’avoir un voile blanc devant les yeux. Il n’était clairement pas en position favorable…

7h59 et 58 secondes

Pour la plupart de nos protagonistes, le ciel était bleu azur. Kendo auréolé de ses derniers succès ne touchait plus le sol, le comité exécutif de Neo Famicom le conviait lors des réunions stratégiques, il déjeunait avec eux dans le restaurant réservé aux grands dirigeants de l’entreprise. Ashley se satisfaisait de la vente de Highstore, et même si sa mission n’était pas encore achevée, elle contrôlait la situation. Les médias se régalaient et faisaient monter la pression. Le public était aux anges, comme lors d’une coupe du monde de football. Seul Voltaire se désespérait de ne pas maitriser correctement la technologie VR, malgré les encouragements de sa team et même de C. qui se rapprochait de plus en plus. Comme l’avait prédit Alice, il changeait de statut, sa vision de la vie évoluait, des opportunités insoupçonnées jusqu’alors insoupçonnées s’ouvraient à lui, aussi bien professionnelles que personnelles. Il nourrissait de nouvelles ambitions. Léo le tira violemment de sa rêverie. BFGame allait révéler en exclusivité les informations sur la deuxième manche. Voltaire ferma les yeux et récita une prière improvisée dans sa tête. Générique.

Juju & The Space Rangers – Plastic

Juju & The Space Rangers – Plastic

Pour inaugurer un nouveau partenariat avec le mythique label indépendant Black Fire, Strut sortira le 10 juillet prochain une compilation définitive consacrée au groupe culte aux nombreuses vies Oneness of Juju, mené par Plunky J. Branch, dans une version entièrement remasterisée et agrémentée de documents inédits.

Plastic (Original 45 Version)

African Rhythms 1970-1982 reprend une compilation sortie sur Strut en 2001, et a été entièrement remasterisé par Frank Merritt au studio The Carvery. Le disque est accompagné d’un livret contenant des photos rares, une longue interview avec Plunky Branch et des notes de pochette signées Chris Menist.

Dombrance : Nouvel EP : AMLO

Dombrance : Nouvel EP : AMLO

L’artiste français Dombrance poursuit sa série de titres et de chansons inspirés par les politiciens. « Ce ne sont pas des chansons politiques, je m’inspire juste de leur nom et de leur personnalité », déclare le producteur lors d’une interview à la télévision française… En collaboration avec Bufi, c’est la première fois que Dombrance utilise un homme politique non français, choisissant comme cible le président mexicain récemment élu Andrés Manuel López Obrador (AKA AMLO) et sa personnalité controversée.

Dombrance ft. Bufi - AMLO (Original Mix)

Moquerie ou hommage ? C’est à vous de décider.

Dombrance - Tulum (Original Mix)

Le single est complété par un « Tulum » de rêve et de magnifiques réinterprétations des artistes maison Mijo & Perfect Lovers, et Ambiance. https://www.facebook.com/faunareve

Histoires d’Amérique, le nouveau podcast de Society

Histoires d’Amérique, le nouveau podcast de Society

Un plaisir de relayer cette brillante association entre 10/18 et Society :

Dans quelques mois aura lieu l’élection qui désignera le 46ème président des Etats-Unis d’Amérique. Une élection particulièrement attendue, tant l’actuel locataire de la Maison Blanche, Donald Trump, suscite perplexité et interrogation. Dans une Amérique plurielle et asymétrique, il est aussi le symbole de la montée des populismes un peu partout dans le monde et, à lui seul, il contribue à l’image complexe de ce pays. Car l’Amérique d’aujourd’hui, c’est à la fois la ville de San Francisco, qui a banni toute forme d’emballage en plastique, mais aussi l’Etat du Texas et ses prisons, où plus de 200 personnes attendent actuellement d’être exécutées.

Cette Amérique fascine toujours et son récit cherche en permanence à se renouveler. C’est dans ce contexte que 10/18 et Society se sont associés pour raconter cette Amérique à travers une collection de podcasts qui vont jalonner cette année si particulière. Une association pour raconter des histoires de justice, des histories de l’Amérique des années 80, des histoires au cœur des grands espaces, des histoires de races, des histoires émouvantes et plus vraies que nature. Mais surtout des histoires qui sont d’abord des livres.

Chaque mois, un nouvel épisode viendra explorer un des aspects de l’identité de ce pays en ayant comme point de départ un titre emblématique de la collection 10/18.

#1 Histoires d’Amérique – L’Empreinte

Premier titre de cette exploration, L’Empreinte d’Alex Marzano-Lesnevich où l’on parlera peine de mort, true crime et Sud profond avec notamment les interviews de l’auteure, de Sandrine Skinner, épouse d’un condamné à mort aux USA, de Jean-Paul Dubois, prix Goncourt 2019, de l’écrivain Morgan Sportès ou encore de Darren Versiga, Lieutenant de police à Pascagoula, une petite ville du sud des États-Unis.

Diffusion du 1er épisode (produit par Allsound) depuis le 27 mars sur toutes les plateformes : http://smarturl.it/histoiresdamerique

75e Session, la famille du Dojo

75e Session, la famille du Dojo

Le webdocumentaire « 75e Session, la famille du Dojo » retrace l’histoire du collectif de rappeurs parisiens 75e Session, qui réunit aujourd’hui une quinzaine de rappeurs dont Nepal, Sheldon, M Le Maudit, Sanka ou encore Hash24, autour d’un lieu, le Dojo, épicentre d’une partie de la nouvelle scène rap francophone. Sortie le 17 juin.

« 75e Session, la famille du Dojo » I Teaser - Nova.fr

En 2012, le collectif 75e Session – qui réunit rappeurs, photographes, vidéastes -, se trouve un lieu de rassemblement, une maison située à Saint-Denis : le Dojo. Du haut de leur 20 ans, avec peu d’argent et encore peu d’expérience, les membres du collectif en font un lieu d’habitation, d’accueil et de rencontres, mais surtout le coeur de leur production artistique avec la création de deux studios. Cette ouverture en fera l’épicentre d’une partie de la nouvelle scène rap francophone, avec les passages de Lomepal, Vald, Dimeh, Roméo Elvis ou encore Caballero et JeanJass. Dès ses débuts, le collectif plonge dans la nouvelle vague du rap parisien avec L’Entourage, Doum’s… rapidement, Nekfeu leur demande de réaliser son clip Dans ta réssoi. Un tremplin pour 75e Session qui poursuit ensuite son développement avec notamment Sopico et Georgio.

Yveline Ruaud, de l’association Les Gros Sourcils, a passé un an au Dojo pour filmer le quotidien des membres de 75e Session. Elle a recueilli des interviews qui racontent leur parcours vers la professionnalisation et leur quotidien dans ce lieu singulier, mais aussi les liens de travail et d’amitié qui les unissent. Le webdocumentaire est illustré d’archives vidéos et de photos inédites de Nepal, Doum’s, Georgio, Nekfeu… de clips et d’images actuelles filmées au Dojo, le tout porté par une musique originale composée par les beatmakers de 75e Session.

75e Session : la famille du Dojo
Réalisation Yveline Ruaud • Post-production Morane Aubert
Sortie lundi 17 juin sur nova.fr

Cross Examination works from Tia Collection

Cross Examination works from Tia Collection

« Cet assemblage de deux morceaux de bois va absorber sang, sueur, pisse, vinaigre et s’imbiber du concentré de toute la souffrance physique et morale de l’humanité. » Grazia Quaroni

Cross Examination (Prix Édition – Club des Directeurs Artistiques) met en scène 33 oeuvres de la Tia Collection qui portent la forme, le symbole ou l’idéologie de la croix. Le livre propose une déambulation inédite par la reproduction des oeuvres à leur échelle réelle, offrant au lecteur un voyage intime et immersif dans ces chefs-d’oeuvre contemporains.

Un essai de Bernard Marcadé et une interview du collectionneur par Grazia Quaroni éclairent les oeuvres et invitent à la découverte d’une histoire de l’art singulière, dans laquelle la théologie et la littérature sont convoquées pour proposer un « contre examen » de cette iconographie familière et contestée.

Tia Collection, basée à Santa Fé (Nouveau-Mexique, USA), rassemble plus de 2.000 oeuvres d’art, contemporaines et d’après-guerre, dont un important corpus d’oeuvres d’artistes native americans.

Si les oeuvres sont régulièrement visibles dans des musées, leur réunion et l’ensemble formé par Cross Examination en permet une approche unique.

Cross Examination works from Tia Collection
Essay by Bernard Marcadé (Interview by Grazia Quaroni)
Français / Anglais
Couverture rigide
180 mm x 240 mm
Design by Agnès Dahan Studio
Jean Boîte Éditions, Paris, 2018
ISBN 978-2-36568-023-3

Nigeria 70 (VARIOUS ARTISTS)  No Wahala : Highlife, Afro-Funk & Juju 1973-1987

Nigeria 70 (VARIOUS ARTISTS) No Wahala : Highlife, Afro-Funk & Juju 1973-1987

Alors que Strut Records fête ses 20 ans en 2019, le prestigieux label londonien présente le tant attendu quatrième volume de sa série pionnière en la matière, Nigeria 70, plus de 8 ans après le précédent volet. La compilation réunit 12 titres rares, jamais réédités, inédits en dehors d’Afrique de l’Ouest.

Le collectionneur et DJ Duncan Brooker met particulièrement en lumière certains musiciens d’Ukwuani (région du Delta), comme le guitariste Rogana Ottah, Steady Arobby du International Brothers Band, ou encore le soulman Don Bruce, qui s’est inspiré du meilleur de la soul et du r&b américain pour en redéfinir les contours sur d’incroyables albums et lors de concerts explosifs, en résidence à l’hôtel Hilton d’Abuja.

Toutes les pistes de Nigeria 70 – No Wahala : Highlife, Afro-Funk & Juju 1973-1987 ont été restaurées par See Why Audio et masterisées par The Carvery. L’ensemble comprend des liner notes exhaustives, incluant des interviews exclusives avec certains artistes.

Nigeria 70 (VARIOUS ARTISTS) No Wahala : Highlife, Afro-Funk & Juju 1973-1987 – Sortie le 29 mars 2019 (Strut Records)

1. ODEYEMI – ONI SURU
2. PRINCE NICO MBARGA & ROCAFIL JAZZ – SICKNESS
3. FELIXSON NGASIA & THE SURVIVALS – BLACK PRECIOUS COLOUR
4. SINA BAKARE – AFRICA
5. SAXON LEE & THE SHADOWS INTERNATIONAL – SPECIAL SECRET OF BABY
6. OSAYOMORE JOSEPH & THE CREATIVE 7 – OBONOGBOZU
7. INTERNATIONAL BROTHERS BAND – ONUMA DIMNOBI
8. DON BRUCE & THE ANGELS – KINUYE
9. ROGANA OTTAH & HIS BLACK HEROES INT. – LET THEM SAY
10. ETUBOM REX WILLIAMS & HIS NIGERIAN ARTISTES – PSYCHEDELIC SHOES
11. SIR VICTOR UWAIFO & HIS TITIBITIS – IZIEGBE (EKASSA No. 70)
12. M.A. JAIYESIMI & HIS CRESCENT BROS BAND – MUNDIYA LOJU

Osez… le candaulisme par Eve De Candaulie

Osez… le candaulisme par Eve De Candaulie

Le mythe du roi Candaule, raconté pour la première fois par Hérodote, a traversé le temps : les arts, sous la plume notamment de La Fontaine, de Fragonard, pour atteindre l’apogée de sa popularité au XIXe siècle avec Théophile Gauthier. Ces dernières années, de nombreux articles sont parus sur le candaulisme dans les médias grand public : « La pratique sexuelle dont tout le monde parle » (Elle), « La nouvelle pratique tendance des couples » (Slate), « Leur plaisir c’est d’offrir leur femme à d’autres hommes » (Femme actuelle), « Le candaulisme est-il fait pour vous ? » (Marie-Claire), etc. Selon Google Trends, les recherches du terme « candaulisme » et de son pendant anglophone « cuckolding » ont été́ multipliées par 4 entre 2008 et 2018. Ce sont même régulièrement des « buzzwords » depuis 2012.

Osez le candaulisme permet de décrypter de façon synthétique les différences fondamentales entre les récits historiques et la pratique contemporaine du candaulisme.

Et si voir son ou sa partenaire faire l’amour avec d’autres personnes tendait à accroître le désir sexuel de certaines personnes? Hommes ou femmes, les candaulistes sont consentants au fait que leur partenaire ait des rapports sexuels avec quelqu’un d’autre, en leur présence ou en leur absence, avec leur participation ou pas, et parfois avec une touche de BDSM. Le candaulisme est un fantasme aux mille connexions, pouvant osciller entre libertinage et polyamour. Ce guide pratique permet de repenser la jalousie avec humour, de sortir de la vision tragique de l’infidélité véhiculée en France et à travers le monde. Il donne des pistes pour enclencher les premières initiatives et discussions ouvertes au sein d’un couple, se mettre en quête du ou des bons partenaires de jeux. Enfin, il révèle les clés du succès d’un bon scénario candauliste.

HédonisteHédoniste, naturiste et libertine, Ève DE CANDAULIE vit avec un mari candauliste depuis plus de quinze ans. Elle écrit des romans d’inspiration autobiographique, au style solaire, cru et réflexif. Elle anime un blog consacré à toutes les formes d’expression de la sexualité́, notamment artistiques (evedecandaulie.fr). Ève s’est auto-éditée pour son premier roman Mon mari est un homme formidable,  son second roman L’infidélité promise est paru en 2016 aux Éditions Tabou. Elle donne régulièrement des interviews et participe à̀ des reportages pour la presse, la radio (RTL ; 2016, On est fait pour s’entendre). Elle réside en région parisienne.

Osez le candaulisme 
Format 110*178 – broché – 128 pages – Sortie le 17 janvier 2019

L’OR ET L’OBSCURITÉ : LA VIE GLORIEUSE ET TRAGIQUE DE KID PAMBÉLÉ (ALBERTO SALCEDO RAMOS)

L’OR ET L’OBSCURITÉ : LA VIE GLORIEUSE ET TRAGIQUE DE KID PAMBÉLÉ (ALBERTO SALCEDO RAMOS)

Lors d’une soirée officielle en Espagne, l’écrivain et prix Nobel Gabriel Garcia Marquez fut reçu de la manière suivante : « L’homme le plus important de Colombie vient d’arriver. » Et l’écrivain répondit en cherchant du regard : « Où est Pambelé ? Je ne le vois pas. » Né en 1945 à San Basilio de Palenque, modeste village des Caraïbes, Kid Pambelé devient le premier champion du monde de boxe colombien. Mais la gloire ne fut qu’une parenthèse dans la vie du Kid qui commença en vendant des cigarettes de contrebande et perdit définitivement son titre à cause de problèmes de drogue et de son tempérament fougueux.

Alberto Salcedo Ramos, journaliste hors-pair et grand amateur de boxe part à la recherche de cette légende vivante qui a sombré dans l’oubli. Il décrit des années d’enquête passées à interviewer toutes les personnes qui ont pu connaître le champion et nous raconte le destin exceptionnel de ce boxeur, de son ascension à sa chute. Quand j’étais petit, je ne perdais pas mon temps à regarder Superman ou Tarzan : mon vrai super-héros, c’était Pambelé. Alberto Salcedo Ramos

L’Or et l’Obscurité d’Alberto Salcedo Ramos a été récompensé par la première édition du Prix du Livre du Réel (2017). Ce prix, organisé par la librairie Mollat, en partenariat avec le journal Sud Ouest, récompense pour la première fois en France la littérature du réel. Le jury est présidé par Yves Harté, rédacteur en chef de Sud Ouest, et composé de Florence Aubenas, Jean-Paul Kauffmann, Philippe Lançon, Sylvie Latour, Florence Martin-Kessler, Olivier Weber et Pierre Coutelle (de la librairie Mollat).

Aujourd’hui entièrement dédié au journalisme narratif, Alberto Salcedo Ramos est reconnu comme un maître du genre dans toute l’Amérique latine. Il intervient fréquemment dans la Fundación Nuevo Periodismo Iberamericano, fondée par Gabriel García Márquez en 1995. Indépendant, et baroudeur insatiable, il arpente les Caraïbes et le continent en quête d’histoires et de personnages insolites. Il a déjà obtenu de nombreuses récompenses : le prix national du journalisme Simon Bolivar, le prix de l’excellence de la Société interaméricaine de presse (SIP), le prix International de journalisme du Roi d’Espagne.

Traduit de l’espagnol (Colombie) par Cyril Gay
Paru le 1er septembre 2016
http://editions-marchialy.fr/kid-pambele-or-obscurite-alberto-salcedo-ramos/

ULTIME: JACQUES HIGELIN

ULTIME: JACQUES HIGELIN

Comme tombé du ciel, Jacques Higelin est un artiste hors normes. Poète génial, chanteur inimitable, musicien hors pair, fantasque, généreux, grandiloquent et un peu fou mais, surtout, incroyablement connecté à la vie et au présent. Conteur formidable à l’écriture ciselée et au timbre si singulier, il a toujours emmené son public avec lui, en apesanteur dans les profondeurs de l’âme. Il avait rêvé d’être oiseau ou aviateur, incapable de rester en place… À travers ces interviews, comme une traversée de sa carrière, Jacques Higelin se déploie et nous offre une vision étonnante de ce parcours à part…

Ultime: la collection qui trace le portrait de grandes figures culturelles avec une sélection de leurs meilleures interviews.

Diffusion-distribution : Hachette shop.novaplanet.com

La parole publique est-elle devenue cyclothymique ?

La parole publique est-elle devenue cyclothymique ?

Day 1 : Ça commence par des hyberboles, des envolées lyriques, l’encensement paroxysmique, une dythirambe telle que même l’essence du mot merveilleux ne peut soutenir la comparaison face à ce déferlement de qualificatifs élogieux. Rien ne peut contenir cette déferlante de reconnaissance sans bornes et immédiate. Le grand Léonard de Vinci vivant se serait incliné platement devant cette preuve ontologique de génie auquel il a aspiré mais qu’il n’a manifestement jamais atteint à en croire les critiques, adorateurs en pâmoison, fans enamourés, tous unis pour glorifier leur nouvelle idole en route vers la postérité.

Day 2 : 10:22 #dede34 a retrouvé un tweet du 21.03. 2007 07:24 émanant de la star et qui dit « La boulangère a de belles miches lol » assorti d’une photo d’un pain identifié comme un campagne d’environ 500 grammes. Avec 52k retweets en moins de 10 minutes le sujet devient top trend. Dès lors fans et détracteurs s’échappent sur ce qui devient rapidement le boulangeregate. Peu à peu les commentateurs s’accordent à penser que ce tweet est boulangerophobe, vulgaire, sexiste. Les hashtags #boulagainsthate et #michetoo confirment la tendance. L’interview de la boulangère annihile définitivement la tentative d’étouffement de l’affaire par l’avocat de l’agresseur.e présumé.e. « Elle m’a demandé un pain de campagne, je lui ai demandé si je devais le trancher, elle m’a répondu oui. C’est là que j’ai senti qu’il se passait quelque chose de pas normal. Pas de monnaie, juste un billet… J’ai ressenti le mépris et le regard lourd de sous- entendus. Invité de l’émission de radio phare, le 1er ministre a voulu surfer sur la vague « on se caille les meules dans votre studio », provoquant l’hilarité des internautes et les reprises par les talk shows d’access prime time. Philosophes, sociologues, artistes, sportifs de tous pays sont dans un premier temps un peu partagés et quelques uns dénoncent d’ailleurs un acharnement médiatique insupportable avant de se raviser et de rejoindre les rangs des courroucés.

Day 3 : Déprogrammé dés l’annonce du scandale par solidarité envers les victimes du breadspreading, des émissions radio, télé, supprimé des réseaux et des purs players musicaux, salles de concerts, etc. La star déchue n’apparaît même plus en 10eme page des moteurs de recherche témoignant ainsi de la désaffection massive du public. Des enquêtes d’investigation sont tout de même prevue afin de faire la lumière sur toute cette sordide affaire.

Day 4 : De qui parle-t-on déjà ?

Bereshit (Commencer)

JE ME SOUVIENS D’UN JOUR SANS SOLEIL. Le ciel était bas et lourd. Le brouillard mélangé à la fumée tenace et épaisse qui émanait des ruines fumantes ne se dissipait pas, malgré le vent, malgré la pluie, malgré les prières.

L’équipe du capitaine Lemaître, la première qui fut chargée d’intervenir sur les lieux de la catastrophe, venait d’être relevée. Les gars étaient épuisés, à bout de force. Leurs mines étaient sombres. L’humeur au delà du drame était sinistre. Insupportable sentiment d’inutilité, de n’être là que pour constater, sans aucune possibilité d’obtenir la maigre récompense des immenses efforts déployés. Toutes ces heures passées sous la pluie à chercher dans les décombres, des traces, des survivants, des corps. Pour rien. Toutes ces existences réduites en fumée, annihilées de la surface de la terre. La chapelle ardente, dressée à la hâte s’étendait désormais sur une surface effrayante, apocalyptique. L’indispensable périmètre de sécurité avait rapidement été établi afin de filtrer le plus sévèrement possible les allées et venues. La meute des gratte-papiers confinée à quelques mètres de l’épicentre commençait à piaffer d’impatience. L’odeur du sang et de la chair calcinée l’excitait au plus haut point.

Pour ma part, je n’étais même pas encore au courant du drame. Je dormais profondément, rêvant d’une grande histoire qui serait mon sésame pour la postérité… J’avais lu avec délectation la plupart des attentats littéraires des X-Men (Hommes de la génération X) Bret Easton Ellis, Douglas Coupland, et leurs avatars français : Beigbeder, Liberati, Dantec, Houellebecq… Dignes représentants d’un style d’écriture efficace, name droppée et qui me fascinait totalement. Ma solution pour sortir de l’anonymat ? Une œuvre hallucinatoire et post-genre composée de bribes de rêves et de notices de produits chimiques. Une sorte de Twin Peaks revisité par Procter et Gamble et William Burroughs. Évidemment, tout cela n’avait aucun sens.

La sonnerie old school et stridente de mon téléphone brisa le silence de la nuit et mon embryon de réflexion disparu en fumée. Je regardais incrédule et comateux l’horloge digitale LCD retro éclairée de chez Urban Outfitters : 04:36. Qui était assez fou pour m’appeler à une heure pareille ? Inquiet, curieux, groggy, je finis tout de même par décrocher.

— Allo ?
— Hummm ?
— Kadmon ? Enfin ! J’ai commencé à flipper… Écoute moi bien: Je t’offre une chance inouïe de refaire surface. J’ai un très gros sujet, un truc vraiment énorme et je t’ai choisi pour le couvrir !
— Hein ? … Vous vous foutez de ma gueule ?
— Kadmon ! Christophe Tomassin à l’appareil. « Nouvelles du monde ».
— Tomassin ?
— Le château Bereshit est en flammes. Des morts. Je n’en sais pas plus pour l’instant. J’ai déjà une équipe sur place, mais je veux que tu ailles là bas. Tu connais le contexte mieux que personne. Rassure-moi, tu n’as pas eu d’autres propositions ?
J’émis un bâillement et me frottais les tempes de ma main libre : « Oui, non… en flammes, le château Bereshit ? »
— Je veux un papier avant midi au plus tard, on boucle à 14h00.
— Pour les frais ?
— T’occupes pas de ça. Le journal prend tout à sa charge.

Le rédacteur en chef raccrocha. Je restai complètement interdit. Putain, c’était quoi ce délire ?

J’allumais mécaniquement la télévision sur une chaine d’informations en continu. A l’écran, une rediffusion d’un débat stérile entre deux éditorialistes trop appliqués pour être honnêtes. En bas, le traditionnel bandeau des horreurs défilait. En caractères blancs sur fond rouge : Drame en Gironde, la communauté Bereshit durement touchée. Plusieurs centaines de morts après l’explosion du château de Lott.

Tomassin ne m’avait pas tiré du lit pour rien. Un mélange contradictoire d’émotions me submergeaient. Compassion pour les victimes. Haine féroce à l’égard de leur maitre à penser. Un gourou de la pire espèce. Une ordure manipulatrice et vicieuse. J’avais failli le coincer. Je m’étais retrouvé sur la touche. Il n’avait pas apprécié mon enquête sur son business aussi opaque qu’une nuit sans lune en pleine campagne.

La présentatrice de l’édition spéciale fit son apparition, entourée d’une flopée de spécialistes de l’enfumage. Personne pour s’interroger sur la véritable nature du drame. Mes réflexes paranoïaques reprenaient vite le dessus. Si Eloïm n’était pas mort avec ses fidèles, alors il y était forcément pour quelque chose… J’en avais la certitude. En l’espace d’un instant mes munitions étaient prêtes : Valise remplie à la hâte. Carte de presse. 4 canettes de Red Bull. 2 paquets de cigarettes (pour la route). Clés de la voiture. Le domaine de Lott était à quatre bonnes heures. J’avais le temps de réfléchir. Une vision fugace me ralentit un instant, mon reflet dans le miroir. Un loup émacié, yeux rouges et babines retroussées. Je compris alors qu’il n’y aurait pas d’échappatoire. Lui ou moi. Mort ou vif. Je n’avais plus rien à perdre. J’avais déjà tout perdu.

Sur la route, j’écoutai la radio qui s’embrasait, littéralement. Toutes les stations d’informations s’étaient évidemment focalisées sur le sujet. Elles enchainaient avec une maestria robotisée les interviews sans valeur ajoutée : « Madame X vous habitez à 500 km du lieu de l’accident, avez-vous entendu la déflagration ? » « Pas moi, mais mon chat Bibendum était excité comme une puce, alors que ce n’est pas son habitude, ça montre qu’il à l’ouïe fine ! hein mon pépère. C’est horrible cette catastrophe quand même… ». Les clichés surannés sur les victimes. Les interventions sans âme des professionnels du macabre. Les bilans actualisés toutes les 50 secondes… Enfin le climax arrivait avec le pseudo rappel des circonstances de l’accident : « Léo Admonakis dit DJ Hod, (1.5 milliard de vues sur YouTube) se trouvait aux manettes d’une soirée caritative qui se déroulait au château. 1000 à 1300 « fidèles », étaient rassemblés sur les lieux au moment de l’explosion. À cinq heures et demi du matin, un premier bilan provisoire faisait état de quatre cent trente trois morts et des centaines de blessés graves… » et la rumeur qui enflait, Elohim, le gourou était sorti des décombres, tout de blanc vécu, immaculé et bien vivant. Accident ou attentat ? Personne n’avait encore émis de revendication. Pendant les cinq prochains jours, sauf en cas de guerre nucléaire, on ne parlerait que de ça. Pour moi cela ne faisait aucun doute, le seul commanditaire s’appelait Elohim. Je devais le prouver. Ce ne serait pas une mince affaire.

La petite route sinueuse qui menait au domaine était plus bondée qu’une rame de métro à heure de pointe. Camions de pompiers. Police. Cars régies. Badauds. Curieux. Voisins. Tous essayaient de voir quelque chose. Ils se régalaient du ballet incessant des hélicoptères qui manoeuvraient autour de l’épicentre. Je fis une savante marche arrière et décidai d’abandonner mon véhicule dans un champs transformé en parking de fortune. Marcher me permettrait de réfléchir, j’étais convaincu que mon raisonnement était le bon, mais la grande émotion populaire générée par ce drame risquait de figer une version totalement fausse des faits qui ne serait jamais remise en question. Je serai traité de complotiste, d’aigri, de revanchard, le monde s’acharnerait sur moi, dans l’éventualité où on me laisserai produire mes conclusions, ce qui n’était absolument pas certain.

Je tendis ma carte de presse à un premier barrage, composé de policiers et de membres du service d’ordre de la communauté. Un grand baraqué, chauve comme un bonze, tatoué sur la main du logo – symbole de la secte, s’en empara vivement. Il fit une moue de surprise en scrutant mon identité. Les fidèles me détestaient, à juste titre d’ailleurs. En d’autres circonstances et surtout sans la présence des flics, j’aurai sans doute subi une correction, mais ce n’était ni possible, ni dans son intérêt. Il me rendit la carte, opina à contre coeur du chef pour signifier que c’était bon et . Il osa tout de même m’apostropher avec une parole de la bible : » Un juste qui se laisse ébranler devant le méchant est comme une source aux eaux troubles ou une fontaine polluée. ». Je lui souris tout en lui adressant un discret doigt d’honneur.

A peine quelques mètres me séparaient encore du domaine. Plus j’avançais, plus je me sentais oppressé, je m’efforçais de respirer le moins possible, l’odeur de la mort emplissait mes narines et cela me révulsait. Enfin, l’immense portail se dressa devant moi. Il était comme dans mes brumeux souvenirs, encadré par deux colonnes de pierre surmontées de herses. A moitié ouvert, abandonné, je trouvais cela presque obscène. Je n’aimais pas ce sentiment, violer cette espace auquel je n’appartenais pas. Comme un impression de franchir la porte de l’enfer de Dante. Un point de non retour.

La propriété, en temps normal, était totalement close, bien protégée, hermétique, à l’abri des regards indiscrets et du « vrai » monde. La pluie redoubla d’intensité. A ce propos, un fidèle de la secte dirait dans la presse : « le grand tout » nous a témoigné son infinie tristesse par ses larmes …. J’ y voyais surtout la preuve de son fanatisme absurde.

Archétype du journaliste moderne et high-tech, j’utilisais l’application Notes de l’Iphone pour consigner les éléments observés: A droite du portail, une guérite. Fermée. Stores baissés. Un chenil. Vide. Une grande fontaine ornée de sculptures romaines ou grecques, rien à foutre, jamais trop apprécié ces trucs crypto gays. Un jardin anglais. Un practice de golf. Des bâtiments, modernes, lumineux, à droite à gauche. Des maisonnettes comme des chalets au loin. Je n’apercevais pas encore le château, mais avec un casino et une boite de nuit cet endroit n’aurait rien eu à envier à un palace 5 étoiles.

Eloïm était un génie. « Secte, quelle secte ? » Regardez mes installations: Un havre de paix pour nantis sur-stressés qui ont juste besoin de repos et de spiritualité.». Salaud ! Nous verrons bien à qui le crime profite. Combien de défuntes victimes auront versé jusqu’à leur dernier sou et sang pour Bereshit ?

Lors de mes précédentes investigations j’avais découvert et partiellement révélé une partie des procédés mafieux et illégaux qui avaient permis à « l’association » de prospérer en toute impunité. Le magazine coupable de la parution s’en était tiré avec 5000 euros d’amende et moi je m’étais fait viré de la publication. Je ruminais ce vieux contentieux tête baissée. Soudain, face à moi, un véritable champs de ruine. Le spectacle qui s’offrait à mes yeux hagards était absolument effroyable. Sans expérience des catastrophes, je devais humblement reconnaître mon manque de préparation psychologique. Pourtant le site était presque clean, hormis les gigantesques et funestes décombres. Les blessés et les morts évacués au long de la nuit et du petit jour, il ne restait que des pierres ensanglantées, témoins impassibles du drame. Seuls les médias enfin lâchés et leur encadrement policier arpentaient sans relâche les lieux, à la recherche d’indices ou d’images sensationnelles à partager. Malgré tout, le silence prévalait et les quelques voix qu’on entendait se faisaient murmures.

Comme foudroyé par le syndrome de la page blanche, il me semblait impossible d’écrire quelque chose de potable et je débutais laborieusement mon article ainsi: « Le château de Lott, fleuron du XVIIIème siècle et propriété de la secte (à effacer), du mouvement (c’est nul mais à défaut d’autre chose) «Bereshit: Au commencement» s’est mystérieusement volatilisé (putain soit factuel) »… Impossible de faire mieux. Cela faisait des mois que je ne rédigeais que des billets de blogs sportifs, le plus souvent à l’arrache. Sans sommeil et épuisé par le trajet, je me retrouvais en plein milieu d’une réplique miniature et française du World Trade Center, de surcroit liée à la secte à l’origine de ma déchéance… Je remis tristement le portable dans la poche avant droite de mon pantalon. Trempé et usé. Tout allait se terminer maintenant. Incapable d’aller plus loin. Incapable de changer. Incapable de saisir ma chance. Incapable de ressentir autre chose que de la haine et du désarroi. Tout ici respirait normalement le luxe, l’opulence, l’endoctrinement des nantis. Pas la chair humaine grillée. Énième cigarette. Concentration. Inhalation de la fumée proscrite. Le portable vibrait. Probablement un hurlement textoïque du redac’chef…

Je scrutais le smartphone jusqu’à l’icône sms. Il s’agissait d’un message laconique et sibyllin: « Bientôt… ». L’adrénaline me monta aussi rapidement qu’un shot de Tequila au crâne. Quel crédit donner à ce message ? Qui en était l’auteur ? Pas de nom, pas de numéro de téléphone… Tout cela devenait de plus en plus étrange et je ressentais une pointe de peur mélangée à l’excitation. Après des années de placard, il se passait enfin quelque chose de fort dans mon existence. L’affaire Bereshit me redonnait le souffle de vie perdue.

Lucas Bonvallet se figea devant moi.

— Louis Kadmon ? Qu’est-ce que tu fais là ? Mais j’y pense, dit-il l’air faussement inquiet, t’as pas un reportage à préparer sur Tourcoing – Bayonne en Volley-Ball junior ? Une sonorité grasse sortit de sa bouche épaisse.
— Lucas, toujours aussi… jovial et épanoui ! Je me doutais en venant ici que j’allais recroiser de vieilles connaissances, mais commencer par toi ça me touche beaucoup. Une petite voix mesquine dans ma tête chantonnait l’inverse: « Putain, faut quand même une sacré dose de maz’ra pour se retrouver nez à nez avec l’empereur des connards. Reste calme, ce n’est pas la peine de se braquer. Autant en apprendre le plus possible, surtout d’un moulin à paroles comme Bonvallet. En tout cas l’air du coin lui donne bonne mine… on dirait un pochard de bistrot. Et son costume élimé et sa bedaine. Triste de vieillir comme ça.

Lucas, pour sa part, se délectait de la situation. Torturer Kadmon était un véritable plaisir. Dans leurs jeunes années à l’école de journalisme, il l’avait pourtant jalousé. Plus brillant, plus efficace, plus beau, mais Louis avait sabordé sa carrière en s’acharnant sur une estimable institution. Une folie pure ; que pouvait-on reprocher à Eloïm et à ses fidèles ? Les attaques de Kadmon n’étaient ni fondées ni tangibles. D’ailleurs le drame du château n’était sans doute que la conséquence d’un regrettable et tragique concours de circonstances. Le monde entier était ému par cet effroyable accident. La tendance était à la sensiblerie. Son article irait d’ailleurs dans cette direction. Il allait faire chialer dans les chaumières. Grâce à son brillant papier, Eloïm le remarquerait enfin et lui proposerait sans doute de rejoindre les hautes instances de la communauté…

Lucas continuait son petit manège pour faire sortir Kadmon de ses gonds. Bonvallet bien que chef de rubrique d’un quotidien régional, n’était en réalité qu’un pauvre mec adipeux au visage rongé par l’alcool. Sans scrupules. Un rat qui avait écrasé, profité des pigistes et stagiaires passés par son service pour gravir les échelons. Mais le fait était assez rare pour être souligné, il était là en personne et n’avait pas comme à son habitude délégué un de ses sbires… Les rapaces se délectaient toujours de l’odeur du sang.

» Ton avis sur la situation ? » Lucas me jaugeait orgueilleusement du regard. « Tu as vraisemblablement accès aux mêmes informations que moi. Tu peux en tirer les conclusions que tu veux. » Le chef de rubrique, rouge cramoisi, fit mine de chercher un autre interlocuteur plus digne d’intérêt et prit congé sans autre forme de cérémonie. J’exhalais un soupir de soulagement. Derrière l’écran à rédiger des billets sportifs, je n’étais plus soumis aux pressions de ces êtres exécrables, se frotter de nouveaux à eux était finalement bien plus difficile qu’escompté. Lassé des incessantes intempéries, je m’abritais un moment sous l’auvent d’une maisonnette située à une vingtaine de mètres derrière le château. De discrètes petites caméras étaient disséminées un peu partout. « Pas de stress, je suis libre de circuler où je veux. La guérite qui sert certainement de poste de contrôle est fermée. Les flics ne s’intéressent pas à moi. Ils ont l’habitude d’avoir des fouineurs auprès d’eux et n’y font pas attention. C’est bon, vas-y fonce ! » Les « fouineurs » étaient des journalistes dûment accrédités, parfois utiles à l’enquête. Capables de remarquer des détails futiles mais qui pouvaient se révéler finalement importants voire essentiels. La seule contrainte était de donner prioritairement l’information aux forces de l’ordre avant publication, avec en corollaire le risque de censure. Je n’avais bien évidemment jamais respecté ce principe.

Le rédacteur en chef de « nouvelles du monde » n’avait pas fait les choses à moitié pour lui obtenir ce blanc seing, songea Kadmon.
Il reprit son monologue intérieur: « Au premier abord la thèse de l’accident s’impose d’elle même, mais je ne peux pas y souscrire. Pas après tout ce que j’ai vécu avec Bereshit… »
Louis aperçu au loin un énorme Hummer noir franchir le cordon de sécurité et s’approcher des décombres. La voiture freina. Majestueusement Eloïm sortit de l’arrière du véhicule, précédé de deux armoires à glace. Lunettes noires. Costume noir cintré et chemise blanche. Une vraie Rock Star.
Un court instant le journaliste eu la nette impression d’être observé. Il s’agaça: « Cet enfoiré de gourou est toujours en vie. Eloïm n’était sans doute même pas présent à la soirée. Comme par hasard…»
Louis tira d’une de ses poches, un paquet de cigarettes à moitié plein, enfonça nerveusement la tige dans sa bouche, se servit de son zippo, dernier vestige de son adolescence et massacra la première bouffée. Après un moment de réflexion tabacologique, il écrasa la cigarette sous sa bottine Weston vieille de 10 ans et parcouru son téléphone à la recherche de l’icône verte messages. Cinq sms en attente.
Au premier texto: « Bientôt vous allez tout savoir » succédait un chiffre: « 7 », puis « porte ouverte. caméra nord ». Ca se précisait de plus en plus… D’autre part, le listing avait bien été expédié. Louis le parcouru rapidement. Il reconnu certains noms, personnalités du show-biz, des dignitaires de l’ordre, mais quel était leur point commun ? Pourquoi étaient-ils morts ? Enfin comme prévu, at last, une missive de Tomassin pour savoir où en était la rédaction de son papier. D’abord, il lui fallait résoudre l’énigmatique jeu de piste, c’était prioritaire. Il compta sept pas, regarda les emplacements des caméras, s’impatienta, traversa le domaine en long en large, en travers, attendit un nouveau texto… Le temps passait, son article n’avançait pas…
Quel idiot se dit-il ! Un détail venait enfin de lui sauter aux yeux. En inspectant pour la énième fois une des maisonnettes. Au dessus de la porte d’entrée était gravé un chiffre romain doré… « Donc, si je continue logiquement jusqu’à la VIIeme demeure, la porte d’entrée doit être ouverte… mais avant je dois neutraliser la caméra située au nord. Mes réponses sont peut être à l’intérieur, à moins que ce ne soit un piège… Qu’est ce que je risque de toute façon ? » Tout content d’avoir résolu l’énigme après deux heures de tentatives infructueuses, Louis se félicita d’avoir bouffé des tonnes de thrillers américains. Il était du reste persuadé que fort de cette expérience empirique aucune énigme ne pouvait lui résister très longtemps.
Sans avoir un sens de l’orientation surdéveloppé, il ne manqua pas de voir au nord, effectivement pointée face à la bicoque, une caméra de sécurité dont la petite lumière rouge scintillait. Pourquoi celle-ci était toujours en activité alors que les autres ne fonctionnaient plus ? La secte devait probablement disposer de plusieurs groupes électrogènes.
Louis ne brillait malheureusement pas par ses qualités athlétiques. L’exact opposé d’un journaliste « tout terrain ». Il mesurait à peine un mètre quatre vingt, présentait un surpoids de cinq ou six kilos, fumait un paquet de cigarettes par jour et buvait le plus souvent jusqu’à plus soif dès que l’occasion se présentait. Tout ça ne lui disait rien qui vaille. Cela prenait même une tournure délirante. Il réfléchit: « Admettons… Comment contourner l’obstacle de la caméra ? Il y a bien dans le coin quelque chose qui peut m’être utile. Personne dans les parages ? Alors à quoi bon se prendre la tête à échafauder des plans compliqués. Je retourne sur mes pas à la recherche d’une barre de fer ou d’un objet équivalent et après tout pourquoi pas une branche ou même mon parapluie ? » Louis se résolu à conserver son pébroque, trouva un arbre pas trop grand à côté de la maison V. Le néo Sherlock Holmes s’y reprit à deux fois en se suspendant au rameau qui rompit mais ne se cassa pas immédiatement. Il s’épuisait: « Putain et l’heure qui tourne et j’ai envie de pisser et je commence à être saoulé au plus haut point. » La troisième tentative fut la bonne. Le coup de fouet qu’il lui fallait.
A pas de loup, il se glissa sous la caméra et tenta de la détruire à coups de branche d’arbre. La technique semblait foireuse mais s’avèra au bout du compte payante. Louis gloussa intérieurement: « Le redbull doit encore faire effet. Caméra neutralisée ! » Tout heureux de son forfait, Kadmon s’esclaffa sans retenue en voyant l’objet pendouiller le long du mur.
Il reprit rapidement sa contenance initiale, conscient des risques encourus, s’approcha prudemment de la poignée de la porte, la manipula… celle-ci s’ouvrit sans efforts. Louis pénétra dans un genre de chalet cosy et chaleureux. Il n’eut pas besoin d’allumer la lumière. Il faisait plein jour. Son coeur battait la chamade, il s’attendait à une embuscade, certain d’entrer tout droit dans la gueule du loup.
Que pouvait bien faire Eloïm s’interrogea Louis. « Il doit préparer son communiqué de presse.» Sa montre affichait, 12h05. « Je suis définitivement à la bourre et sans doute hors jeu pour l’article. » Un escalier. A contre coeur, la tête baissée et résigné, il monta les marches vers son destin…
Eloïm se faisait maquiller dans une petite pièce attenante au studio d’enregistrement, dans un bâtiment annexe au château. Ses assistants avaient décoré la pièce selon ses désirs, miroirs en bois sculptés du XVII ème siècle, un chandelier en or, des plantes exotiques, un écran video de 165 cm qui diffusait en boucle un condensé de ses meilleurs prestations scéniques. Une bouteille de Krug dans un seau à glace en cristal de Baccarat et des macarons de chez Ladurée, Eloïm raffolait de ces petites attentions.
— Où est Kadmon ?
— Il est enfin entré dans la VII. Cet abruti a défoncé la caméra avec une branche d’arbre !
— Bien, bien, bien. Toujours aussi rustre dans ses manières. J’espère qu’il trouvera le cadeau que nous lui avons laissé.
— Ne vous inquiétez pas monsieur, nous avons respecté votre plan.
— Je le veux !
— Et vous l’aurez. Si vous me permettez, il me semble que vous n’avez jamais eu à vous plaindre de mes services jusqu’à présent… Monsieur ?
— Jamais ! Tout à l’air parfait. Mon discours s’il vous plait ?
— Voilà monsieur.
Il jeta un rapide coup d’oeil au texte.
— Hum… oui, c’est pas mal. Intéressant. Allons livrer au monde notre profonde tristesses d’avoir perdu ces êtres si cher et surtout renforcer chez nos fidèles leur foi en notre belle cause.
Un sourire carnassier déformait son visage impassible…

Alix pose le manuscrit, passe sa main dans ses cheveux bouclés, signe de nervosité:
— Ne le prends pas mal, mais ce n’est pas de la grande littérature. Ca vaut à peine un épisode des experts Miami ton bouquin.
— Pourquoi tu cherches toujours à critiquer ce que je fais ?
— C’est pour toi que je dis ça. De toute façon qu’est-ce que ça t’apporte ce livre ? Tu crois quoi ? Que tu vas avoir le prix Goncourt ?
— Merci !
— Et voilà tu te fermes, ! Tu ne comprends pas ce que je veux te dire.
— Je comprends très bien. Comme d’habitude dès que je commence quelque chose, ça ne va pas.
— Le problème, c’est que tu commences plein de trucs, mais tu ne finis jamais rien !
— Mais laisse moi avancer au lieu de critiquer. Sincèrement j’accepte les critiques lorsqu’elles sont justifiées et là je trouve que tu es dure.
— Bon. Je te laisse, faut que j’aille bosser… tu sais ramener de l’argent pour manger. Je n’ai pas la chance de rester toute la journée à la maison…
— Excuse moi, mais ce n’est pas une chance d’être en arrêt maladie pour dépression.
— La dépression ! Ce joli mal du siècle. Pour ma part cela fait quinze ans que je travaille dans la même société. Aujourd’hui je suis la première assistante du directeur et tout le monde m’adore. Il n’y a pas de mystère, si je n’étais pas là cette boîte aurait certainement déjà mis la clé sous la porte. Ce soir j’ai Zumba. J’y vais avec Zaza et Lilou et tu videras le lave vaisselle. Pour le déjeuner c’est dans le frigo: Les restes d’hier soir si tu veux. Par contre tu ne me laisses pas des miettes sur la table comme toujours. Tu sais très bien que je déteste ça. Et ne le prends pas mal, mais tu devrais te raser et quand est-ce que tu vas aller chez le coiffeur ? Tu as bientôt 40 ans et j’ai toujours l’impression d’être avec un ado attardé. Zaza, tu sais ma copine dont le mari est ingénieur, il l’emmène à Punta Cana, en république dominicaine pour Noël… ben c’est pas prêt de m’arriver ! Pourquoi tu ne fais pas un fongecif, ou les concours administratifs ? C’est bien fonctionnaire, tu as la sécurité de l’emploi et une bonne retraite et on peut emprunter pour acheter une maison. Enfin. Fais ce que tu veux. Comme toujours. À ce soir !
La porte claque.
Enfin seul.
Mes mains forment des poings. La jointure blanchit tellement je serre fort. Je rêve d’écrire mon roman depuis des mois, des années ? Un beau projet, une manière d’exorciser la sordide existence qui est la mienne.
Je me lève, regarde par la fenêtre. Il pleut encore. Alix était cool au début, un peu ronde physiquement, un peu psychorigide mentalement, mais au moins elle me foutait la paix.
Je vais dans la cuisine et je me sers un verre de vin, du blanc pas cher, qui défonce le crâne autant que les entrailles. Tous les grands auteurs boivent, alors moi aussi.
Je m’installe, pas très confortablement, sur le canapé Fly de notre petit salon. Dans 45 mètres carrés tout est petit, enfin il parait que je ne dois pas m’en plaindre, parce qu’il y a moins chanceux.
J’allume la télé, la Playstation et je lance une partie de Call of Duty.
« Un super jeu de guerre, dans lequel tu tues tout le monde » comme me l’a dit le branleur du magasin de jeux-vidéos au bout de la rue qui me l’a vendu. « Vous allez voir c’est génial, votre fils va adorer ! » Un fils ? mais j’ai pas de fils, pauvre con de geek. Ma carte de fidélité tamponnée, un petit bonhomme ressemblant vaguement à Mario qui fait le V de Victoire en souriant. J’étais rentré à mon domicile, puis j’avais méticuleusement rangé le jeu dans une autre boite pour éviter qu’Alix ne crise et ne me sermonne sur le fait que je dilapide n’importe comment notre argent.
Je m’évade un instant. Le temps passe. Je ne franchis même pas le premier niveau, ça m’énerve. J’arrête. Je retourne à l’ordinateur. J’ai le cafard. Une vraie bonne crise d’angoisse. Je sais les détecter maintenant. Mon verre est vide. Je me resserre d’abord. Je vais sur un site porno le temps d’une petite branlette décevante face à ces actrices factices. Je regarde mes mails, rien à part des spams, des publicités non désirées, mais qui désire vraiment la pub ? Mon verre est vide. Je me resserre, la bouteille est presque vide. Il faudra que je sorte pour la jeter sinon je vais me faire engueuler. Je vais inscrire ça sur ma to do list. Je consulte mon agenda: Demain, rendez-vous avec le psy. Je vais encore chialer en repensant à mon chef, à ma femme, à mon passé, à mon avenir, à cette vie absurde. Mais si je ne veux pas reprendre le boulot, c’est la moindre des choses.
«Un sourire carnassier déforme son visage». Elle n’est pas mal cette phrase quand même. Je fais des efforts. Allez cette fois je m’y mets.
Le téléphone fixe sonne. Numéro inconnu. Je ne réponds pas.
Avant de lancer Word, je vais sur Facebook, espionner la vie des autres. Copains. Collègues. Famille. A les voir ainsi se vanter, ils me révulsent parce que je les envie. Machin qui publie ses photos de Tahiti, l’autre a un concert ou dans tel restaurant huppé. Je suis las de ce monde à deux visages. Mon esprit divague:
« Il est des matins où l’angoisse étreint: Une sensation physique qui démarre dans le creux du ventre pour finir dans la gorge. Il est des matins où la nuit semble avoir duré des jours. Une nuit sans lune, noire comme les ténèbres qui recouvrent et aspirent. Il est des matins de tristesse incommensurable. Des larmes de sang perlent sur les joues. Il est des matins où le sol s’effondre à chaque pas. Il est des matins où l’on se demande pourquoi ? Aujourd’hui n’est pas plus redoutable qu’hier et demain est encore à façonner. Il est des matins sans espoir, il est des matins sans soirs. Il est des matins d’absence, des matins de conscience, des matins sans lendemains .»
En un instant les mots s’affichent à l’écran. J’ai envie d’envoyer le texte à Grand Corps Malade, il pourrait peut être en faire un slam ?
J’efface tout ça. Je me frotte les tempes et j’essaie, bien que pas mal éméché, de poursuivre l’écriture de mon oeuvre littéraire.
Louis est à l’étage: Scénario 1 Une bombe anatomique l’attend dans la chambre, 2 Un tueur sanguinaire, 3 Un Ipad qui contient toutes les données utiles pour l’enquête, 4 Une grande trace de sang au mur… genre Kadmon m’a tuer… Ces différents scénarios sont tous séduisants mais il manque un détonateur, du peps, un truc qui fait décoller le lecteur…
Conscient qu’une petite stimulation externe peut s’avérer nécessaire en pareil cas (ce n’est pas le coup de fil à un ami, mais celui qui ouvre les portes de la perception), je vais piocher dans la petite boîte en bois sur la deuxième étagère de la bibliothèque (Billy de chez Ikea) une bonne petite pincée de beuh que fume usuellement Alix avant nos rapports sexuels. (Dire qu’elle a besoin de ça pour baiser !)
Je prépare mon bédo et m’installe à la fenêtre en espérant que le vent ne rentre pas dans la pièce ce qui m’occasionnerait une sérieuse engueulade. Le mélange vin et herbe commence à faire son effet. Je me réinstalle sur le fauteuil en cuir du bureau (qu’on a eu en promo grâce au fournisseur de la société d’Alix) et je tente un exercice d’écriture automatique:
«Nous dirigeons-nous inconsciemment vers un Sims humain version Orwell ? Aujourd’hui insidieusement et parfois même à notre insu, nous nous substituons totalement à l’autre. Ce n’est plus un simple avis : « A ta place j’aurais fait ça » mais plutôt « Donne-moi le commandement de ton être que je te pilote. » A force de télé – réalité, d’abandon de responsabilités, d’infantilisation globalisée, nous n’avons plus conscience de notre propre existence, seul l’autre est vrai, vivant, tangible. Fantômes en quête de corps à occuper, nous « switchons » de l’un à l’autre jusqu’à expulsion ou rejet. Nous savons exactement ce qui est bon pour l’autre, ce qu’il doit dire, ce qu’il doit faire, où et comment il doit agir, sa seule marge de manœuvre est le seuil de notre intolérance, avise-toi de reprendre les rênes et tu seras bon pour le bannissement pur et simple. Et moi dans tout ça qui suis-je, que fais-je, où vais-je ?»
Le résultat n’est pas probant. J’efface. Je vais faire une sieste.
Je m’allonge sur le dessus de lit en prenant soin de ne pas trop le froisser. Je m’assoupis. Mauvais rêves. Plongée dans le maelström du passé. Vision vitriolesque de l’inaptitude à ne pas avoir confiance en moi. Stress. Oppression. Sentiment de lourdeur et peur du regard, de ce que peut penser l’autre (le pire ?). Interprétation. Fantasme inassouvi. Mais comment me placer ? Comment agir ? Comment me libérer pour forcer l’étau qui me contient. Désir de tout ce que je ne serai jamais. Plaire. Être adulé. Chimères de l’égo et de l’image. Mon univers est construit sur un si fragile édifice de verre. A tout moment tout va exploser, correspondre à ma vision cauchemardesque, à cet enfer qui revient encore et toujours annihiler mes tentatives, mes efforts en direction de la lumière, du bonheur, de l’harmonie. C’est si facile à dire, à formuler, mais les alternatives, dérision, cynisme, humour n’ont pas réussies à me guérir. Incurable.
Alors quoi ? être choyé, aimé, adulé, bercé, rassuré ? Mais je suis comme le scorpion, prêt à piquer la main tendue qui m’aidera, me sortira du puits sans fond dans lequel je vis depuis si longtemps.
Réveil brutal. Je suis désorienté. Alix rentre dans une heure ? Non, elle a Zumba, je suis sauvé. A l’extérieur la pluie ne cesse pas de tomber. Flip démentiel pour rien, en fait il n’est qu’onze heures du matin… En réalité mon mal et moi sommes d’authentiques amis, nous nous suffisons l’un à l’autre.
J’aperçois mon reflet dans le miroir de la chambre. Poils blancs dans la barbe et sentiment de lassitude. Réveil gueule de bois. Le poids des ans dans le corps et dans l’âme. Mais quelle est donc cette affliction si difficile à conjurer ? Oh mais c’est le syndrome du vieux con ! Les leçons de la vie apprises dans la chair sont sacrifiées à l’autel de la vanité. Amertume des efforts engagés sous les auspices de la sincérité et le monde qui tourne mieux quand chacun est à sa place. Mais comment l’être dans une partie de jeu vidéo en split-screen perdue d’avance ? Je tue Il comme dirait l’Autre, cet autre méprisé à longueur de mauvaise prose. Tolérante intolérance, complice des vautours qui se repaissent des faibles. Fatuité et sûreté de soi. A quand le tout pour le tout de la Vie en harmonie ? Ok, j’ai compris, encore un cri dans le désert… Alors promis, demain j’arrête.
moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi toi: Cherchez l’intrus.
Mon crâne est en ébullition: médicaments, drogue, alcool. J’ai faim. Je cherche une recette sur Internet, je refuse de manger les restes dégueulasses d’une pintade aux choux aqueuse et sans saveur. Celle-ci me plait:
Boeuf coco au curry Thai. Je note la liste des ingrédients sur une petite feuille de papier: 250 g de pulpe de noix de coco. Env. 600 ml de lait chaud. 400 g de boeuf maigre 1 oignon de taille moyenne en fines rondelles 1/2 c.c. de sel 1 c.s. de sambal oelek ? Qu’est ce que c’est que ce truc ??? (Le sambal oelek est une pâte de piment frais à laquelle il a été ajouté du sel et du vinaigre). On verra si j’arrive à trouver, sinon je le ferais maison. Le zeste râpé d’un citron non traité 1 c.s. de sauce de poisson (nuoc mam). 1 poivron rouge en lamelles 1 c.s. de feuilles de menthe poivrée hachées. 1 c.s. de coriandre. Mixer la pulpe de coco et le lait. Presser le mélange dans une passoire. Récupérer le liquide obtenu. Couper la viande en lanières de 5 cm de large. Porter a ébullition le lait de coco dans une casserole puis ajouter la viande, l’oignon, le sel, la pâte de sambal, le zeste de citron et la sauce de poisson. Couvrir a moitié et laisser mijoter a feu doux pendant 40 minutes tout en remuant régulièrement. Ajouter les lamelles de poivron et laisser cuire a découvert jusqu’à ce que la sauce soit évaporée. Parsemer le plat de feuilles de menthe et de coriandre. J’espère simplement ne pas salir la cuisine, sinon ça va barder pour mon matricule.
Je vais dans la salle de bain pour prendre une douche. Je me regarde dans le miroir, elle a raison. Ma barbe remonte, n’est pas égalisée, cela fait sale. On dirait un SDF. Avec mes pupilles dilatées et le blanc des yeux rouge en plus, il y a de quoi donner envie aux rombières de changer de trottoir.
«Un sourire carnassier déforme mon visage impassible ».
Bien sûr que je vais rester ainsi, une ombre au visage rongé par une mauvaise barbe et aux yeux fous.
Je suis ce que vous avez fait de moi.
Je m’habille sobrement: Un jean et un sweat shirt informe. Une paire de baskets fatiguée. Il fait froid, je mets mon cuir.
Dans le couloir sans lumière, j’attends l’ascenseur qui tarde à venir. Une voisine en sort. Elle est grasse. Laide. Ses yeux ne reflètent rien. Nous échangeons un bonjour de méfiance. Je sens qu’elle n’est pas rassurée en ma présence, que croit-elle ? Moi non plus je ne suis pas rassuré ! Respirer le même air qu’elle c’est m’exposer à la contamination de sa médiocrité. Enfin elle me laisse la place. L’ascenseur descend. Mes mains sont moites et mon cœur palpite. J’appréhende l’extérieur, le regard inquisiteur des uns, le dégoût des autres, l’indifférence de tous.
«Aujourd’hui est encore pour moi un jour de pré-fin du monde. Je crois que les hommes sont devenus fous (ne l’ont-ils pas toujours été ?). Ils passent leur temps à soutenir l’insoutenable, à se retrancher derrière le « c’est comme ça » pour justifier l’injustifiable, à refuser d’aimer pour dénigrer et s’enferrer toujours plus loin dans l’agressivité. À quoi bon s’entêter à croire que l’alternative est possible, que demain est un autre jour fait de rêve, de beau et de bon ? Que puis-je faire pour que le tout succède au rien, le jour à la nuit, la lumière aux ténèbres ? J’ai faim de vie et partout ça pue la charogne, les zombies du système haïssent toujours plus les libres penseurs. Ce que je ressens est de la pornographie pour ceux qui s’enorgueillissent du matérialisme et du consumérisme. Esclaves et bonimenteurs, moribonds et fuyards.»
Alix en bonne fidèle du prêt à penser ne s’est même pas demandée pourquoi j’avais appelé mon personnage principal Kadmon.
Je fais une rapide recherche sur le net avec mon téléphone portable, parce que même moi je ne sais plus pourquoi !
L’Adam kadmon est un terme cabalistique issu du symbolisme du Zohar, exprimant la conception anthropomorphique du royaume divin. Les sefirot, sont décrites symboliquement comme composant une immense forme d’apparence humaine: Les trois supérieures, Keter (Couronne), Hokhmah (Sagesse) et Binah (Intelligence) correspondent à la tête ; Hessed (Bonté) à la main droite, Din (Jugement) à la main gauche, Tiferet (Splendeur) est le corps ou le cœur, Netsah (Eternité) la jambe droite, Hod (Majesté) la gauche et Yessod (Fondement) l’organe mâle. L’élément féminin dans le royaume divin, Malkhout (Royauté) ou Chekhinah (Présence divine), est décrite comme un corps féminin parallèle.
Le concept d’Adam Kadmon correspond à l’interprétation mystique par la cabale de l’imago dei − la création de l’homme à la ressemblance de Dieu (Genèse, 1, 26). Ce symbolisme mystique est fondé sur l’interprétation anthropomorphique des versets du Cantique des cantiques 5, 10-16, où le « bien-aimé » est compris comme étant Dieu lui- même. Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, le Cerf 1993
Le Cantique des cantiques ? J’ouvre une autre page, il s’agit de la traduction de la bible par André Chouraqui:
10. Mon amant transparent et rouge, éminent au-dessus des myriades,
11. Sa tête est d’or vermeil; ses boucles ondulent, noires comme le corbeau.
12. Ses yeux, telle des palombes sur des ruisseaux d’eaux,
baignent dans du lait, habitent en plénitude.
13. Ses joues, telles une terrasse d’aromates, sont des tours d’épices;
ses lèvres, des lotus, dégoulinent de myrrhe ruisselante.
14. Ses mains, des sphères d’or remplies d’émeraudes;
son ventre, un bloc d’ivoire évanoui dans des saphirs.
15. Ses jarrets, des colonnes d’albâtre fondées sur des socles de vermeil.
Sa vue comme le Lebanôn, il est élu comme les cèdres.
16. Son sein est douceurs, son tout désirable. Voilà mon amant,
voilà mon compagnon, filles de Ieroushalaîm.
J’arrive à Auchan heureux et déconfit, heureux parce que ce texte m’a empli de joie, même si je l’ai lu en diagonale, mais déconfit parce que je ne serai sans doute jamais capable d’en faire autant.
Je passe de rayon en rayon avec mon caddie. Le supermarché est comme le métro, un condensé d’humanité, toutes les couches et les strates de la population y sont rassemblées.
J’ai trouvé presque tous mes ingrédients, je vais pouvoir faire ma recette.
Je scanne les articles, les dépose dans mon petit sac en toile, remet le chariot à son emplacement et m’en retourne au nid, presque satisfait d’avoir survécu à cette terrible épreuve.
En marchant je repense à mon histoire personnelle. Tout a commencé un Lundi 26 Janvier à 17:05. C’est intéressant de le savoir parce que mes parents se sont toujours enorgueillis de ma naissance. (Que sont-ils devenus ? Je n’en sais rien, nous ne nous connaissons plus). Ni joie ni amour ni partage, juste le plaisir de se vanter de ce qu’ils représentaient alors, persuadés qu’on en a quelque chose à foutre. Ce n’est absolument pas le cas. Il n’y a pourtant aucune gloire à priver un enfant de sa légende personnelle. Attention, je ne prétends pas que ce soit la Vérité. Il s’agit d’un ressenti, d’un vécu. Éprouvé dans la chair et dans l’âme.
Comme dit le soufi: « La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s’est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s’y trouve ».
Père absent et égocentrique. Mère castratrice, caractérielle. Les deux dotés d’un penchant prononcé pour l’alcoolisme dit mondain. Beaucoup de séparations, déménagements, cris, disputes, rancœur, pleurs, abandons, humiliations.
Maurice Dantec dans les racines du mal explique de façon romancée que la privation des racines génère des tueurs en série. Cela ne semble pas s’appliquer à moi. Pour l’instant.
Impression d’avoir été privé d’enfance. Sacrifiée à l’autel de l’hystérie et de la jalousie. Morts, drames, conflits. Si j’en suis là aujourd’hui, je le dois à moi même bien sûr, mais ils ont leur part de responsabilité. Je suis aujourd’hui seul.
Seul avec Alix, mon juge, jury et bourreau depuis notre rencontre.
Âgé de 20 ans je démarrai à peine dans la vie professionnelle et à cette époque j’étais un sacré aficionados des barathons (enchainement de plusieurs bars en une soirée) avec Olivier, Adrien, Benjamin et un autre mec dont je ne me rappelle plus le nom.
Notre QG d’alors, le Caméléon était une authentique taverne à poivrots. Les minets et surtout les minettes adoraient s’encanailler là bas.
Nous surnommions le barman Tom Cruise en hommage au film Cocktail, alors qu’il ressemblait plus au type du film la mouche après mutation. Complètement barré ! il kiffait au premier degré, persuadé de sa beauté et nous offrait un nombre incalculable de tournées.
A fond dans ma période métal, je me voyais roadie pour les plus grandes stars du genre et même si en semaine j’arborai le costume cravate de rigueur, (j’étais commercial en alternance dans une boite d’informatique), le week-end j’optais plutôt pour le futal en cuir moulax avec des santiags le perfecto et les poignets de force (la classe). Je portais le bouc et les cheveux longs ramenés en queue de cheval.
J’ai conservé quelques uns de mes superbes t-shirts à l’effigie de mes groupes favoris, Guns n’ Roses, Metallica, Nirvana etc. que je porte encore aujourd’hui… mais la plupart du temps pour dormir.
Ce soir là Benji nous lança un défi. « Celui qui reste bredouille ramène les autres en bagnole» avec tous les risques que cela comportait bien entendu.
Le défi me semblait pour une fois à ma portée. Soir de la saint Valentin, une bonne aubaine.
Mes potes plus en jambe que moi avaient rapidement jeté leur dévolu sur de la «pas trop farouche» sensible aux tatouages de Benji, tchatche d’Olive et compte en banque d’Adrien. Il ne restait plus que machin et moi à départager. Impossible de me souvenir de son prénom. Usuellement on l’affublait du qualificatif de «porte-manteau». Taiseux au possible, on a jamais trop compris pourquoi il traînait avec nous, mais tant qu’il raquait sa tournée, il était libre de nous accompagner.
Je ne me souviens pas de tout mais globalement mes potes galochaient ou se faisaient sucer dans les chiottes, tandis que je m’attaquai à un sacré morcif.
Ma proie participait à un enterrement de vie de jeune fille. Maquillée en Gene Simon de Kiss, la taille assez fine (à l’époque) l’air froide de «celle qui n’aime pas ça, mais du coup on voudrait bien lui faire goûter pour qu’elle comprenne que c’est bon», aux prises avec machin qui n’arrivait même pas à lui faire décrocher un sourire.
J’y suis allé aussi serein qu’on peut l’être après 15 bières et une bouteille de whisky. Sorti deux, trois conneries à l’oreille (des trucs humiliants sur mon pseudo pote) qui eurent le mérite de la dérider un peu. Puis je l’ai invitée sur la piste de danse. Le morceau idéal pour moi: Sweet Child O’ Mine des Guns. Exécutai ma célèbre imitation d’Axl Rose et embarquai la demoiselle pour un tour galant sur une banquette pas trop crade, un peu à l’écart au fond du bar, pas loin des toilettes, mais pas trop près non plus.
On a parlé de nos vies. De son désir de devenir secrétaire comptable et du nombre de lourds qu’elle avait rembarré ce soir là. Je l’écoutai la queue dure en me demandant à quel moment nous passerions enfin aux choses sérieuses.
Machin un peu vexé tenta de revenir vers nous. Affolée elle n’eut pas d’autre recours pour s’en débarrasser, que d’attraper mon visage et de le coller contre le sien pour un baiser fougueux. Fier comme un coq de basse court, je jetais un regard dédaigneux à l’autre baltringue de «Porte Manteau» du genre: « Tiens les clés de bagnole connard ! ». Battu, il rejoignit Guillaume sur la piste de danse et tous deux se mirent à rire, sans doute de moi. D’accord ce n’était pas la plus canon du bastringue, mais elle avait son charme quand même.
Royal au bar j’attaquais direct baby et bières. Coupe de champagne pour la demoiselle qui répondait au nom d’Alix.
La suite respecta un scénario on ne peut plus classique: Echanges de numéros de téléphones. Thune claquée à faire le beau. Perte naturelle de mes potes due au «maquage». Installation. Vie de couple. Emmerdements. Prises de tête et de poids, pour finir aujourd’hui avec une dépression. Logique ?
Le temps passe si vite. Un jour on se réveille dans un corps en décrépitude, tandis que l’esprit n’a pas évolué au même rythme. Syndrome de Peter «Michael Jackson» Pan, mais comment réussir à faire coïncider les deux horloges ? Aucune idée.
Je rentre et prépare mon gueuleton. De toute façon Alix est réfractaire à la nourriture étrangère. Elle ne veut pas essayer, ni même goûter. Je ne la prive donc de rien.
Ça sent bon. La pression descend. J’apprécie ce moment à sa juste mesure.
Louis Kadmon revient peupler mes pensées. Craint-il que je ne l’abandonne au profit d’un récit sur ma propre existence. Mais qu’aurai-je donc à dire sur moi d’intéressant ? «Bonjour je suis commercial, en arrêt maladie pour dépression, en couple avec un troll qui fait de la Zumba avec une tartine de Nutella dans la bouche !»
Autant c’est valable pour une émission de télévision de deuxième partie de soirée, mais à lire, il est probable que l’ennui prédomine.
J’attaque ma deuxième bouteille de vin. Surtout ne pas se laisser abattre ! mon repas à l’air exquis. J’ai vraiment l’impression qu’un poids s’exile de mon corps.
Mon téléphone sonne. Alix.
— Allo ?
— Ah non mais tu sais pas quoi ? ce gros con de Letendre, il a choisi Isabelle pour l’accompagner à Paris au salon de l’emballage ! Je vais te dire, je suis sûre qu’ils fricotent ensemble… fallait voir leurs regards complices et que je te complimente par ci et que je te serve la soupe par là. De toute façon elle m’a dit qu’avec son mari il y avait de l’eau dans le gaz et que leur voyage était un moyen de raviver la flamme dans leur couple. Pff, il a pris un crédit sur 36 mois pour le payer. Ils sont endettés jusqu’au cou. Non mais tu te rends comptes ? Qu’est-ce que tu manges ?
— Je me suis fait une recette.
— Ouais ben n’en fous pas partout.
— Tu vas pas à la Zumba alors ?
— Évidemment que j’y vais ! Je vais tirer cette affaire au clair et lui faire cracher le morceau.
Elle raccroche. Je n’ai plus faim. Mon plat est nickel, mais j’en jette les trois-quarts.. Ecoeuré. La charge est de nouveau revenue, au creux de mon ventre. Je me resserre un verre de vin.
Nous ne sommes pas un couple, mais l’association d’une frustration avec une plaie.
Je nettoie et range de mon mieux les ustensiles et je fais en sorte que la cuisine ne devienne pas un prétexte d’engueulade.
Pourquoi je ne réagis pas ? Pourquoi je ne quitte pas Alix, sorte d’extrapolation monstrueuse de ma mère ?
Je ne ressemble à rien. Je n’ai pas de situation, en tout cas plus vraiment depuis que j’ai décidé de profiter de ma dépression. Pas de vie sociale, mais elle non plus, c’est pour ça qu’elle est autant aigrie et rigide. Elle déteste le monde mais le monde la déteste et la rejette. A part les rebuts et les mecs bourrés personne ne pose un regard sur elle. Ce n’est pas une question binaire de beauté ou de laideur, c’est une question de charme, d’attitude, de dégager un «je ne sais quoi». Mal fagotée, elle n’a pas de goût et prétexte le manque de temps pour se laisser aller.
Bien sûr que nous pourrions être mieux acceptés par la société en faisant des sacrifices. Moi en renonçant au mal qui me ronge et en me conformant au système, Alix en travaillant son image. Elle est déjà hypocrite, il ne manque plus que le physique.
Je retourne à l’ordinateur, j’ai besoin de légèreté. J’opte pour le premier scénario.

Kadmon partiellement rassuré, fait le tour de l’étage, ne découvre rien de particulier, mais l’ensemble est trop immaculé pour être honnête. La seule pièce qui restait à vérifier était la chambre. Il fit ses prières ou quelque chose d’approchant, puis entra.
Louis croyait rêver. Sur le lit, une jeune femme nue l’attendait. Elle avait l’air douce, candide, mais déterminée. Le journaliste percevait dans ses yeux, l’origine du désir. Il se dit que s’il fallait mourir aujourd’hui autant que cela soit ainsi. Elle dépassait le cadre figé du physique ou de l’esprit. Absolument parfaite. Juste à son goût. L’incarnation sans fards de la beauté réelle hors des standards et des stéréotypes, telle qu’il l’avait imaginée, sans jamais l’avoir rencontrée. Faite pour lui, comme lui était fait pour elle, cela ne faisait aucun doute.
Elle s’approcha de Louis, le guida vers elle, ses cuisses s’ouvrirent délicatement. Il accepta sa demande. Kadmon ensorcelé, la dévora à pleine bouche. Sa main caressa ses cheveux puis il serra un peu plus fort, elle rejeta sa tête en arrière, lui offrit son cou qu’il baisa tendrement. Il glissa un doigt puis deux à l’intérieur de son puits d’amour. Elle gémit de plaisir. Louis s’allongea, se déshabilla, elle l’aida. Il embrassa toutes les parties de son corps, introduisit sa langue en elle, lui pinça délicatement les tétons. Totalement à l’écoute de cette si belle femme, il s’efforça d’être le plus tendre et ferme possible, de comprendre ses soupirs, ses gestes, ses regards. La mystérieuse inconnue l’attira dans sa bouche. Louis manqua de défaillir. A genoux, il la pénétra d’un coup et s’enfonça de plus en plus loin, de plus en plus profondément, lentement, puis rapidement, elle hurla de plaisir. Louis la repris par les hanches et accéléra son mouvement, l’issue était proche mais il s’arrêta. Il reprit le rythme, frénétiquement, varièrent les positions, les caresses. Ils jouirent intensément à l’unisson. Louis s’allongea sur le dos, ferma les yeux.
Je dois avouer que la scène de la chambre m’a beaucoup stimulé. Il ne faut pas que je sois timide dans mon écriture. Kadmon doit être capable de tout ce que je ne suis pas.
La bouteille de vin est vide. Je suis à la fenêtre avec une cigarette. Je ressens le manque, le vide, mais comment font les autres ?
À quel moment de ma vie tout à basculé ? Mon chef me harcelait mais sans doute autant qu’un autre. Je n’ai jamais été un foudre de guerre, mes résultats ont toujours oscillé entre le médiocre et le presque bon, trop limite dans une activité commerciale, même si j’ai, d’après les tests, des capacités hors du commun. Mais je m’emmerde tellement, ce n’est pas mon rêve ni ma vie, je suis totalement et définitivement à contre emploi et puis je déteste forcer la main, les gens doivent être libres de leurs choix bien qu’ils soient de plus en plus cons et vindicatifs.
En ce sens, Eloïm est un personnage fascinant. Son parcours est celui d’un Rastignac des temps modernes. Sans scrupules, précis, manipulateur, doté d’un formidable aplomb. Des personnalités réelles comme David Koresh de la secte des Davidiens, Christophe Rocancourt, Mesrine, Jim Jones du temple solaire m’inspirent. J’ai une réelle fascination pour ces êtres supra humains. Des ordures certes, mais au combien intéressants. Patrick Bateman l’anti héros psychopathe d’American Psycho m’influence aussi, il incarnerait un formidable gourou. J’aimerais parfois avoir leur force de caractère et de conviction.

Eloïm se présente face à la caméra. Ses yeux bleus embués transpercent l’objectif. Il ne déclame pas son texte, il l’incarne:
«Bonsoir. C’est avec une profonde peine que je dois vous faire part d’une terrible information.Vous le savez sans doute déjà, mais la communauté Bereshit: Au commencement, a vécue au cours de la nuit dernière une véritable tragédie.
Nous devons malheureusement déplorer la disparition de 1253 fidèles et prier pour les 65 blessés qui luttent avec force et courage pour préserver leur flamme de vie.
Nous sommes tous mobilisés, ici en France mais également dans le monde entier pour aider celles et ceux qui souffrent dans leur chair et dans leur âme.
Amis, famille, proches, les portes des centres de la communauté Bereshit vous sont grandes ouvertes 24/24 7/7 en France, au Japon, aux États-Unis, au Canada, en Thaïlande et en Colombie.
À tous les fidèles, j’adresse un message de paix et d’amour.
Sachez aussi que l’enquête se poursuit.
Nous espérons que toute la lumière sera faite le plus rapidement possible sur les causes de cette catastrophe sans précédents.
Merci à tous et à toutes pour vos témoignages d’amitié et de soutien.
Ne vivez pas dans l’affliction car la mort, c’est le commencement de quelque chose.»
— Coupez ! Equipe 2: C’est dans la boîte, prêt à diffuser ! Merci monsieur, une intervention fantastique qui va galvaniser les fidèles.
Eloïm approuve d’un signe de tête le technicien plateau et retourne sans un mot dans sa loge pour le démaquillage.
Il se regarde dans le miroir, s’admire, se félicite intérieurement de sa prestation, mais il ne laissait rien transparaître. Montrer ses émotions c’était s’exposer et il ne voulait prendre aucun risque.
Faire sauter le château n’était que la première étape. Avec les fonds hérités, il ambitionnait de faire franchir à Bereshit un nouveau cap. Il s’agissait maintenant de pérenniser l’oeuvre. Kadmon représentait la deuxième étape.
— Vespale ?
— Oui monsieur ?
— Alors ?
— Comme vous le verrez sur l’enregistrement, je me suis donnée avec dévotion et passion. Je lui ai également transmis le papier comme vous me l’avez demandé.
— Je n’en doute pas Vespale.
— Est-ce moi qui poursuivrai les opérations ?
— Tu le sauras en temps voulu. Pars m’attendre dans la IV, je t’ai prêtée ce jour, mais n’oublie jamais que tu m’appartiens, corps et âme !
— Oui monsieur.
Eloïm se connecte au réseau local via son Mac Book Air et télécharge le flux vidéo de la caméra VII. Il regarde leurs ébats, fasciné.

-— J’ai faim, la table est mise j’espère ? Je prends ma douche. Allez au boulot, mon roi des fourneaux !
Putain, j’ai perdu le fil. Ca me gonfle, je sentais bien cette séquence. Génétique, c’est gé-né-tique. Je ne vois pas d’autre explication pour réussir à systématiquement me casser les couilles au moment le plus important. Elle ne pourrait pas arriver, discrètement, aimablement, je sais pas, un truc du genre sitcom, « chéri, tu m’as tellement manqué » avec un bisou et un moins gros cul… De toute façon, il faut que j’aille à la cuisine… j’ai un truc à faire… Merde ça me revient, les bouteilles !
Alix fredonne un air basique, celui qu’on entend en boucle un million de fois par jour à la radio. Elle est persuadé de savoir aussi bien chanter que les stars de la téléréalité. Son rêve secret serait d’ailleurs d’y participer. Faut pas que je m’acharne mais on dirait plus le cri du baleineau en train d’appeler sa mère que Rihanna.
Je fonce dans la cuisine, dissimule les deux bouteilles sous mon sweat (de l’extérieur ça peut paraitre inutile mais sur l’instant c’est toujours la meilleure idée), je ne vois qu’une place, sous le bureau, derrière la boite de documents administratifs. Cachette de fortune soit, mais pour l’instant suffisante.
Je mets la table à l’arrache, comme un enfant en faute, j’attends l’éventuelle sanction, qui miraculeusement n’arrive pas.
— Y a quoi à manger ?
— Les restes de pintade, sinon du riz ?
— J’ai été hyper forte à la Zumba. Le prof m’a même complimentée ! Je vais prendre du riz mais tu vas me faire rissoler des lardons et tu ajouteras de la crème fraîche. J’ai besoin de reprendre des forces. Au fait, nous sommes invités mardi soir à diner chez Zaza et Jean-Paul.
— (Incrédulité totale, trémolos dans la voix) Mais je croyais que tu ne lui parlais plus ?
Elle me regarde comme si j’avais sorti la pire des insanité.
— Je me suis un peu emportée, mais finalement le salon devrait se dérouler au même moment que son voyage en République Dominicaine. Elle m’a dit qu’elle a vu avec Letendre, qui aurait dit que bien évidemment si elle n’est pas là ce serait moi qui l’accompagnerais.
— Tu es sûre qu’elle a dit ça ?
— Ne t’en mêle pas ! Zaza est plus que mon amie et ne mentirait pas là dessus. Je compte sur toi pour être présentable. Ne me fait pas honte.
NON, le putain de traquenard !
— C’est prêt ?
Je mélange la crème fraîche avec les lardons, je sers à la vachette la bombe calorique qui compensera les 30 grammes qu’elle a perdu au sport. Elle dévore son auge.
— J’ai encore réussi à tirer la boîte d’un mauvais pas aujourd’hui. Une petite stagiaire un peu trop dilettante. Je l’ai pistée et surprise en train de glander au lieu de faire les photocopies. Je peux te dire que j’ai immédiatement prévenue Véronique des RH qui l’a virée manu militari !
Pauvre gamine, ça devait être un sacré canon pour subir ce traitement digne de la pire période de l’humanité. Alix me débectait de plus en plus.
— Alors tu as fait quoi aujourd’hui ?
Calme, zen, go:
— J’ai fait comme tu m’as dit, j’ai regardé pour des formations, dans l’informatique c’est très porteur.
Elle relève la tête de son assiette, de la crème au coin de la bouche, m’observe attentivement pour être sûre que je ne me moque pas d’elle. Je fais tout pour rester sérieux.
— Et bien écoute, tu me fais très plaisir, je sens que tu vas très vite sortir de la spirale négative dans laquelle tu t’es plongée. Voilà une bonne nouvelle. Tiens, pour te récompenser de tes efforts, ce soir nous aurons notre petit moment tendre…
Mais non, mais l’enfer total ! Le dîner chez les connards et l’autre qui veut un coït. Pendant ce temps là mon roman, il va s’écrire tout seul ? Avec tout ce que j’ai bu et fumé, je vais jamais réussir à bander en plus.
Alix se lève de table tout guillerette.
-— Chéri, je n’ai presque plus d’herbe il faudra en redemander à ton pote.
Elle n’a même pas remarqué mon petit prélèvement ? Je crains le pire…
Alix s’enferme dans la salle de bain, tandis que je débarrasse la table, las de cette existence.
Je prends une cigarette, ouvre la fenêtre du salon. Il disait quoi déjà Epictete ?
«Donc, rappelle-toi que si tu tiens pour libre ce qui est naturellement esclave et pour un bien propre ce qui t’est étranger, tu vivras contrarié, chagriné, tourmenté ; tu en voudras aux hommes comme aux dieux ; mais si tu ne juges tien que ce qui l’est vraiment – et tout le reste étranger, jamais personne ne saura te contraindre ni te barrer la route ; tu ne t’en prendras à personne, n’accuseras personne, ne feras jamais rien contre ton gré, personne ne pourra te faire de mal et tu n’auras pas d’ennemi puisqu’on ne t’obligera jamais à rien qui pour toi soit mauvais.»
On ne peut pas dire que cela soit très utile en pareilles circonstances.

Assis sur le lit, les yeux mi clos et la bouche crispée, ses jambes tremblaient nerveusement et ses mains moites, caressaient ses tempes, l’arrête de son nez, frappaient ses cuisses, comme pour se maintenir éveillé. Kadmon doutait de plus en plus de sa santé mentale. N’était-il pas victime d’une hallucination ou d’un rêve éveillé ? Rien n’avait de sens… d’abord une jeune fille nue l’attendait sur un lit… ils avaient fait l’amour… Il ne s’expliquait évidemment pas ni comment ni où elle était partie. Une femme nue ça ne courrait pas les rues, même dans un domaine appartenant à une secte. Il aurait bien aimé recevoir un sms d’indice pour l’éclairer sur cette étrange affaire, malheureusement le smartphone restait désespérément muet. Finalement, après un laps de temps suffisamment long à son goût, il remit en cause son raisonnement sur l’élucidation des énigmes et constata dépité, son inaptitude à saisir l’irrationnel. Il essayait tant bien que mal de se remémorer la chronologie des derniers événements. Après s’être éclipsé à peine cinq minutes pour se rendre dans la salle de bain afin de prendre une douche bien méritée (comme à l’hôtel, savon shampooing et serviettes propres à disposition semblait l’attendre), il était revenu dans la chambre décidé à faire parler l’inconnue, elle avait donné son corps, maintenant il voulait sa voix, mais elle n’était plus là. Volatilisée, sans un mot, sans un bruit, n’avait laissé aucune trace de son passage. «Je fais un burn out», pensa-t-il, d’autant plus épuisé qu’il avait passé l’heure d’après à chercher dans les murs un mécanisme, un dispositif, quelque chose qui aurait pu permettre à la fille fantôme de s’échapper.
« Que faire ? », Louis sombrait dans le désarroi le plus total. Comme un prestidigitateur qui voudrait faire réapparaître le lapin, il secoua les draps froissés, un morceau de papier vola, puis s’échoua près de son pied droit, sur le parquet flottant. Il le ramassa. Le déplia. Lu le texte manuscrit inscrit dessus. Une date, une heure, un lieu. Son cerveau gorgé d’adrénaline et rassuré se remit en branle: « Sans doute ne pouvait-elle pas parler Trop risqué. Elle avait dû profiter de mon absence pour griffonner ce message. Peut être est-elle prête à m’en dire plus, mais dans un lieu neutre en dehors de la communauté ? Eloïm l’avait sans doute chargée d’une mission, me séduire, ou pire encore mais elle avait succombé à mon charme… pourvu qu’il ne lui arrive rien. » Louis ne cherchait pas les complications, se contentait pour l’heure de cette explication oiseuse et abracadabrantesque mais qui avait le mérite de regonfler son égo torturé. En réalité, il exultait littéralement de joie, non seulement il n’allait pas finir à Sainte-Anne mais en plus il avait trouvé la femme de sa vie. Il ne lui restait plus qu’à l’arracher des griffes de Bereshit… détail d’importance soit dit en passant !
Louis sort aussi discrètement que possible. Il venait d’entendre des échanges de voix à proximité de la maison et la dernière chose dont il avait envie était de devoir se justifier auprès de flics ou pire de collègues. La pluie avait enfin cessée, il inspecte les alentours. La voie est libre. Il reprend son chemin initial vers l’entrée du domaine, en essayant d’arborer une mine concentrée et concernée, qu’on ne le dérange pas.
Des centaines de personnes étaient morte et lui ne pensait trivialement qu’à remettre un coup de bite à la délicieuse inconnue de la maison VII, mais comme le disait si bien André Comte-Sponville « Nous n’avons besoin de morale que faute d’amour. »
Une vibration dans la poche, ce n’était pas son sexe, mais le téléphone. Thomassin le félicitait pour son article. Kadmon s’arrête net, ses pensées positives se figent également. « De quoi il me félicite, ce con ?»
Le texte défila alors sous ses yeux: «Je demande pardon à la communauté Bereshit, par Louis Kadmon.
Un journaliste, déontologiquement, s’engage à être objectif et impartial, à toujours faire jaillir la vérité et à ne jamais dissimuler d’informations.
Pendant plusieurs années je me suis totalement fourvoyé dans la pire des directions, peut être par jalousie ou par méconnaissance.
J’ai écrit des mots très durs à l’encontre de la communauté Bereshit et de son fondateur, la comparant notamment à une secte ou à une organisation mafieuse. J’ai été condamné de nombreuses fois pour cela, mais malgré tout je m’enferrais dans la haine et je continuais à répandre mon fiel par voie de presse interposée.
Peut être avais-je inconsciemment besoin de la communauté pour m’épanouir ? Ma vie sombrait alors dans le désarroi le plus complet. Mon divorce, mes soucis financiers (ma fraude fiscale) tout cela me minait terriblement et aurait pu se conclure par un suicide.
Lorsque je me suis rendu sur les lieux du drame à la demande de Christophe Tomassin, rédacteur en chef de Nouvelles du monde, j’ai pris conscience de mon erreur.
Face à cet océan de douleur causé par un malencontreux dysfonctionnement électrique je n’ai constaté de la part des fidèles qu’amour, compassion et dévouement. Ni endoctrinement, ni sectarisme.
Toutes mes pensées vont aux victimes de cet effroyable accident. Je demande pardon à Eloïm, ainsi qu’aux membres de sa communauté pour tout le mal que j’ai pu causer et aujourd’hui je demande pardon.»
Thomassin devait être complice de cette mascarade. « A quoi bon se battre contre des moulins ? » Kadmon était pris dans la nasse. Rien ne semblait tangible. L’étau se resserrait inéluctablement sur lui. Il tentait vainement de rationaliser: Admettons qu’Eloïm veuille se venger de lui, soit, mais pourquoi maintenant ? Personne ne lui accordait plus de crédit. Il ne représentait plus une menace à proprement parler, mais il avait tout de même la profonde conviction que l’explosion n’était pas accidentelle et que d’une manière ou d’une autre, cela ne lui aurait pas échappé. Tôt ou tard, il aurait forcément enquêté, serait retourné au front. Eloïm aurait donc orchestré son retour ? « Il joue avec moi comme le chat avec une souris depuis notre première confrontation, mais maintenant qu’il a franchi la ligne jaune, il veut m’avoir au plus prêt de lui, surveiller mes actes, me discréditer définitivement. »
Le domaine faisait penser à une ville fantôme, déserté, vide, abandonné, mais pour un temps seulement à n’en pas douter, car une fois les traces de morts évacuées des mémoires, l’endoctrinement et le business reprendrait ici à plein régime. Louis ne pouvait s’empêcher d’être malgré tout subjugué. Des années passées à diaboliser ce lieu, à faire des recoupements, des supputations, pour en définitive s’y sentir bien, serein, libre, à l’abri de la haine de l’extérieur… s’il n’était pas si seul et perdu, à la merci d’ennemis invisibles.
Quant à la mystérieuse inconnue, c’était folie que de lui faire confiance, mais pourtant au fond de lui, un doute subsistait… peut être n’était-elle que la victime instrumentalisée d’un sociopathe pervers ?
«Quoi qu’il en soit, le gourou a de la chance d’être tombé sur un con naïf comme moi pour némésis.»
Le journaliste se remémora la première conférence publique d’Eloïm, c’était en province. Kadmon alors stagiaire pour un quotidien aujourd’hui disparu, couvrait une banale affaire de fraude à la sécu, il avait trouvé par hasard un tract sous l’essuie glace de sa 205 GTI. Intrigué par le sujet, «Faire briller l’Homme solaire qui est en vous», le futur journaliste s’était rendu dans la petite salle mise à disposition par la municipalité au futur leader de l’association «Bereshit: Au commencement» et assisté au road show destiné à rameuter de nouveaux fidèles.
A l’époque, jeune esprit en fleur, ni connu ni influent, Eloïm s’était rodé dans son activité de leader spirituel avec un discours pour le moins ésotérique:
« Le jour où tout a changé s’est déroulé ainsi. Je me promenais sans but, désœuvrée et fâché avec la vie, le long d’une plage de sable blanc. Il faisait un temps extraordinaire, la mer était bleue turquoise et d’un calme absolu, je m’en souviens si clairement. Comme si c’était hier. J’étais nu. Seul. Le soleil irriguait ma peau et nourrissait d’une merveilleuse énergie cosmique mes membres alors faiblement développés.
Pourtant je n’étais pas heureux, il me manquait quelque chose, j’avais beau avoir beaucoup, il me fallait toujours plus. Et là, d’un coup, Il m’est apparu, comme surgit de nulle part. Beau. Fort. Souriant. Sûr de lui. Je sentais la présence rassurante que seule peut apporter, un être de lumière.
Il s’est approché de moi et m’a dit d’un ton clair et posé : « Fils, tu es là aujourd’hui pour une seule et unique raison. » Je restais interloqué. Attentif. Il reprit : « Tu vas recevoir mon enseignement et ce que tu vas découvrir tu devras à ton retour le transmettre et le partager. Mais uniquement avec des élus. Des être méritants choisis et reconnus comme tels. Ils devront passer les épreuves et se montrer dignes.»
Le gourou en herbe avait au fur et à mesure affiné sa stratégie. Les sectes millénaristes ou trop empreintes de bondieuseries affolaient les médias. Le créneau était bon, pas de doute là dessus, mais l’époque ne réclamait plus de religiosité, alors il s’attacha à «soigner» l’égo de ses ouailles plutôt que leurs âmes. Son idée pure et simple: Les beaux attirent les beaux, les riches attirent les riches. Il suffisait d’entretenir leur amour propre, leur propension à l’égotisme pour les contrôler. Mais en premier lieu il fallait travailler le discours, le rendre efficace, imparable.
Au cours de ses innombrables investigations, Kadmon avait réussi à dégoter dans une poubelle, à l’issue d’une réunion publique, une note manuscrite rédigée par Eloïm. Mehdi Trabelsi de son vrai nom. Des bribes de phrases tirées du prologue du roman l’Alchimiste de Paulo Coelho:
« L’Alchimiste connaissait la légende de Narcisse, ce beau jeune homme qui allait tous les jours contempler sa propre beauté dans l’eau du lac. Il était si fasciné par son image qu’un jour il tomba dans le lac et s’y noya. À l’endroit où il était tombé, naquit une fleur qui fut appelée narcisse. Pourquoi pleures-tu ? demandèrent les Oréades. Je pleure pour Narcisse, mais je ne m’étais jamais aperçu que Narcisse était beau. Je pleure pour Narcisse parce que, chaque fois qu’il se penchait sur mes rives, je pouvais voir, au fond de ses yeux, le reflet de ma propre beauté. «Voilà une bien belle histoire», dit l’Alchimiste. »
Le reflet de leur propre narcissisme, voilà ce que les adeptes de Bereshit recherchaient fondamentalement et Mehdi leur procurait de quoi satisfaire leur vice en toute impunité…
Une évidence sauta alors, comme un eurêka grec, à l’esprit de Kadmon: Aucun média n’avait jamais dévoilé la véritable identité d’Eloïm !
Il semblait encore aujourd’hui être le seul journaliste à s’être réellement intéressé au leader de la «communauté» des nantis. A avoir investigué son passé. Ses origines.
Lui seul l’avait suivi depuis le début. Lui seul avait vécu au plus près l’ascension du gourou et pourtant malgré tous les ennuis que la secte lui avaient causés, Kadmon n’avait jamais rien publié hors du cadre légal, pas même sur Internet.
Il s’était simplement résigné, persuadé que cela ne l’aurait mené à rien de bon, s’était contenté de stocker des tonnes d’informations pour lui ou pour un ouvrage futur, compilé le tout dans un carnet moleskine qu’il planquait derrière un tableau dans le salon de son appartement, une piètre précaution d’usage, juste au cas où la communauté aurait voulu mettre la main dessus.
Cela étant, sa vie n’avait jamais été menacée directement. Jusqu’à présent.

— Chéri, je suis prête !
Fait chier. Je n’ai rien écrit. J’espère que je me rappellerai de tout. Je ferme la fenêtre de la cuisine, traine les pieds comme un condamné à l’échafaud jusqu’à la chambre. « Une chute sans fin dans une nuit sans fond, Voilà l’enfer. » disait Victor Hugo.
Oh mon dieu ! Le spectacle est infernal… Alix porte un bustier rose pétard qui laisse apparaitre la moitié de ses seins. Ses grosses cuisses celluliteuses sont comprimées dans des bas résilles, qui menacent d’exploser, rattachés à un porte-jarretelles rouge sang. Son absence de culotte révèle une épilation totale de son intimité. Elle porte également des talons aiguilles ce qui ne semble pas illogique au regard du reste de l’accoutrement.
— Alors mon gros dégueulasse… Je t’excite hein… Regarde ! j’ai pris quelques accessoires. Tu peux faire ce que tu veux de moi. Je suis ta chose…
Sur la table de nuit: Un Sex Toy. De l’huile de massage. Un bandeau. Des menottes… Miracle… j’ai une idée. Je me concentre sur la scène de sexe décrite dans mon bouquin pour me donner du coeur à l’ouvrage. Je ferme les yeux. J’embrasse ma compagne à pleine bouche. Palpe son corps mou et gras. J’arrive à avoir une érection (réflexe ?), elle le sent et se trémousse un peu plus. J’exerce une légère pression de mes mains sur ses épaules afin qu’elle se baisse au niveau de ma braguette et qu’elle me prodigue une fellation. Alix comprend mon message et s’exécute. Je lui passe le bandeau sur les yeux. Elle ne voit plus rien. Je l’installe à quatre pattes sur le lit, enduis le godemichet d’huile de massage. Je m’assois à côté d’elle et lui enfourne mécaniquement le jouet dans son vagin. Je baille sans faire de bruit. Elle hurle de plaisir. J’accélère le rythme de mes va et vient pour la pousser au paroxysme. Je sens qu’elle va jouir, de mon autre main je me masturbe. Elle est presque au bout. J’enlève le gode et j’arrive pile au bon moment pour éjaculer en elle. Mission accomplie. Alix halète. Je lui retire le bandeau.
— Tu m’as jamais aussi bien baisée mon salaud. Elle te plait ma chatte comme ça ? j’en étais sûre. Tu sais quoi, j’ai une idée: Si tu es bien sage pendant le diner des Leroy et que tu es assez large d’esprit pour tolérer une situation un peu particulière… tu seras récompensé: Nous irons samedi soir dans un club libertin dont on m’a dit beaucoup de bien. Crois moi tu vas adorer…
Je suis interloqué.
— Tu parles de ce genre de chose avec des gens ?
— Evidemment, le sujet est très à la mode et je suis une fille hyper ouverte, beaucoup plus que tu ne le crois. D’ailleurs, à ce sujet, je te réserve une petite surprise. En tout cas on peut parler de tout avec moi. On dirait que tu le découvres !
— Non, non, ça ne m’étonne pas du tout…
J’espère que mon ton était convaincant. Pas de réaction. Ca semble bon.
Alix se couche rassasiée. S’endort. Ronfle. Je suis allongé de mon côté. Mes yeux ne se ferment pas. J’attends qu’elle soit profondément endormie pour retourner dans le salon, avancer l’écriture de mon roman.
Qui entend bien, comprend bien… Mais qui discerne le sens caché derrière les mots est en mesure de découvrir les pensées secrète de son auteur, parfois au dépend même de celui-ci.
Tant pis, je prends le risque de mettre mon esprit à nu, de toute façon l’important est le chemin pas l’arrivée. Je me suis engagé dans une voie, j’espère ainsi me (re)trouver, avoir la force de vivre librement en âme et conscience, sans stress ni pression. Apprécier chaque moment sans crainte ni retenue. Transcender le « Je suis comme je suis et c’est ainsi ».
Mais « qui » est le con à l’origine de cette phrase stupide, sclérosée et malheureusement communément acceptée ?
Tout instant de la vie doit me permettre d’être différent des déterminismes sociaux, familiaux, éducatifs. Il me suffit d’agir conformément à ce que je veux et non pas tel qu’on me l’a inculqué. Quel bonheur, j’imagine, d’arriver à transcender sa simple condition. Devenir non pas une autre personne mais réellement soi. Je suis comme je suis ? Je suis ce que je veux être. Je suis tout simplement.
« Alors laisse-toi aller, laisse couler tes larmes. Il n’y a pas de honte à avoir, cela restera entre nous. Tu n’as pas à faire semblant d’être fort, la vie n’impose pas ce combat. C’est l’homme qui veut qu’il en soit ainsi, mais toi qui est abattu, craque. Les sanglots et les cris font partie de l’existence depuis l’origine, alors va au bout de ta peine. Exprime ta détresse, ne refoule rien au contraire. Les autres sont des lâches, ceux qui te plaignent ou te méprisent. Tu seras libre quand ton cœur sera vidé de la tristesse comprimée, refoulée et eux resteront secs incapables de ressentir. »
Mais est-ce vraiment possible d’agir selon sa propre volonté ici-bas, alors que depuis l’origine de l’humanité tout a été mis en place pour que cela n’arrive pas ?
Nos grands penseurs, en particulier ceux que nous abreuvons de louanges, ont été le plus souvent conspués, haïs, massacrés pour avoir tenté de nous libérer de ce joug grégaire, animal.
Comment tendre honnêtement et consciemment vers cet objectif ?
Ce que nous considérons comme des sentiments nobles comme l’amour ou l’amitié ne sont le plus souvent que des chaines invisibles destinées à enfermer l’autre dans un rôle déterminé et que par réciprocité, ils nous assignent également, mais dont aucun ne doit se départir sous peine de manquer à cet hypocrite engagement.
Avoir la faculté de percevoir cela n’est qu’une étape infinitésimale sur une route pleine de drames, de morts, de frustrations, d’espoir, d’envie, de désirs, de joies, de peines…
De toute façon cela vaut la peine d’être vécu… sinon je dois retourner au plus vite à la poussière céleste d’où je suis issu.
« Tu sais ce que je veux, alors fais en sorte que… » Malgré mes pensées digressives j’arrive à reprendre le fil de mon récit…

Lundi 23h00. Louis entre dans le café. Celui qui fait l’angle. Juste à côté de l’hôpital. C’était là que l’inconnue de la chambre VII lui avait fixé cet étrange rendez-vous. Il angoissait depuis quelques jours, prêt à subir le pire, si c’était ainsi que cela devait finir. Glauque… Autant dehors que dedans… Le froid lui glaçait les os et ce n’était pas le minable petit brasero qu’il apercevait au fond du bastringue qui allait atténuer cette sensation. La torpeur parisienne lui collait, si c’était possible, un peu plus le bourdon. Il se sentait las et fatigué. La lumière tamisée du lieu éprouvait ses yeux rougis.
Il s’installe dans une sorte de box près du chauffage. Le café était presque vide. Deux tables occupées. L’une par un petit couple de jeunes qui se pelotonnaient sur la banquette à l’arrière, l’autre à l’opposé près de la fenêtre par un homme seul, barbe de trois jours, lunettes de vue, qui tripotait nerveusement son téléphone portable, buvait sa bière à grandes gorgées, tirait la gueule, l’air triste et désabusé. Avec le Barman moustachu à tête de facho et le serveur «titi parisien», ils étaient six à peupler le «Balto».
Trois jours s’étaient écoulés depuis son retour du château Bereshit. Dans sa boîte aux lettres, un chèque de «Nouvelles du Monde» l’attendait ainsi que plusieurs factures pour une fois honorées à temps. Son appartement ne semblait pas avoir été visité durant son absence.
Il éprouvait une sensation étrange à l’idée de retrouver la mystérieuse apparition de la chambre VII. Louis pensait si souvent à leur étreinte… une émotion l’étreint en la voyant pousser la porte du bar. Sans hésiter ni un regard pour les autres clients, elle vient s’asseoir en face de lui… Magnifique. Ses cheveux châtains clair, son manteau trois quart avec un col en fourrure qui lui va à ravir.
— Bonsoir Louis.
— Bonsoir …
— Natasha.
— Bonsoir, Natasha …
Elle est encore plus belle que dans mes souvenirs.
— Louis, je prends des risques en venant te parler mais il le faut. Natasha se saisit de sa main. Le serveur arrive aimable (sic).
— Vous voulez quoi ?
— Je ne sais pas, un thé ?
— Citron, darjeeling, vert, jasmin.
— Jasmin.
— Monsieur ?
— Un verre de vin blanc s’il vous plait.
— Sec, moelleux ?
— Sec !
— Chardonnay ? Bourgogne aligoté ?
— Chardonnay
— Ca marche. 11, 50. J’encaisse maintenant !
Kadmon tend au garçon un billet de 20 euros, empoche la monnaie, laisse une pièce de 1 euros en évidence sur la table qu’il comptait bien récupérer lors de leur départ du bar. « Le prix du sourire connard ».
— Louis… Ecoute-moi attentivement. Je te présente mes excuses… Je suis partie sans prévenir. Je n’avais pas le choix, mais je savais que je pouvais compter sur ta perspicacité pour me retrouver. Ce n’est pas facile à dire, mais sois très prudent. Jusqu’à présent tu as été préservé. Tu dois t’en douter, la communauté aurait pu t’anéantir, t’éliminer et certains en ont exprimé clairement l’envie, mais il se trouve qu’Eloïm éprouve une sorte d’affection pour toi…
— Je suis touché !
— Ce n’est pas une plaisanterie. Au départ tu n’étais qu’une mission.
— Ah…
— Mais tu es différent des autres ! Avec toi il s’est passé quelque chose d’indéfinissable, que je ressens profondément, une connexion intime peut être ?
Je devrais être sur mes gardes, me dire qu’elle sert ce baratin à tous les hommes perdus croisés sur son chemin et pourtant je me laisse embarquer.
Qu’ai-je à perdre ? Il est toujours plus facile de sacrifier sa solitude lorsqu’elle pèse, que sa compagnie lorsqu’elle est appréciée.
— Moi aussi Natasha j’éprouve ce sentiment… depuis notre rencontre je n’arrête pas de penser à toi… tu occupes mon quotidien, de jour comme de nuit, rien d’autre n’a d’importance… le monde est fade sans toi.
— C’est pour cela Louis que tu dois être vigilant… tu ne gagneras rien à t’attaquer à la communauté Bereshit. Au mieux tu survivras chichement au pire… je me refuse d’y penser.
Etait-ce une menace, un avertissement, l’expression de ses sentiments sincères. Ai-je le pouvoir de les détruire ? S’ils n’avaient pas peur de moi, ils ne prendraient pas le soin de m’avertir surtout par l’intermédiaire d’une si jolie médiatrice.
— Comment sais-tu ce qui peux m’arriver ?
— Nous savons tout de toi !
— Alors pourquoi ce rendez-vous ? Je ne suis pas une grenade prête à exploser… mais totalement désamorcée ! je ne sais même pas si j’ai été en mesure d’exploser à un moment d’ailleurs !
— Je te l’ai déjà dis Louis, cela peut te sembler incongru ou absurde, mais tu me plais et je veux te garder… J’ai envie d’être avec toi, partager un avenir peut être.
Après une seule rencontre ? J’ai peut être mésestimé mon charme durant toutes ces années qui ont succédées mon divorce…
— Crois-tu que cela soit compatible avec ta fonction au sein de la communauté ?
— J’y ai réfléchi, je vais demander à Eloïm de m’affranchir.
— Affranchir ? Tu es une esclave ?
Natasha recule instinctivement, tourne sa cuillère dans sa tasse, boit une gorgée.
— Les mots n’ont pas le même sens dans le monde profane.
Je n’ai pas envie de la provoquer à nouveau, je change de sujet.
— Pourquoi m’avoir donné rendez-vous ici ?
— Il y a un être qui a une place importante dans ma vie. Mon frère Yevgnie. Plongé dans un coma artificiel depuis 3 ans. Je viens le voir aussi souvent que mon emploi du temps me le permet. La visite d’aujourd’hui était planifiée. En revanche personne ne sait pour notre rencontre. J’en ai profité. Malgré les risques que cela comporte. Pour toi comme pour moi.
Je tolère son explication même si certains détails me semblent cousus de fil blanc et sont facilement démontables. Peu importe je saute à pieds joints dans le maelström. Comprendre, savoir, découvrir ? Tant pis, je ne vérifierais pas son histoire, mais je m’intéresse tout de même à sa vie.
— Qu’est-il arrivé à ton frère pour qu’il se retrouve dans le coma ?
Natasha me regarde droit dans les yeux.
— Il a organisé une sorte de raid pour me faire sortir de la communauté… Il a échoué.
«Si la curiosité t’a conduit ici, va t’en» et pourtant je reste.
— Peux-tu préciser s’il te plait ?
— Je n’aime pas raconter cette histoire mais je vais faire l’effort pour toi. En résumé: J’ai vécu mon enfance en Russie, ensuite j’ai voyagé en Italie, puis en France où j’ai rencontré Eloïm. La Communauté est devenue ma famille. Mon frère a fini, après des années de recherches, par me retrouver. J’étais heureuse. Je voulais qu’ils nous rejoignent, mais il n’avait qu’une idée en tête me faire retourner en Russie car selon lui j’appartenais à un chef de la Bratva. Avec plusieurs comparses ils ont essayé de me kidnapper, malheureusement pour lui, heureusement pour moi, son entreprise s’est soldée par un échec, sans rentrer dans les détails les acolytes de Yevgnie sont mort et lui a survécu, parfois je me dis qu’il aurait mieux fait d’y rester lui aussi. Je ne crois pas qu’il sorte un jour du coma. C’est ainsi. Mais il reste mon frère quoi qu’il ait fait.
Natasha est calme, sûre d’elle. Si je n’étais pas aussi épris de cette femme, je penserai froide et impitoyable, mais je ne peux m’y résoudre.
— Natasha, connais-tu la fable de l’arbre et de l’enfant ?
— Non.
— Il était une fois… ou plutôt un jour: Un enfant découvrit par hasard que lorsqu’il apposait les paumes de ses mains autour du tronc d’un grand chêne de la foret qui jouxtait sa maison, celui-ci absorbait son chagrin, son amertume, ses craintes, son ressentiment. Libéré de ses entraves émotionnelles, il était alors en mesure d’accomplir ce qui d’ordinaire l’effrayait ou lui posait le plus problème: Vivre. Ainsi à chaque fois qu’il était sujet à la mélancolie, au désespoir ou à l’isolement, il allait se ressourcer auprès de l’arbre qui lui apportait, sans réserve, le soutien nécessaire pour dépasser cette souffrance. L’enfant grandit et continua son rituel à chaque fois que nécessaire, il vieillit, continua son ascension sociale, devint de plus en plus important socialement car il réussissait toujours ce qu’il entreprenait, sûr d’avoir la force nécessaire pour cela grâce à son arbre. Riche, célèbre, beau et sans soucis d’aucune sorte, il se surprenait néanmoins à éprouver une angoisse que l’arbre ne parvenait pas à contenir, il était seul. Il se rendit auprès de l’arbre pour se libérer de cette douleur et fit ce qu’il n’avait jamais fait jusqu’à présent: Il regarda l’arbre avec les yeux du coeur. Il s’attendit à contempler un solide chêne majestueux, grand et fort comme lui, mais au contraire l’arbre était rachitique, quasiment sans branches, abandonné de toute vie. Alors quel fut le comportement de l’homme ? Il prit une hache et terrassa l’arbre ? Il s’agenouilla devant et pleura ? Il apposa ses mains sur l’arbre pour lui retransmettre l’amour et la joie qu’il avait reçu grâce à lui tout au long de sa vie ? Il hurla et partit en courant ? Il fit comme si de rien n’était et tenta de se délivrer de son angoisse tout seul ? Il se suicida pour nourrir l’arbre de son sang ? Il s’installa au pied de l’arbre et s’endormit du sommeil éternel ? Il chercha un autre arbre persuadé que cela ne pouvait être celui-là ? Il pleura sur son sort ? Il promit à l’arbre de le venger ? Il comprit finalement que la force qu’il avait reçu ne provenait que de lui-même et qu’il avait espéré qu’il en fut autrement par crainte de devenir ce qu’il est ?
— Je n’en sais rien !
— Moi non plus… mais il a le choix. La seule chose importante pour moi dans cette histoire c’est sa prise de conscience.
— Fais moi l’amour.

La fin du chapitre n’est pas béton mais je vais la retravailler demain.
En ce qui concerne la suite et selon mon plan, Louis retournera sur les ruines du château persuadé d’y trouver la preuve irréfutable que l’explosion n’est pas accidentelle. Il s’entretiendra avec une victime qui lui racontera ce qui s’est passé la nuit du drame…
J’ai rendez-vous à onze heures et quart avec ma psy. Faudra aussi que je jette les bouteilles de vin. Dans l’ensemble je suis satisfait, j’ai un vrai rythme d’écriture et l’histoire semble cohérente. Morphée m’appelle. Je ne lui résiste pas. Sommeil sans rêves. Mes yeux se dessillent naturellement.
L’horloge numérique affiche d’implacables chiffres rouges 10:05. Merde. Alix ne m’a pas réveillé ce matin comme à l’accoutumé, mais a laissé sur le frigo (à mon attention je présume) un joli coeur dessiné sur un post-it. Par texto elle me demande (m’implore oui) de faire un minimum pour mon apparence, elle flippe vraiment que j’arrive comme un pouilleux chez Zaza et Jean-Paul (où est la corde ?). Elle me rappelle aussi pour la énième fois que si je me tiens bien, samedi soir, nous irons nous encanailler dans le fameux club libertin dont elle m’a parlé la dernière fois… Sincèrement, je ne suis pas aussi demandeur qu’elle semble le croire.
Je me prépare et j’enchaine la visite chez la psy qui s’avère au delà de mes attentes. Son remplaçant, Tristan de la Villecombière m’expédie en moins de 5 minutes:
— Monsieur ? Il pose à peine les yeux sur moi. Venez !
Je me lève de mon siège de la salle d’attente pour me rendre jusqu’à son bureau tout en me demandant à qui j’ai à faire. Ma thérapeute est une grande blonde sèche, au regard professionnel et aux mains manucurées. Rien à voir avec ce gars parfaitement antipathique au premier abord.
— Bon, j’ai parcouru votre dossier. L’employé qui se fait harceler par un chef d’équipe tyrannique de 10 ans son cadet. Je vous comprend. Jamais pu saquer le genre kapo qui fait de l’excès de zèle sans comprendre que tôt ou tard il sera dans la même situation que vous. Je prolonge votre arrêt de travail. Six mois supplémentaires ne seront pas de trop ! Ainsi vous aurez le temps de réfléchir à un autre métier… ou peut être se sera t-il fait virer d’ici là. Croyez-en mon expérience, les excités du résultat ne durent jamais bien longtemps. En terme de prescription, je vous renouvelle le seroplex ainsi que le lexomil. Un minimum pour supporter la vache qui vous sert de femme. Veuillez m’excuser, mais c’est ainsi noté dans votre dossier. Je compatis. Autre chose ?
— Non.
— 60 euros. En liquide. Si vous ne les avez pas sur vous, il y a un distributeur au coin de la rue. Je vous ai noté dans mon agenda. Le mois prochain, même jour, même heure. Au cas où vous souhaiteriez discuter, sachez que subir votre complainte ne m’intéresse pas et que je ne vous serez d’aucune aide. Vous êtes le seul à pouvoir changer la situation. Rien d’inexorable croyez-moi. Au revoir monsieur.
— Merci… Au revoir…
Sur le pallier sans avoir eu le temps de dire ouf, ordonnance et arrêt maladie en main. Une tête de con ce psy mais diablement efficace au demeurant !
Les rues sont calmes. Ils sont tous réfugiés dans les magasins en train de faire leurs achats de Noël. Les décorations sont soignées. J’apprécie l’effort qui est fait par la société de consommation pour tenter de nous distraire de la merde dans laquelle elle nous a plongé.
Lever les yeux au ciel et contempler les nuages qui errent.
D’où viennent-ils, où vont-ils ?
Peu importe… je continue d’interroger le ciel sans attendre de réponses.
Les pieds sur terre, encrés dans le concret, l’utile et le nécessaire.
Hier j’avais envie de me fabriquer un château intérieur pour y ranger mes pensées profondes et cesser une bonne fois pour toute de parler à tort et à travers.
Force est de constater que je suis incapable de conceptualiser un tel édifice. En conséquence de quoi je compte faire une prison, ça me semble être un bon compromis, mais je ne sais pas si ce sera un lieu très efficace pour canaliser mon inaptitude à tenir ma langue.
Une bonne mise au silence est parfois tellement nécessaire…
Miroir mon beau miroir… entre le reflet de la société déliquescente, des individualités toujours plus exacerbés, des peur et des crimes qu’on nous relate avec toujours plus d’appétit.
Comment trouver la clé du positivisme ?
Une attitude volontaire et acceptante, capable de laisser de côté les drames inhérents de l’existence et de privilégier ces impalpables moments de plénitude solitaires ou collectifs.
Suivre un guide qui nous indique le bon chemin vers le beau, le bien, le vrai. Laisser de côté la facilité pour choisir le rire plutôt que les larmes, le partage au lieu du tout pour soi.
L’amour comme fil d’Ariane et les sens satisfaits de la simplicité du goût de la vie sans amertume ni regrets.
Sans inquiétude ni faiblesse.
Réunion avec la nature, communion avec les êtres.
Amour.
Rien à voir avec la dernière console à la con ou la profusion de bouffe du réveillon.
Cette année, Alix veut un bijou comme cadeau, pour crâner devant ses copines. J’aime bien employer le mot « crâner » volontairement regressiste.
Un point positif tout de même malgré ma délicate situation professionnelle, je touche l’intégralité de mon salaire (moins les primes bien entendu), mais j’ai la chance d’avoir une bonne convention collective. Même si je ne roule pas sur l’or, j’ai de quoi subsister et faire plaisir à mes proches. Simple expression, je n’ai pas de proches… à part Alix bien entendu. Un peu trop proche d’ailleurs… Loin, très loin, si loin de la vie d’Eloïm…

Costume noir. Chemise blanche immaculée impeccablement repassée. Noeud papillon en soie noir. Le gourou se tient droit. Debout. Serein, au centre de la pièce. 20 m2. Faiblement éclairée, simplement équipée d’une table industrielle en acier sur laquelle trônait un iMac de 27 pouces.
Il balaie d’un regard circulaire, méprisant, les membres du conseil d’administration de l’organisation réunis en session extraordinaire. Eloïm ne forçait pas son talent, il imposait naturellement sans laisser place à la contestation, même induite, son statut de chef.
La réunion se déroulait dans la salle secrète du Centre de Thunder Bay, Ontario, au Canada. Un bunker au troisième sous-sol.
Les accès étaient verrouillés par des codes digitaux, vocaux, chiffrés.
Si le leader du mouvement tuait quelqu’un ici, personne ne le saurait jamais. Pas même un autre membre du conseil.
Chaque participant prit place dans une petite pièce fermée insonorisée.
Seule une baie vitrée teintée leur permettait de voir la pièce centrale dans laquelle Eloïm présidait (un simulacre de «démocratie» nécessaire).
Les administrateurs votaient par le biais d’un boîtier pourvu de deux boutons: vert et rouge. Ils pouvaient rédiger des messages à l’aide d’un clavier relié en wifi à l’unité centrale du chef. Eloïm était le seul à pouvoir lire, modérer ou diffuser leurs interventions.
La hiérarchie séphirotique s’avérait absolument cloisonnée. Bien que de simples fantoches, chacun d’eux avait son utilité. Eloïm s’assurait de leur probité par des enquêtes, des écoutes, des filatures régulières, cela lui permettait de mesurer leur indéfectible attachement à l’ordre en général et à lui en particulier. Les noms des différents participants s’affichèrent sur leurs écrans de contrôle dès insertion du jeton de présence dans le monnayeur situé devant eux. Le gourou n’appréciait pas les surprises. Il avait mis au point un système complexe de leurres pour «protéger» l’identité des membres du conseil, mais il connaissait leur profond égotisme et savaient qu’ils se targuaient dès que l’occasion se présentait de cette fonction.
Neufs pseudonymes sur les dix membres du conseil apparurent en vert sur les différents écrans.
Kether, Ḥokhma, Bina, Ḥessed, Guebhoura, Tiph’ereth,
Neṣaḥ, Hod, Malkhouth
Yessod avait la meilleure des excuses pour ne pas être présent à la réunion, il faisait partie des victimes de «l’accident». Son pseudonyme s’inscrivit en rouge et son identité en noir.
Léo Admonakis: Yessod
Un même frisson de peur parcouru les membres du conseil.
Eloïm savourait son effet. Ils devaient tous comprendre que personne, absolument personne, n’était à l’abris ou protégé, quel que fut son rang ou sa notoriété. Ils devraient de plus vivre avec ce nouveau secret, car s’ils ne respectaient pas la loi du silence, ils mouraient. Logique simpliste mais efficace. Il n’y avait ni alternative ni échappatoire.
— Chers membres de notre remarquable institution nous allons procéder à l’ouverture de la séance. Guebhoura assurez-vous que nous sommes bien en sécurité.
Guebhoura (Oliver Wellington, héritier d’une noble famille anglaise, informaticien présumé coupable à plusieurs reprises pour des faits de hacking, jamais condamné), grimaça. Il craignait de plus en plus cet être dangereux et habité qui pouvait d’un claquement de doigts décider de leur sort, mais il lance toutes les routines informatiques pour se prémunir d’une éventuelle intrusion dans le système et active les 94 caméras réparties dans et autour du bâtiment.
— Tiph’ereth (Marie Villemont, française, richissime veuve, adepte de la première heure et secrétaire contrariée). Vous consignerez les écrits de ce jour dans notre registre secret. Abordons l’unique point de l’ordre du jour. L’avenir de la communauté. L’opération « Maison Brûlée » est une réussite absolue. Nous avons éliminé la majorité de ceux qui menaçaient l’ordre à court terme et par la même occasion réalisé une formidable opération financière. Une nouvelle ère s’ouvre dorénavant pour notre communauté. Nous aurons bientôt un autre membre pour remplacer Yessod et assurer la pérennité du conseil. Mais avant cela je vous ai convoqué pour vous faire part de mon souhait d’ouvrir une nouvelle antenne aux Etats-Unis. Nous bénéficions là-bas d’une excellente presse, surtout après l’événement tragique qui nous afflige, 78% des sympathisants locaux l’imputent aux islamistes. Nous ne démentons pas. Le processus de victimisation nous place dans une position idéale. Nos centres regorgent de demandes d’adhésion. Les dons affluent. Nous organisons la semaine prochaine dans chaque établissement une soirée en l’honneur de nos martyrs. Sont confirmés pour l’instant soixante quatre stars mondiales de la musique, qui vont d’ailleurs faire une chanson commune en l’honneur des victimes, une centaine de célébrités de première catégorie, des sportifs, et notre tête de proue, top-models et personnalités du Gotha. Tous les médias sont acquis à notre cause. Vos feuilles de route vont s’afficher sur vos écrans. Mémorisez les et faites en sorte de respecter scrupuleusement les consignes.
Eloïm parcouru distraitement la flopée de messages qui émanait des membres du conseil, il ne répondit qu’à une seul.
— Le journaliste ? Je m’en occupe personnellement. Vous pouvez disposer.
Ils sortirent des box les uns après les autres, les yeux bandés, neuf voitures étaient prêtes et les disséminent aléatoirement aux quatre coins de la ville. Ils ne sauraient jamais où ils étaient allés, ni avec qui.
Eloïm quitte à son tour les lieux. Il envoie un texto on ne peut plus clair à sa Mata Hari : «Vespale où en es-tu ?» La réponse est quasi instantanée: «Je suis chez lui, tout se passe comme prévu». Le gourou appréciait beaucoup les talents de cette jeune recrue, il devait s’en méfier.
La sonnerie de son téléphone professionnel retentit dans l’habitacle. Johan le chauffeur – garde du corps, décroche dès qu’Eloïm lui en donne l’ordre.
— Monsieur le Président ? Nous sommes en route…

Cette version me plait. Il faut absolument que je l’écrive. J’ai de plus en plus envie de développer l’histoire autour d’Eloïm. Le raisonnement est sans doute simpliste mais les méchants sont malheureusement toujours plus profonds que les gentils.
J’entre au hasard dans un salon de coiffure qui fait également barbier. Je me sens quand même mal à l’aise. Vite penser à autre chose pour ne pas angoisser; que des perles froides de sueur ne coulent pas dans ma nuque.
Je patiente une demi-heure sans café ni revues, j’observe le comportement inepte et dérangeant des clients. Vieilles qui jouent les dames du monde, minaudent sur un bigoudi, s’enflamment pour une conversation sur les têtes couronnées, raffolent de la petite coiffeuse tatouée qui, cependant, si elle était leur petite fille, serait chassée de la famille à grands coups de balai en raison de son apparence trop licencieuse et de ses tatouages qui font mauvais genre. Les tireurs de gueule. Les bavardes. Les «en famille» qui démontrent à l’ensemble du salon leur incapacité à gérer leur progéniture.
Une stagiaire s’empare de moi, m’aide à enfiler le peignoir, m’invite à passer au bac. L’eau est tiède. Elle me demande si ça va je dis que oui mais j’aurai aimé que l’eau soit un peu plus chaude. En revanche j’apprécie la manière dont elle me masse le cuir chevelu. Cela ne dure qu’un trop bref instant. La petite jeune me frotte vigoureusement le crâne et m’installe sur un siège pivotant face à un énorme miroir. Je ne me regarde pas dedans, je zieute tous ces petits culs et paires de seins qui s’agitent en tout sens pour ratiboiser, couper, élaguer, sécher, teinturer, laver, ranger, encaisser.
Magalie, déduction basée sur le badge qu’elle porte à la commissure de son opulent sein droit, me demande quelle coupe je souhaite. Je n’en sais évidemment rien. J’opte pour un pas trop court pas trop long «cache misère». Pour la barbe elle me suggère un effet trois jours auquel je souscris avec enthousiasme, par un léger hochement de tête.
Ciseaux en main, elle m’entreprend dans une conversation sur le thème de la météorologie. J’arrive à donner le change même si je trouve cela d’un ennui profond. En vingt minutes mon aspect a considérablement changé. Je n’ai pas rajeuni mais je suis plus conforme à ce qui est attendu d’un quadragénaire français au XXI°ème siècle.
J’apprécie mon reflet même si l’angoisse me titille l’estomac, un physique de clochard n’amène aucune responsabilité, on peut se montrer désagréable ou apathique, l’homme de la rue ne vous en tient pas rigueur, au pire il vous plaint au mieux ils vous ignore. Mais dès que vous semblez appartenir à son monde, alors il attend de vous ce qu’il ne donne pas lui-même.
Seul moyen d’échapper à ce déterminisme capillaire, être snob. Accéder au prétendu cran supérieur social. Costume – cravate de chez le bon faiseur et air dédaigneux de rigueur. Incarnation pour le commun de la haute société qu’elle vénère et qu’elle redoute. L’homme soigné bénéficie au plus de traitements de faveur (sourires hypocrites, regards craintifs, attentions particulières), sinon de la même ignorance que le pouilleux.
Singulier par nature et par conviction, incapable de répondre à l’attente du simple quidam, je suis donc dans l’obligation de faire ces efforts vestimentaires. Je n’ai pas le choix. Y aura-t-il un impact sur mon écriture ? Mon apparence extérieure, raisonnera-t-elle dans mon intérieur ? Unique regret, Alix va a-do-rer !
Le reste de la journée se déroule devant l’ordinateur. Alix rentre du boulot super tendue, persuadée que je suis en jogging et t-shirt, un mince espoir que je sois tout de même allé chez le coiffeur. Sa surprise est de taille et sa mâchoire pratiquement décrochée lorsqu’elle me découvre barbe taillée et coupe fraiche, en costume croisé six boutons avec un col en piques. Le tout dans une flanelle en laine et cachemire, noeud papillon en flanelle assorti et chaussures derby. Sans omettre la chemise à boutons de manchettes. Sur le cul la grosse !
— Bon on y va ? Dis-je comme si tout cela était parfaitement normal.
— Euh, dans un petit quart d’heure le temps de me préparer. Tu ne crois pas que tu es peut-être un peu trop habillé ?
— Je ne trouve pas, c’est le syndrome «dépressionnaire»: un coup je me néglige, un coup je prends soin de moi. Tu préfères que je me change ?
— Non, non, non, non, tu es parfait, tout est très bien ! La coupe super, la barbe aussi. Je suis vraiment très heureuse.
Alix s’enferme dans la salle de bain: « décidément ce mec va me rendre folle moi aussi ! » Pantalon noir, chemisier en soie blanc, veste noire, collier de perles et talons hauts noirs. Chic et sexy. Un peu de rouge à lèvres, un soupçon de fond de teint. «J’espère que Zaza va apprécier.»
Nous arrivons chez les Leroy légèrement irrités… les explications erratiques d’Isabelle nous ont couté une putain de demi-heure pour trouver leur lotissement. Un cauchemar.
Alix a insisté pour s’encombrer les mains d’un bouquet Sensation de chez Interflora (Bouquet rond de fleurs variées à dominante rouge. Parce que les fleurs savent aussi exprimer votre message avec force et conviction.) 41 euros et d’une bouteille de vin rouge, un Pessac Leognan La Gaffelière 2009 à 75 euros. Même si je pense incongru et exorbitant, je me tais, d’autant plus qu’Alix me gratifie d’une amabilité rare depuis notre départ de la maison. J’avais un doute mais je n’en ai plus, la « cahute à Zaza et Jean-Paul » est comme je le présumais un pavillon de banlieue standard et sans charme.
Isabelle nous accueille avec la chaleur hypocrite des cons.
— Alix, ma chérie !!!! Je suis tellement contente de te recevoir, allez-y entrez. Ne restez pas devant vous allez attraper froid. Oh les belles fleurs, elles sont magnifiques. Elle beugle: Jean-Paul… viens voir ! ils ont amené du vin et une belle bouteille en plus.
Alix trépigne de joie comme une collégienne. Je reste derrière elle stoïque et interdit. J’attend qu’Isabelle daigne se bouger de l’entrée et me débarrasse de mon trench coat. Jean-Paul arrive en trainant le pied. L’air boeuf. 1m85. 110 kilos au bas mot. moins de 10% de muscles. Le reste composé de graisse et d’os. Chemise violette brillante ouverte jusqu’au nombril. Chainette en or autour du cou. Gourmette au poignet. Chevalière en or. Arrêtez tout… J’ai en face de moi le grand gagnant de l’aventure MasterPlouc. Convoquons la presse et les caméras, formons la haie d’honneur… Il s’empare de la bouteille. Le sosie de Mister T se donne le genre érudit:
— Hummm… Je connais pas… mais c’est un bordeaux !
Finalement je sens que je vais me régaler. Du très haut niveau. Si tous les ingénieurs sont comme lui, je comprends mieux pourquoi nous sommes dans la merde…. Ma chère et tendre pousse des ah et des oh tandis que Zaza nous fait faire le tour du propriétaire. 120 mètres carrés de mauvais goût. La chambre parentale (ils ont deux enfants de huit et onze ans expédiés pour la nuit chez pépé et mémé) est paroxysmique: Miroir au plafond et lithographies inspirées du Kamasutra. Il ne me faut pas dix secondes pour deviner qui a pu donner à Alix l’envie d’aller en club libertin.
Je n’ai d’ailleurs pas immédiatement remarqué, mais Zaza est habillée d’une jupe fendue ultra courte et d’un haut hyper décolletée. Grande et maigre. Rousse. Elle contraste avec Alix nettement plus petite et replète. Laurel et Hardy version féminine. Je suis pas très fan de son physique mais son air de bourgeoise pute me trouble quand même un peu.
Nous passons enfin au salon. Jean-Paul nous attend, assis sur le canapé en cuir blanc. Jambes écartées (du style je ne peux pas croiser les jambes j’en ai une trop grosse).
Isabelle nous prépare des kirs en apéritif. Impossible de ne pas voir son soutien-gorge lorsqu’elle se penche ou sa culotte quand elle s’assied, ou plutôt se love sur son mari.
Je jette un coup d’oeil à Alix qui semble apprécier la vue. Putain… mamour aurait un côté lesbiche ? C’est la meilleure !
Nous restons silencieux un petit moment, «dégustons» les fameuses bouchées au saumon d’Isabelle. Grasses et lourdes. Il faudrait du débouche canalisation pour les faire passer, je prie pour ne pas mourir étouffer. Tu m’étonnes, avec un tel «talent» culinaire à la maison, moi aussi j’aurai un physique de Samoan. Jean-Paul m’interpelle.
— Alors ? Zaza m’a tellement parlé d’Alix qu’elle n’a presque plus aucun secret pour moi… il le dit avec un ton désagréablement concupiscent qui fait glousser Alix. Mais toi, qu’est-ce que tu fais dans la vie ?
Je répond du tac au tac:
— Je suis écrivain
Alix manque de s’étouffer, prend la parole presque en s’excusant,
— Il n’est pas écrivain. Il est commercial, mais il pense à se reconvertir dans l’administration ou l’informatique.
Jean-Paul ne relève pas… a l’air intrigué.
— Ecrivain ? Intéressant. Déjà publié, ou pas encore ?
— Je travaille sur mon premier livre.
— Ah et il parle de quoi ?
Il se sert un énorme verre de vin sans nous en proposer alors que nos verres sont vides.
— Pour résumer, c’est l’histoire d’un aviateur qui, à la suite d’une panne de moteur, a dû se poser en catastrophe dans le désert du Sahara et tente seul de réparer son avion. Le lendemain de son atterrissage forcé, il est réveillé par une petite voix qui lui demande : « S’il vous plaît… dessine-moi un mouton ! » …
Zaza semble déconcertée.
— Mais, ton histoire, on dirait le Petit Prince !
Je fais l’étonné.
— Comment ça, ne me dit pas que quelqu’un a déjà écrit mon roman ? Des mois que je travaille dessus. Ah non mais ça pue l’espionnage industriel ça !
Alix me jette un regard ak47. Je me reprends:
— En réalité, il s’agit d’un thriller horrifique sur des ingénieurs cannibales qui ont été contaminés par un gaz radioactif.
Pas question que je dévoile ma véritable histoire.
Jean-Paul s’esclaffe
— Je te prédis un carton ! Mais faut pas que t’oublies de mettre du cul dedans. Tout le monde aime le cul. N’est-ce pas ma chérie ? Isabelle lui rend un sourire gourmand.
Je rêve ? Il y a une caméra cachée ? C’est pour une émission sur les couples libertins ? Au début j’aimais bien le concept, mais progressivement je trouve leur attitude glauque et leurs manières déplacées. Alix pour sa part est extatique, dans l’espèce de petit couple qu’elle forme avec Zaza, c’est la grande maigre qui domine.
Les banalités d’usage s’enchainent, je somnole un peu, sollicite au max Jean-Paul qui finalement est ravi d’avoir trouvé un compagnon de beuverie et me resserre aussi souvent que possible, toujours après lui.
Isabelle s’enflamme sur son prochain voyage:
— Oui, parce que nous partons à la meilleure période de l’année… tu sais… il fait 24° en moyenne… mer des Caraïbes… 600 kilomètres de plages, de nombreux parcs nationaux, dont certains comme le parc national Armando Bermúdez permettent la randonnée ou d’autres comme le parc de Los Haïtises les excursions à travers la mangrove.
Ma parole, elle a appris par coeur wikipedia ! Je tente une offensive juste pour juger de la solidité des connaissances.
— La mangrove ?
Isabelle marque un temps d’arrêt et comme une enfant déclamant sa récitation.
— La mangrove est un écosystème de marais maritime incluant un groupement de végétaux principalement ligneux spécifique, ne se développant que dans la zone de balancement des marées appelée estran des côtes basses des régions tropicales. Elle sourit, satisfaite d’avoir réussi ce test.
Je ne suis pas sûr qu’elle sache vraiment de quoi elle parle, mais comme je n’en sais rien non plus et que je m’en contrefous, je n’essaie pas de la faire passer pour une conne, ce qu’elle est de toute façon. Mamour est admirative.
— Comme vous avez de la chance. Quinze jours au paradis. Tu m’enverras une carte postale ?
— Bien sûr ma chérie ! Même des mails. Jean-Paul prendra des photos de moi sur la plage. Là-bas on peut faire du naturisme quasiment partout.
Alix rougit. Bon, soit je suis complètement bourré, probable, soit il se passe un truc vraiment chelou entre elles.
Piqué au vif, je lance quand même une ogive.
— Finalement, vous ne partez plus au club à Punta Cana comme tous ces connards de touristes français ?
Silence gêné, Isabelle concède un léger:
— Nous partons avec un Tour Operator dans un club en «formule all inclusive» mais on fait ce qu’on veut quand même !
J’adore, je suis comme un gamin qui vient de commettre un bruit incongru pour se faire remarquer et qui attend qu’on le punisse. Manifestement tout le monde s’en branle. O tempora, o mores.
Après une interminable conversation professionnelle entre Zaza et Alix, florilège de commérages et de calomnies, Jean-Paul se lève.
— Je vais en cuisine, nous n’allons pas tarder à passer à table et il faut carafer votre piquette.
Je reste coi. Seul dans le salon pendant qu’Isabelle débarrasse la table et qu’Alix au garde à vous, s’empresse de l’aider. Ils peuvent prendre leur temps, j’ai encore une demi bouteille de blanc devant moi. Je me dis que ça fait quand même des mois que je n’ai pas pris de nouvelles de mes potes (ou assimilés comme tels), j’en profite pour passer un coup de fil à Olivier, histoire de bouger un peu… comme au bon vieux temps. Processus de re-socialisation amorcé.
— Olive, c’est moi, est-ce que tu es dispo la semaine prochaine pour un barathon ?
— Salut, écoute en ce moment je traverse une période difficile, Anne vient de perdre son emploi et le petit dernier a des problèmes respiratoires, le médecin m’a dit que je dois faire gaffe j’ai des problèmes de cholestérol et un risque de diabète. Et toi ça va ?
— Ouais… Olivier tu m’excuses mais je suis chez des amis, je peux pas trop parler, j’espère que tes ennuis vont vite s’arranger. Tu as mon numéro, tu n’hésites pas à me rappeler dès que tu veux sortir. À bientôt. Je raccroche.
Décidément j’ai la guigne, le sort s’acharne. J’hésite à contacter Abdel qui est un bon copain mais sera vraisemblablement réfractaire à un barathon, musulman pratiquant.
Je réalise que j’ai un cercle relationnel très limité, asséché. Les amis d’hier se sont mariés, ont des enfants, les autres ont pris le large et mon roman est devenu une entité à part entière qui m’accapare énormément. Un refuge ? Il n’est pas moi, ni un reflet. Il existe dans sa réalité inventée. Mais qui emportera l’autre ? Viendra-t-il avec moi dans mes ténèbres ou est-ce lui qui va m’élever, m’emmener vers la lumière ? L’écriture est une alchimie pâtissière. La justesse des ingrédients, le nappage. Chauffer l’alambic pour transformer le vil métal en or. Je ne connais rien de ces deux disciplines et pourtant la définition me semble juste. Mon esprit divague. Sortir à tout prix de cette prison existentielle. M’évader vers d’autres horizons. D’autres gens. D’autres saveurs… Je suis à bout.
Jean-Paul revient, rouge cramoisi. J’ai entendu, je ne sais plus où, une assertion particulièrement juste: l’homme est un produit grossier de la nature. La preuve par l’exemple.
— Où sont les filles ? Je demande, histoire de meubler la conversation.
— Parties faire des essayages. Il glousse libidineusement
— Ah ouais, excellente idée ! (Tu parles je m’en cogne total.)
— Bon, pour samedi soir on se retrouve à quelle heure ?
— J’en sais rien ? Pourquoi ?
— On va ensemble chez Irene, Alix te l’a pas dit ? Les essayages c’est pour la soirée, tu vois ce que je veux dire ? Il me fait des gros clins d’oeil grivois.
Je suis vraisemblablement en plein délire, les médicaments associés à l’alcool altèrent mes facultés cognitives. Pourtant tout à l’air réel: La table. La lampe. Le tableau. Le canapé. Le gros pervers rougeaud sur le canapé.
— Tu vas voir, l’ambiance est géniale. Les filles s’éclatent sur la piste de danse. Il y a des barres de lap dance. Des cages. Des glory holes. Croix de saint andré… Un coin sauna – hammam. Des espaces câlins. L’endroit est idéal pour des débutants comme vous. Mais rassures-toi, Zaza et moi on sera là pour vous encadrer !
— Y a un bar ?
— T’inquiètes, si tu veux te saouler tu peux. Les mecs n’approchent pas les nanas sans le consentement des maris. C’est la règle. Maintenant si les filles veulent s’amuser entre elles, elles peuvent ! On va rien dire alors qu’on se rince l’oeil gratos.
Mon corps est ici, dans le salon des Leroy mais mon esprit est définitivement ailleurs. Dans un lieu éthéré. Une alter réalité plus séduisante, moins crue et surtout exonérée de gens si tristes au fond qu’ils n’ont plus que les plaisirs charnels comme preuve de leur matérialité.

« Natasha est assise sur le canapé du salon. Elle semble très à l’aise, heureuse d’être là. Je ne sais plus trop à quoi m’en tenir. Je suis tombé amoureux d’elle, c’est un fait. Si c’est une manoeuvre d’Eloïm pour m’attirer dans ses griffes ? Peu importe ; Finalement, est-ce un drame ? Je joue les pères la morale, mais après tout, n’est-ce pas lui qui a raison ? Il utilise et endoctrine les riches, les nantis, les privilégiés du système; tandis que les médias et la machine économique asservissent et ponctionnent sans vergogne chaque jour qui passe les plus démunis, les simples, ceux que je crois défendre et informer. Sour dreams (rêves amers) pour un cœur saignant, une âme torturée, un corps usé.
Natasha m’attire contre elle. Je m’abandonne totalement. Nous faisons l’amour, non pas comme des bêtes sauvages privées de discernement, mais au contraire avec calme, volupté, passion, dévouement, chaleureusement. Notre part de divinité s’exprime dans cet acte essentiel, fécondateur.
L’amour a maintenant un sens pour moi. J’ai envie d’un enfant avec elle. Unis et Ré-unis. Mon destin est désormais entre ses mains… »

Chrysalide en attente de mutation s’ennuie ferme dans son cocon.
Le temps change, le temps passe, les déceptions d’hier reviennent en bourrasques éparses remplir les méandres de la mémoire.
Le corps répond par l’affirmative à cette déliquescence et rien ne compense le spleen, la mélancolie.
Misanthropie passagère ?
Quel baume pour panser les plaies de l’âme, pour dépasser le cadre convenu des habitudes et du mal être ?

— Eh oh, y a quelqu’un ? Houston ici la terre ! Tu commences déjà à fantasmer mon gars ? Attends d’être là bas ! Qu’est-ce qu’elle font… même si j’ai une petite idée ! Jean-Paul s’impatiente, Alors les filles, on a faim nous !
— On arrive, ah les garçons, c’est pas croyable, vous êtes tous les mêmes !
On dirait qu’Alix et Isabelle ont pris une douche. Normalement je devrais être comme Jean-Paul, manifester de l’intérêt pour leurs aventures scabreuses, mais je n’arrive pas à m’y intéresser. Seule mon histoire me préoccupe. La relation entre Natasha, Louis, Eloïm et tous les autres.
— Sinon, tu as vu le dernier match du PSG ? L’arbitrage en France est nul et puis le penalty… comment il a fait pour ne pas le voir ? N’importe quoi, enfin moi je suis l’entraineur je sors Zlatan. Dis donc ton pinard il a la classe internationale à propos.
— Alix est très calée en vin, elle prend toujours d’excellentes bouteilles.
Enfin, lorsqu’on est invités…
— J’ai l’impression qu’Alix est calée dans pas mal de domaines !
Jean-Paul me donne un grand coup de coude qui manque de me faire tomber. Mais quand est-ce que cette soirée se termine ?
Elle glousse, minaude, se goinfre de ces compliments lourds de sous entendus…
— Dis donc Zaza, surveille un peu ton mari… je le trouve bien entreprenant.
— Alors ma chérie, comment tu trouves le rôti de porc ?
Lequel celui qui est à ma droite ?
— Un délice, il faut absolument que tu me donnes la recette, mon homme cuisine très bien, mais il s’entête à faire des trucs asiatiques ou étrangers, je suis pas fan, je digère mal. Mais sinon rien à dire un cordon bleu, hein chéri ?
J’ai envie de lui dire qu’elle n’y connait rien, le rôti est bien trop cuit, même les pommes de terres sont ratées et que dire de la vinaigrette ? Infâme. Jean – Paul bâfre, se sert trois ou quatre fois, Zaza le regarde avec fierté, l’air de dire, il est pas beau mon petit pourceau ? Enfin le dessert, un gâteau au chocolat qui vient heureusement de la pâtisserie. Je suis épuisé et maintenant les éructations verbales qui reprennent avec plus de vigueur sur le thème de la politique. Lieux communs. Clichés. Evidences. Racisme et anti sémitisme larvé. Rien ne m’est épargné.
Je pense: Alcool. Souffrance. Mort. Rejet. Anxiété. Peur. Dégoût. Haine. Obsession. Victimisation. Extrémisme. Psychotropes. Pleurs. Oxygène. Foi. Crainte. Dieux. Plaisir. Désir. Goût. Elévation. Travail. Conscience. Bataille. Exaltation. Transcendance. Mysticisme. Egotisme. Egoïsme. Manque. Besoin. Amour. Touché. Présence. Travail. Engagement. Lumière. Vie. Sexe. Lassitude. Routine. Eloignement. Tragique. Espoir. Imaginaire. Dédale. Labyrinthe. Cicatrice. Douleur. Tristesse. Rire. Confiance. Style. Empathie. Courage. Amitié. Dévotion. Liberté. Dépensier. Jaloux. Envieux. Parapsychologie. Oecuménisme. Envie. Abattement. Renoncement. Centre. Maladresse. Tendresse. Ivresse. Colère. Suicide. Vie. Perception. Emotion. Inapte. Intelligent. Détresse. Trop. Lâcheté. Angoisse. Effondrement. Explosion. Vigilance. Persévérance. Chemin.
La soirée se termine sur des adieux langoureux entre Isabelle et Alix qui s’embrassent à pleine bouche, mais se retrouveront demain au boulot, je me demande comment elles gèrent un truc pareil. Jean-Paul me met sa patte sur l’épaule.
— A samedi et soyez sages, ou ne le soyez pas c’est encore mieux !
Alix s’installe côté conducteur et prend le volant. Elle sourit complètement libérée. Je réfléchis avant de parler: Scénario 1 «Alors comme ça on bouffe du cresson ma grosse loutre ?» Scénario 2 «Cette soirée était géniale, vivement qu’ils viennent à la maison», Scénario 3 «Samedi je suis probablement décédé ne compte pas sur moi.» Pas trop sûr de mes différentes phrases d’accroches, j’opte pour un simple:
— Vous avez l’air très complice avec Zaza
Alix soupire.
— Oui, effectivement, nous sommes très complices.
Je m’endors profondément mais je parviens tout de même à reprendre mes esprits juste avant d’aborder le dernier virage.
-— (…) Et Jean-Paul il est vraiment trop drôle et le rôti délicieux et leurs maisons j’adore la deco et Zaza ; enfin tu sais pour nous maintenant, tu ne peux pas savoir comme je suis soulagée.
Je constate sans surprise qu’elle ne s’est pas rendue compte de mon assoupissement. Le mélange des vins me tourne la tête, écrire me semble compromis pour ce soir et pourtant j’en ai une irrépressible envie. Je me rend compte de la vacuité de mon existence. Les désirs prosaïques de mes contemporains. Leurs problèmes ou leurs joies stéréotypées, stériles, qui ne mènent à rien. Il n’y a qu’au pied du mur que l’homme se révèle ou lorsqu’il souffre dans sa chair, dans son esprit. Quarante ans de passif terrestre à mon actif et qu’ai-je appris ? La plupart des humains vivent par procuration. Ils se créent eux-mêmes des difficultés, se victimisent ou au contraire se glorifient, ne s’intéressent qu’à leur misérable personne et pourtant il suffit parfois de faire le premier pas pour changer la donne, s’accepter pour exister. Des enfants dans des corps d’adultes consumés par le jeu social, prisonniers des conventions, des préjugés et des a priori. Toujours en veille, je capte les conversations des uns et des autres. Il y a longtemps que je n’y apprends plus rien d’intéressant ou de novateur. Je ne suis pas désespéré, j’ai juste abandonné tout espoir. Certains croient se réaliser dans leur sexualité, dans leur progéniture, les autres dans leur métier, se plongent à corps perdu dans ce qu’ils nomment le concret, le raisonnable. Mais au fond à quoi cherchent-ils à échapper ? Combien même le miroir aux alouettes leur ferait miroiter le contraire, nous mourrons tous. Pour ma part je suis déjà mort. J’accepte cet état de fait. Je suis bourré, je raconte sans doute n’importe quoi, mais le coeur y est. Inadapté ? Sans doute. Je subi leur réalité tandis qu’ils dénient la mienne, la réfute, en on peur. Le meilleur exemple de la misère humaine, on le trouve au service des Urgences, la nuit. J’en ai encore fait l’amère expérience le mois dernier quand Alix s’est plantée un morceau de verre dans le pied. Là-bas les laissés pour compte de la société viennent bon gré mal gré soulager leurs douleurs ou mourir. Ils ne reçoivent qu’avec parcimonie le minimum de réconfort moral qu’ils sont en droit d’attendre. Les accompagnants craignent pour ceux qui leurs sont chers, ils attendent parfois des heures inquiets sans nouvelles, dépourvus et abandonnés. De trop rares solidarités se nouent parfois entre les êtres. Dans l’ensemble tout ça m’écœure, me hante.
Alix se couche. Je reste assis à mon bureau, je ne lui ai pas dit bonne nuit, je crois qu’elle s’en fout. La musique se diffuse à travers mon casque relié à l’ordinateur. Cycle naturel. Alternance de jours et de nuits. Les mélopées de Jeff Buckley «Halleluia», «Creep» de Radiohead, «Madame Rêve» de Bashung s’enchaînent et même si je perçois leurs ondes magiques, je me sens sec et froid à l’intérieur.
J’ôte le casque. Je vais à la fenêtre fumer une énième cigarette. Je vois une étoile. Elle m’attire, tout peut s’arrêter maintenant. Il me suffit de prendre une grande inspiration et de me jeter dans le vide. Partir loin de toute cette chienlit, loin de ce monde peuplé d’enfants morts de faim, exploités, privés à jamais de l’innocence. Des adultes enlisés dans les faux semblants, la haine, la cupidité et les soi-disant responsabilités. Je n’ai jamais voulu infliger à un enfant un père tel que moi. J’ai raison. Mon cœur bat à tout rompre, une partie de moi me dis: «Vas y fais le qu’est-ce que tu attends», «qu’est ce qui te retiens», «vas y fais le» «libères-toi». « Allez un peu de courage, tu passes ta vie à te plaindre, à ruminer, à commencer sans jamais finir, tu as l’occasion de te rendre service et par là même de soulager la société d’un poids, dans l’éventualité où tu représentes quelque chose. Ton livre, roman ou histoire ? Une échappatoire d’un instant mais après ? sans but, sans envie, sans plaisir, sans désir, de quoi vivras-tu ? De déception ? de lâcheté ? de fuite ? d’attente de ce moment fatidique mais aléatoire ? » En accomplissant ce geste tu as le contrôle absolu de ton existence. Memento mori.
La vie est ainsi faite pour beaucoup: Barrières, frontières, blocages de toutes sortes et d’un coup tout se restreint à un enclos dont on ne s’échappe pas. Faire vivre l’impossible n’est pas une doctrine, une lubie de philosophe, une fuite du réel. Il s’agit selon moi d’une preuve ontologique de l’existence de l’homme. Sans l’envie d’aller au delà du possible, sans la hargne de dépasser les clivages, les cadres et les restrictions, rien de positif n’arriverait, le conformisme pour seule destination ? autant dire la banale mort. Faire vivre l’impossible mérite d’être entrepris à bras le corps et avec la détermination et l’énergie requise. Dont acte.
Et après tout, si la résolution de mourir coûte autant, que vaut celle de changer, bouleverser le cours des événements, de renaître, de prendre un nouveau départ, d’assumer une nouvelle vie sur de nouvelles bases ?
Une étincelle jaillit en moi. Je remets à plus tard mon projet morbide. J’éteins l’ordi. Je suis résolu. Je vais partir. Où ? Comment ? J’en saurais plus demain matin quand je serai à jeun, capable de réfléchir sereinement. Prêt à assumer un destin.
Un matin tu te réveilles, le cœur et l’âme gorgés de spleen, de mélancolie, tu repenses aux échecs, aux coups durs, à tes actes manqués, à ta lâcheté, à ta finitude, à ta douleur, à ce que tu penses être et à ce que tu penses ne jamais réussir à devenir, ta tristesse est si intense, tes remords et tes regrets si profonds. D’où tout cela vient t-il ? Pourquoi s’infliger ces supplices ? Les gens trouvent leur suprême plaisir dans ce qui leur est suprêmement étranger. Leur vanité y est intéressée; ils rient, applaudissent, remuent l’oreille comme les ânes, pour montrer qu’ils ont bien saisi : « C’est ça, c’est bien ça! » Eloge de la folie Nietzche

Sitôt leurs ébats achevés, Natasha se livre un peu plus sur son passé. Sordide. Ravissante jeune fille de la Volga. Famille confrontée à des difficultés financières. Cédée à la mafia locale à l’âge de 17 ans. Transférée en France après un passage en Italie. Rachetée avec un lot par Sergeï Tchernikesko, un souteneur réputé dans le tout-paris pour la qualité de ses pouliches. Elle était normalement destinée à rentrer au pays pour se marier avec un chef de gang. C’est pour cela que son frère était venu jusqu’en France, mais depuis l’arrestation de Sergeï, Eloïm « veillait » sur Natasha et sur d’autres filles comme elle, qu’il utilisait comme Vespales, sa garde rapprochée, destinées à des missions particulières: Séduire, soudoyer, corrompre et faire chanter les obstacles sensibles à la chair. Emprisonné pour diverses infractions aussi variées que braquage, trafic de drogue, proxénétisme aggravé, meurtre, récidive, il en avait théoriquement pour vingt ans incompressibles. L’avocat de la communauté, un proéminent ponte lui laissait un mince espoir, en apparence, mais verrouillait en coulisse toute possibilité de recours. Sergeï allait pourrir en taule, car telle était la volonté d’Eloïm. Quant à ceux qui voudraient la faire repartir en Russie de gré ou de force ils subiraient la loi du Gourou.
Natasha s’éclipsa comme la première fois sans un bruit, sans un mot. Sa relation avec Louis n’était pas finie, juste entre parenthèse. Ils savaient tous les deux, qu’avant de pouvoir espérer construire quelque chose ensemble Kadmon devait d’abord poursuivre son chemin, se confronter à Eloïm et peut être en finir une bonne fois pour toute avec son démon. Louis ne pouvait d’ailleurs s’empêcher de penser qu’il n’y avait encore pas si longtemps de cela, il n’était rien de plus qu’une coquille vide. Brisé et sans avenir. Le gourou l’avait en quelque sorte ressuscité après l’avoir tué. Démiurge, il lui avait donné un but, une fièvre, un amour. Louis n’étais plus seul désormais, il était en quête.
Le lendemain matin, sûr de lui, il se prépara rapidement et sauta dans sa voiture, gorgé d’adrénaline comme un parachutiste avant un saut. L’enquête devait être reprise à l’origine. Il n’y avait qu’une direction concordante: Le château de Lott.

Interlude
Medhi: «J’ai 3 ans et toi tu viens juste de naître. Je pourrais très bien t’étouffer avec un coussin ou te faire tomber du berceau face contre terre… J’ai 5 ans et je ne le formalise pas, mais je conceptualise ces idées. Je n’éprouve pas de sentiments à l’égard de ce minable petit être, ni des Géniteurs, ils sont là pour me nourrir et me servir. Ils sont fonctionnels. Je réalise que lorsque je souris ou quand je suis amical avec le morveux, ils manifestent leur contentement. Dès qu’ils me regardent, je caresse la joue du gniard et dès qu’ils se retournent je le pince. Il pleure. Je suis le plus fort. Je suis le meilleur. Il n’y a que moi qui compte et le monde tournera toujours ainsi…»
Le temps passe et Medhi grandit, il a 7 ans puis 9 ans. Son système de pensées n’a pas évolué mais s’est affiné. Les coupables de sa naissance ont plus de moyens financiers. Le père est un homme d’affaire cossu et la mère une femme au foyer on ne peut plus respectable. Medhi est prédestiné à vivre comme un Prince. Le petit frère lui fait de l’ombre. Medhi tue le petit frère. Il n’y a aucune preuve de sa culpabilité, mais il est rejeté, écarté du foyer meurtri. Il part vivre le reste de sa jeunesse en pension.
Medhi a 33 ans, il est adulte, il galère mais se renforce. Il change d’identité, devient Eloïm. Décidé à couper ses racines, il retrouve la trace des Géniteurs. Il envoie une équipe pour bruler la maison et exterminer ses occupants, lui pendant ce temps reste dans la voiture, contemple son oeuvre. Eloïm/Medhi se délecte du spectacle, un sourire carnassier déforme son visage impassible. Comme le disait si bien Léon Bloy « Quand on demande à Dieu la souffrance, on est toujours sûr d’être exaucé. ».
— Je suis Eloïm, Dieu, YHWH: Celui qui est l’objet de la crainte.

Le portail électrique s’ouvre automatiquement sans qu’il n’ait besoin de décliner son identité. Il faisait presque partie de la maison maintenant…
Cette fois il emprunte la route en voiture, se gare à l’emplacement réservé usuellement au Hummer ou tout autre véhicule d’Eloïm. Le maitre n’était pas en ses lieux. Louis imaginait la tête du gourou découvrant sa place de parking occupée par la voiture de son pire ennemi…
« Rien à foutre ! » Louis était galvanisé par sa romance avec Natasha « Je suis en mission, à la recherche d’indices et d’ici je vois parfaitement le domaine, ainsi que le bâtiment dans lequel il est entré la dernière fois. Les lumières sont éteintes. Fermé. Sans doute impossible de pénétrer à l’intérieur. Tous les accès doivent être verrouillés. Je ne m’y attarde pas. » Des ouvriers s’affairent sur les ruines du château. La reconstruction demanderait du temps et de l’argent, l’organisation ne manquait d’aucune ressources.
D’après le planning affiché sur le panneau central, les adeptes en nombre important, « comme quoi rien ne perturbe longtemps les hommes » ironisa intérieurement Louis, vaquaient à leurs différentes activités: Yoga – Macrobiotique – Perception de soi – Amour & Confiance – Aqua Gym – Libération de la parole. Le journaliste fit une moue sceptique pour ne pas dire plus: « De la foutaise en stocks, oui ! »
Kadmon regardait attristé les uns et les autres déambuler, sérieux comme des papes, habillés du kimono ou du sari réglementaire. Le personnel affable portait un uniforme composé d’un pantalon noir et d’une veste col Mao assortie, des gants blancs immaculés et souriaient béatement à quiconque croisait leur chemin. Il hésite à les aborder mais ne savait pas quoi leur dire, d’autant plus qu’il ne respectait pas vraiment l’harmonie vestimentaire, avec son jean fatigué, sa veste pied de poule hors d’âge et ses nike d’ado. L’idée de venir ici restait la bonne, il en avait l’intime conviction, mais où aller, quoi faire ? Ses pas le ramenèrent mécaniquement devant la maison VII. La porte n’était toujours pas verrouillé et la caméra qu’il avait détruite toujours pas remplacée. Son cœur frémit, Natasha, avait-elle anticipé son dessein ?
Personne au rez de chaussée, ni à l’étage. Il se frotte les tempes: «Allez, au boulot.» Il fallait qu’il trouve quelque chose. N’importe quoi. Un nom, une piste… La liste ! Mais quel con, depuis le début il avait accès aux victimes et il ne l’avait même pas analysée correctement. Louis fouille néanmoins la maison de fond en comble: Sous le canapé, sous le tapis, dans la cheminée, entre les lattes du lit… il se prenait pour un flic en train de perquisitionner. Soudain il remarque, coincée au fond d’un tiroir de la commode de l’entré, une carte de visite:
Alexandre Absalon. Free speech teacher.
Reboosté par cette incroyable découverte, il confronte le nom avec la liste des victimes. Absalon était noté dans les blessés graves. Louis s’inquiéta: «Merde ! pourvu qu’il ne soit pas mort. J’ai besoin de lui… Eloïm a un autre mobile que l’argent, je le sens.» Il dégaine son smartphone et appelle tous les hôpitaux de Paris et de Bordeaux. Le journaliste après une dizaine d’appels perd presque espoir, mais il s’accroche. Finalement on lui annonce qu’une personne répondant à ce nom était bien hospitalisée à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux, dans le service des grands brulés. Louis s’y rend aussi vite que possible. Il se fait passer pour un proche de la famille. Ils ne bataillent pas trop à l’accueil. On lui accorde une demi heure. Ses jours n’étaient plus en danger mais il restait toujours en soins intensifs. Kadmon passe dans un sas avant d’entrer dans une chambre en Plexiglas. Il faut d’abord se laver les mains, revêtir une blouse, des chaussons et une charlotte. La personne qui est allongée dans le lit ressemble à une momie, recouverte de bandages, intubée, perfusée partout où c’est possible, entourée de plusieurs moniteurs. Absalon tourne péniblement sa tête. Sa voix ne semble plus humaine. Terriblement rauque. Presque inaudible.
— Le journaliste ? Je m’attendais à votre venue.
Kadmon ne s’étonna pas. L’important était d’emmagasiner le plus d’informations possibles.
-— J’ai besoin de comprendre. Racontez-moi ce qu’il s’est passé le soir du drame. S’il vous plaît ? Il s’assit sur une chaise, s’approcha d’Alexandre et l’écouta sans faire de bruit.
Au prix d’un énorme effort Alex se redresse, tente d’éclaircir sa voix mais c’était impossible. Son visage ou ce qu’il en restait se tordait de douleurs.
« Aïe, ma gorge me fait atrocement souffrir. Attendez un instant. Voilà. Je vais vous raconter ce que je peux. Après je vais dormir. J’ai si peu de forces… Vous le savez peut être, je suis membre de la communauté depuis cinq ans. J’ai contribué à l’essor du centre français. Je m’occupe d’un atelier: Libre Parole.
Je suis arrivé au château vers 21:00. A pieds. J’habite dans une maison derrière le château, mais vous le savez déjà sinon vous ne seriez pas là.
Un groupe d’hôtesses, ravissantes, nous attendaient à l’entrée. Membres comme personnel. Elles étaient là pour procéder au tri. Tout le monde n’est pas invité à ces soirées caritatives. Cela ne m’a pas choqué. J’ai l’habitude. Seules des identités compatibles sont acceptées dans nos événements. Une méthode éprouvée pour qu’il n’y ait jamais de mécontents. »
Il toussa avec peine. Le bruit était affreux. Alex reprit son discours.
« Sur le perron certains fidèles trainaient. Heureusement pour eux qu’Eloïm n’était pas là parce qu’il déteste ce genre d’attitude. Tous buvaient du champagne. Ils étaient si beaux, si bien habillés. Ils arboraient fièrement le badge de la communauté, mais les invités ne venaient pas tous de mon centre. J’en ai reconnu quelques-uns qui venaient d’ailleurs. J’étais surpris parce qu’ils n’avaient pas bonne réputation. Je me disais que c’était peut être une technique de notre guide pour les remettre dans le droit chemin. Je me souviens qu’à l’intérieur du château, l’alcool coulait à flots. La djette, un top model au placard pour des problèmes de dope, s’occupait des platines pendant que Léo, l’organisateur de la soirée, était parti faire le beau avec des cadres de la communauté. Elle a enchaîné des super morceaux. J’adore tellement la musique. Sans vraiment chercher à l’écouter, j’ai entendu Léo parler, c’était bizarre. Il était à l’hôtel après une soirée de la communauté, il avait fini comme toujours avec de la coke, de l’ecsta, tout ce qui pouvait lui permettre de croire un peu plus longtemps qu’il était un dieu, que le monde était à lui et qu’on l’aimait sans aucune mesure. Starfucker. Bref, il avoua avoir consommé de tout plus que de raison. Peu de temps après il s’est senti mal. Il a fait des tests sanguins, il avait contracté une forme particulière du virus que nous redoutons tous. Un truc hyper insidieux qui te règle irrémédiablement le compte en un rien de temps, mais sans avoir vraiment d’échéance précise. Pour les filles qui étaient avec lui, il ne savait pas si elles étaient également plombées. Il s’est confié à Eloïm qui lui avait offert cette dernière soirée en cadeau de départ. Un trip ultime avec une fin mystérieuse. L’idée c’était d’affoler une dernière fois les médias. Tout pour le Show. J’étais trop bourré pour comprendre de quoi il s’agissait, sinon j’aurais pris mes jambes à mon cou et je serais parti aussi loin que possible. »
Louis se retenait de le dire, mais il se doutait bien qu’Eloïm allait régler leur compte aux médecins, aux laborantins et aux filles malades ou non. Aucunes traces et surtout rien qui puisse ternir la réputation de l’ordre. Alex ne pouvait contenir une nouvelle quinte de toux. Il n’avait pas le droit de boire. Il souffrait le martyr.
« La piste de danse, comme dans une véritable salle de bal, s’embrasait littéralement, j’allais découvrir un peu plus tard l’horreur de ce mot. Marie, une Vespale était magnifique dans une robe de créateur, elle encadrait Cassandre une jeune paumée qui voulait quitter la communauté. Il devait être aux alentours de minuit en tout cas c’est ce qu’indiquait ma Rolex, un cadeau d’Eloïm. Nous nous amusions comme des collégiens. Stan un nouvel adepte exubérant, exécutait une espèce de danse du scalp. L’index en l’air, il gueulait des « wouh » « wouh » comme une hyène enragée. Ça non plus Eloïm ne l’aurait pas toléré. Cassandre qui malheureusement se trouvait juste à côté s’est faite vomir dessus. Je me suis barré très vite, histoire de ne pas être de près ou de loin associé à cet événement, on ne sait jamais, cela aurait pu me couter ma place. Marie rouge de colère est partie s’occuper de sa protégée traumatisée. Je suis allé fumer une cigarette sur les remparts. Léo faisait de même, il regardait le ciel étoilé. Quand je suis rentré, hasard ou démente coïncidence , Nicolas, mon frère, se tenait face à moi. Marc et Jérome mes proches amis à ses côtés.
Des larmes coulent sur ses pansements.
— Putain les gars qu’est-ce que vous faites là ?
— Nous avons tous reçu en début d’après-midi une convocation pour venir à cette soirée, ça semblait important. Répondit froidement Nicolas.
Marc et Jerome opinèrent du chef.
— On ne s’attendait pas à se retrouver ensemble, on est venu chacun de notre côté renchéri Marc.
Jerome ne cessait de regarder à droite et à gauche, visiblement à l’affut.
Lorsque je m’adressais à eux mon ton était involontairement acerbe ce qui donnait à Nico l’occasion de me provoquer.
— Ta tête a tellement enflée, regarde toi et ta chère Vespale, elle est où ?
Je suis devenu rouge de colère, Il y a des choses qui ne doivent pas être dites. Comme d’habitude on s’est frictionnés un petit moment, remplissant nos verres de champagne frappé. Stan ne revenait toujours pas. Nicolas ricanait de me voir de partir à sa recherche, mais ça fait partie de mon job, de la mission, s’assurer que tout le monde va bien. Mon frère en avait marre de tout et ne croyait plus en rien, ni en notre action, ni en Eloïm. Lorsque je suis revenu, il y a eu un flash de lumière, le temps s’est comme figé, mais accéléré en même temps, je ne sais pas je n’arrive pas à décrire, c’est si confus et puis un vacarme énorme, impressionnant. J’étais au bar installé au 2ème étage, pendant que mes «amis» regagnaient la table délaissée par Marie, Stan et Cassandre à côté de la piste de danse. Je n’ai pas réalisé tout de suite mais j’ai vu l’horreur, des flammes, des éboulements. De la panique, les gens qui se projetaient en masse contre l’entrée du bâtiment, comme les saumons à contre courant. Toutes les issues étaient bloquées. Impossibles à ouvrir. Je voyais Marie et Cassandre blotties l’une sur l’autre, assises sur les marches, à droite de la porte d’entrée, avec le mouvement de foule elles risquaient d’être piétinées mais elles ne pouvaient pas bouger. »
Alex perdait sa voix, en l’écoutant parler et en regardant son visage ravagé, Kadmon ressentait profondément ce qu’il lui décrivait. Il ne dormirait plus pendant des jours. Inévitable, prévisible, inéluctable, tous les qualificatifs étaient applicables à la situation mais aucun ne pouvait reproduire fidèlement ce qui s’était réellement produit lors de cette macabre nuit. Il soupire:
« Léo et Jerome se sont fait écraser en un instant sous mes yeux hagards au bas des marches, produisant un double bruit sourd, mat, disloquant, lourd. Juste à côté de Cassandre qui réalisa après coup et se mit à hurler comme une damnée, suivie instantanément de Marie et la peur s’empara un peu plus de nous. Je suis coincé en haut, je ne peux rien faire. La djette hurle, en flamme, c’est surréaliste. Les smartphones sont dégainés mais il n’y a pas de réseau. Il y en a qui filment. Prennent des photos. Notre «service de nettoyage» les confisquera tous jusqu’au dernier avant de prévenir les secours. J’essaie de descendre, je croise Stan qui git inconscient dans une mare sanguinolente, peut être est-il encore en vie, mince espoir ? Franchement j’en sais foutre rien. Jamais su prendre un pouls, la tension, ce genre de conneries. Yoshida, reine de beauté méconnaissable, parodie humaine, complètement défigurée. On était pas dans un putain de film, c’était la maudite réalité qui nous attrapait au collet et serrait son étreinte. La deuxième détonation me cloua au sol. Je perds connaissance. je suis comme happé, je sens mon corps se dissoudre, une douleur inouïe, je m’évanoui de nouveau. Totalement déphasés par l’ampleur du chaos, ce que je crois être les secours essaient de faire leur travail dans des conditions extrêmes, nous extraient des décombres. J’ai entendu des cris, des gens psalmodier, vu des moribonds, des pantins disloqués. Finalement les corps ont été chargés dans les ambulances. Au bout de combien de temps ? aucune idée, j’ai l’impression que tout s’est déroulé dans une microseconde d’éternité. Gyrophare et sirène, douleur et mort. Une pensée terriblement cynique me traversa l’esprit: pour une fois il n’y a pas eu tromperie sur la marchandise, une soirée de Léo on s’en souvient toute sa vie. Surtout quand c’est la dernière. »
Les yeux d’Alexandre se remplissent de larmes. « Mon Dieu ! Ayez pitié ». Il se saisit du bras de Louis, cherche à parler dans un dernier souffle.
— On a été exécutés. Pourquoi ? Je n’en suis pas sûr, mais ce n’était pas un accident.
— Alexandre qu’est-ce qu’Eloïm aurait pu vous reprocher ?
Il rassemblait ses dernières forces:
— Pour ma part, j’entretenais une liaison avec Marie. En dehors des missions, Eloïm interdit formellement aux Vespales tout rapport avec d’autres personnes que lui. Cela vaut condamnation à mort.
Natasha ? non ce n’est pas possible.
— Est-ce qu’elles peuvent être affranchies ? Alex, réponds moi, Alex ?
Il s’est endormi. Je me retire, une larme coule sur ma joue. Je reviendrai demain poursuivre mon interrogatoire.
A peine une heure plus tard, une autre visite, beaucoup moins cordiale. Une main se plaque sur sa bouche d’Absalon. Il se réveille affolé, perclus de douleurs, les yeux exorbités, son corps se secoue de soubresauts.
— Chut ! Doucement…. Tu as bien fait ton travail. Eloïm est fier de toi. Tes souffrances vont t’être abrégées. Tu es dorénavant digne de figurer parmi les martyrs de notre ordre. En costume d’infirmière, Natasha ne laissait apparaître aucune émotion. La seringue gorgée d’une dose létale de morphine se vide peu à peu dans le cathéter d’Alexandre. Ses yeux se ferment, son corps se relâche. Il retourne à la Jérusalem céleste.

Je n’ai pas du tout envie mais j’y suis. Face à nous, une discrète porte cochère qui ne laisse rien imaginer de ce qui peut se dérouler une fois entrés à l’intérieur. Jean-Paul sonne à l’interphone et se présente. Nous attendons une petite minute. Irène magnifique black longiligne aux seins proéminents et vêtue d’un rien, nous accueille chaleureusement.
— Entrez mes amis, ce soir chez moi Irène, toutes les audaces sont permises. Suivez moi ! Vous aller apprécier…
Je suis en costume noir, chemise blanche et cravate noir. Alix est habillée comme Zaza: Jupe; bas-résilles; haut rouge largement échancré. Affreux et vulgaire. Jean-Paul pour sa part, se croit chez Eddy Barclay, pour une soirée blanche. Nous laissons tout d’abord nos manteaux au vestiaire à une charmante hôtesse aux seins nus.
L’établissement, nous dit la propriétaire, est conçu sur plusieurs niveaux : Au sous sol: Glory Hole, Sauna, Jacuzzi, tables de massage, pièces pour fétichistes. Au rez-de-chaussée, le bar et la piste de danse. Au premier étage un autre bar, des chambres et des pièces « à découvrir ». Irène nous conduit au RDC à une table un peu surélevée dans un coin.
Jean-Paul passe son temps à me donner des coups de coude, à faire la bise à des couples moches et ordinaires. Zaza présente Alix à ses amis de parties fines. Je regarde ma montre. Je ne suis pas à ma place ici. Une bouteille de champagne que nous n’avons pas commandée nous est apportée par la taulière. Zaza l’embrasse sur la bouche en guise de remerciement, Jean-Paul fait de même. Alix les regarde comme des célébrités du petit écran. Les corps qui passent devant moi ne sortent malheureusement pas des pages de magazines de mode, excepté pour quelques unes. Certaines filles sont nues, d’autres en lingerie, les hommes sont en costumes, pantalons et chemises.
Odeurs de parfums et de sexe aseptisé. Les plus narcissiques ne cessent de s’admirer dans les nombreuses glaces stratégiquement situées sur le sol, au plafond et sur un large pan de mur. La musique est un pot-pourri de titres efficaces, house – funk – rock, matinée de tranches de slows destinés à « sensualiser » les échanges entre partenaires…
On aperçoit par ci et par là des mains dans des braguettes, sous des jupes, sur des seins, des danses tantriques ou exotiques. Jean-Paul m’emmène faire un tour.
Derrière un paravant une asiatique se fait doublement pénétrée avec apparemment beaucoup de délectation par un homme bien membré et une femme équipée d’un gode ceinture. Un peu plus loin sur un lit géant, une blondinette mignonne, lèche goulûment la chatte d’une nana quelconque. 5 ou 6 mecs sont autour d’elles, ont sortis leurs queues (pas bien grandes) et se masturbent en attendant leur tour, comme à la sécu.
En bas l’atmosphère est bien différente: Des trans, travelos et autres she males qui s’amusent à bonder des mecs en costards ou habillés en latex.
Franchement, je ne suis pas du tout emballé par ce genre de pratiques. Ce n’est pas ma tasse de thé, mais il faut reconnaitre qu’Irène a parfaitement conçu son Club, pour toutes les sexualités. Un gros notable se fait fouetter le cul, je baille. Je demande à «JP» où sont les chiottes.
— Au fond, à gauche.
J’aurai du m’en douter. Il n’y a pas de verrous aux toilettes qui sont mixtes. Je coince mon pied sous la porte pour éviter d’être ainsi exposé. Je me dépêche, tire la chasse, j’entends des bruits moites derrière moi, on tambourine. Je me dépêche de me rhabiller.
Vision effrayante, une dame bien portante d’une cinquantaine d’années est appuyée les deux mains sur l’embrasure de la porte, perd l’équilibre, me tombe dessus avec son mec derrière elle qui devait certainement la prendre en levrette. Au prix d’une acrobatie monumentale, j’arrive tant bien que mal à contenir le tout. Je suis coincé contre le mur, la femme collée contre moi et l’autre derrière le pantalon baissé qui recommence à la pistonner, comme à l’animalerie.
— Pardon…
— Ah mais tu ne vas pas partir comme ça mon joli !
— Non, enfin si, je ne suis pas trop dans le truc là.
— T’inquiètes tu vas y être dans le truc
Elle me passe sa langue sur mes lèvres, carrément dégueulasse et je sens les secousses de l’autre sur moi. J’hallucine.
— Ah ben ça va, tout se passe bien pour toi, tu t’éclates bien ?
Jamais été aussi soulagé de voir et d’entendre ma rombière. Le couple s’arrête, j’en profite pour m’échapper.
Alix est folle de rage. Hystérique.
— Merci beaucoup, tu viens de me sauver !
— Ouais c’est ça ! pervers ! malade ! tu crois quoi ? On est pas venu ici pour satisfaire tes bas instincts.
Il vaudrait mieux qu’elle se calme, parce qu’elle commence à me gonfler sévère.
— On est là pourquoi alors ?
Elle est rouge de colère, cherche ses mots:
— Tu comprends rien de toute façon. T’es un minable, un pauvre mec dans sa bulle, perdu dans le monde des bisounours, si je n’avais pas besoin de toi pour partager les charges de l’appart je me serais barrée depuis bien longtemps. Tu me débectes, capice ?
Un énorme soulagement me traverse. De toute façon à travers ce prisme du miroir qu’est l’autre, je solde inévitablement mes comptes avec une partie de moi que je rejette, alors autant l’accepter:
— Cette fois c’est bon, je comprends, ouais, Ok !
— Quoi, Ok ?
— Tu viens de me donner le signal dont j’avais besoin.
— De quoi ?
— Tu as raison. Plus rien ne rime entre nous. Je me sens oppressé, malheureux. Pour toi c’est pareil, tu viens de me le dire et puis tu as Isabelle et Jean-Paul avec qui tu vis un truc malsain de ménage à trois. Je n’ai pas de place dans ce schéma là.
— Quoi ? Tu me quittes, mais t’iras où ? Tu ne sais rien faire ! Un gosse ! T’es pas prêt d’en retrouver une comme moi, avec tout ce que j’ai supporté et subi.
— Tu as raison, tu as suffisamment souffert à cause de moi. J’y vais ! Bonne soirée.
Alix est en larmes mais je ne sais pas si c’est de nerfs ou de tristesse. Sincèrement je m’en fous. Je sors de chez Irène, libéré d’un poids, comme après un examen. Ni remords, ni regrets. Un nouveau départ, une nouvelle chance, une nouvelle vie. Je suis le fruit d’une partouze, né dans un club libertin, je démarre donc sous les meilleurs auspices !
Le taxi me dépose devant mon désormais ex chez moi. Je fais confiance à mon instinct pour me guider. Je charge mon sac de voyage du strict nécessaire, j’imprime les pages de mon roman en plus d’une sauvegarde sur clé usb, j’examine rapidement les lieux pour évaluer ce qui est à moi, ce qui partira au garde meuble en attendant que je me retrouve une piaule. Il est très tard. Je n’ai pas le choix, je vais dormir à l’hôtel et demain matin je prendrais le train en direction de Bordeaux. Pourquoi Bordeaux ? C’est une destination comme une autre et j’en parle dans «Au Commencement.» Je m’assois un instant sur le lit. Ce n’est pas elle le problème, ça ne l’a jamais été, je suis la source de tous mes maux et des siens dans notre couple, elle a raison sur beaucoup de points, mais ce qu’elle devenue, ce qu’elle veut faire de notre vie commune ne me convient pas. J’ai besoin de dangers, de confrontations, de challenges, de m’accomplir. Après avoir fait plusieurs fois le tour de la question, je me rend compte aujourd’hui que la seule chose sur laquelle j’ai la possibilité d’influer est ce qui émane de moi, mes actes, mes pensées, mes jugements. Je m’allonge les yeux ouverts mais humides, fixe le plafond. Finalement c’est encore un jour sans. Pas assez psychotropé, pas assez alcoolisé.
Seul, je rumine ma chienne de vie. Trop lâche pour en finir, trop fier pour en sortir, trop confortable dans l’existence, trop d’imagination dans l’esprit, trop de rêve dans le cœur, trop d’égo dans le sexe, trop de souffrance dans le corps, trop de moi partout, trop de je permanent, tellement pas assez de toi (qui ?), tellement pas assez d’amour, tellement de peur, tellement de reproches, tellement de cris, tellement de rage, pas assez d’encre (sur la peau), tellement de larmes, tellement de culpabilité, tellement d’échecs pour si peu de réussites, tellement d’essais pour si peu de transformation. Tellement de faux pour si peu d’authenticité, tellement de pression, tellement de manque, tellement de froid, tellement d’absence, tellement d’abandon. Chienne de vie pour bâtard de moi. Un autre à ma place s’aimerait peut être. C’est parce qu’il n’est et ne sera jamais moi. Souhaitons lui au moins ça ! Putain mais renonce à courber l’échine. Résiste au poids des souffrances, exerce toi sans relâche à garder en toutes circonstances la tête haute. Ce n’est pas une bravade ou l’expression de l’arrogance, mais bien au contraire le signe de l’Homme en route vers son affranchissement. Peu importe les difficultés garde la tête haute, peu importe les rejets garde la tête haute, peu importe les brimades garde la tête haute, peu importe les frustrations garde la tête haute, peu importe les regards garde la tête haute, peu importe les larmes garde la tête haute, peu importe le mal garde la tête haute, peu importe les succès garde la tête froide et haute. Tu seras patient, tu n’engageras que des combats que tu peux remporter, valablement et en luttant à armes égales tout en gardant la tête haute. La vie n’est vécue qu’avec la tête haute et la fierté d’être ce qu’on est et même si certains veulent te casser, te détruire et t’aliéner fait ce que doit, la tête haute, l’horizon en ligne de mire.
Je souffle un bon coup, me redresse, empoigne le sac. J’ai laissé la clef de l’appart à côté d’un mot laconique et sans affect. Je cherche un taxi, je n’en trouve pas. Je marche pendant plus d’une heure jusqu’à la Gare Montparnasse.
Hotel Ibis ? Je prends sans réfléchir. Le préposé de nuit me donne la chambre 33. Fonctionnelle, sans âme, avec douche. Mon réveil est programmé pour sonner à 6:00. Mon téléphone portable regorge de messages que je ne lis ou n’écoute pas. Le lit n’est pas désagréable. J’éteins la lumière. Silence.

Fébrile. Le journaliste passe la nuit à analyser la liste des victimes, à reprendre toutes ses notes sur la communauté, recouper l’histoire des Vespales et leur mode de fonctionnement. Il n’apprend rien de nouveau sur le sujet, en revanche il découvre le lien entre les victimes. La plupart étaient sur la sellette: Médias, affaires. Les autres avaient un contentieux en interne avec le patron de la secte.
8:00 du matin, Kadmon retourne à l’hôpital. L’infirmière de garde lui annonce, peinée, la mort d’Alexandre Absalon. Il s’en était intuitivement douté. Louis hésitait à exploiter une autre piste, le frère de Natasha, mais il n’avait pas assez d’indices pour le retrouver. Il était à court de munitions., faisait les cents pas devant l’hôpital, cigarette en bouche.
— Monsieur Kadmon ?
Armoire à glace, l’air féroce. À priori ne cherche pas son chemin. Le journaliste d’ordinaire plus impétueux osa une timide réponse.
— Oui
— Veuillez me suivre
— Je n’ai pas le choix ?
— Non
« Si Eloïm ne viens pas à toi, c’est toi qui ira à Eloïm »
Une BMW noire qui aurait mérité d’être immatriculée « mafieux 33 » les attendaient. Le molosse ouvre la portière arrière droite du véhicule. Personne dans la rue ne fait attention à eux. Il ne pouvait pas s’échapper. Il s’incline, vaincu. Le chauffeur roule vers une destination qui semblait évidente au journaliste. Le gourou voulait le voir. Le décor défilait à vitesse grand V mais dans le silence de la superbe berline. Arbres, forêts, travaux, maisons abandonnées ou habitées, Louis s’était toujours demandé ce que ça pouvait faire de vivre en bord de route. Probablement la même chose que dans une rue passante de centre ville mais en beaucoup moins drôle. Impossible de faire l’homme brave et courageux, il n’en menait pas large.
La voiture arrive au domaine, mais au lieu de rester en surface, ils s’engouffrent dans un tunnel sous le château. Le chauffeur se gare. Le Golgoth précéde Louis qui descend du véhicule, retient instantanément sa respiration, le parking dégageait une odeur fétide d’humidité. La lumière était faible. Subitement on lui mit un bandeau sur les yeux. Le garde du corps lui maintenait fermement les bras. Impossible de s’échapper, mais en réalité toutes ces précautions étaient inutiles, lui aussi voulait discuter avec Eloïm Ils prirent un ascenseur, franchirent des dédales de couloirs. Louis est projeté sans ménagements dans une pièce vide aux murs de béton nu, hormis deux fauteuils Chesterfield qui se faisaient face.
— Laissez nous !
— Bien monsieur.
Cliquetis d’une clé dans la serrure. Enfermés. Un homme se tenait à l’autre bout de la pièce, dos à lui, en costume noir, les mains croisées, il contemplait par l’unique fenêtre le domaine, son domaine.
— Kadmon
— Mehdi
L’homme tourne légèrement la tête, marque un temps d’arrêt
— Voilà un nom surgit des entrailles du passé
— Sans doute
Louis était sur ses gardes, à la fois excédé par cette mise en scène et curieux de savoir à quoi le gourou voulait en venir.
— Je suis heureux que tu sois là
— Je n’avais pas le choix
— Ne t’offusques pas, le jeu n’est pas pour toi mais pour eux, si je ne donne pas le change et ne théâtralise pas mes actes, je perds de la crédibilité et tu sais bien qu’une grande partie de mon édifice tient dans le culte de ma personne.
Eloïm ne s’échappait pas, analysait les faits avec lucidité, un vrai démon.
— Alors c’est comme ça que ça va se finir
— Louis, Louis, Louis. Il fait volte-face. Jusqu’à présent tes analyses étaient intéressantes quoique désagréables, mais là tu manque de discernement.
Le journaliste s’assied, le fauteuil était confortable. Le gourou prend place en face de lui, il croise élégamment ses jambes. Beau, digne et fier. Captivant. Comme Baudelaire avait raison: « La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas. ».
— L’occasion de te tuer s’est présentée tellement de fois et pourtant cela ne m’a jamais traversé l’esprit. J’avoue que si tu avais poussé le vice à accompagner Natasha voir son prétendu frère tu serais mort.
— Un piège ?
— Pas vraiment, il fallait que je sois sûr de tes sentiments pour elle.
— Je ne te suis pas.
Le gourou se lève, fait quelques pas. S’arrête:
— Pour faire simple, j’ai besoin d’une descendance, un héritier en ligne directe ne tiendrait pas longtemps, soit il développerait le complexe de brutus et je serais contraint de l’annihiler, soit un membre de ma chère communauté le supprimerait, ce qui serait d’autant plus fâcheux, que j’ai réglé le compte des éléments a priori les plus dangereux. J’ai bien réfléchi et j’avoue que le fruit de l’union entre la Vespale et toi est mon option la plus intéressante.
— Quoi ?
— Louis, malgré tout ce que je t’ai fait subir, tu as toujours su garder une certaine mesure dans tes offensives à mon encontre, une retenue qui me prouve ta valeur. Tu n’es pas un faible. Tu es intelligent quoique brouillon et quel symbole pour les opposants à mon ordre !
Le journaliste semblait perdu, il s’était attendu à tout sauf à ça.
— Si je suis ton raisonnement: Je deviens membre de ta communauté, tu organises mon mariage avec Natasha, nous avons un enfant et cette progéniture devient à terme le nouvel Eloïm ?
— Exactement, tu vois quand tu veux !
— Pourquoi je ferais une chose pareille ?
— Parce qu’au fond tu as toujours rêvé de nous rejoindre, parce que tu sais à quel point le monde extérieur est vil et sans intérêt. Parce que je t’offre la chance de devenir quelqu’un, d’important, de reconnu, d’utile.
— Mais tous ces morts ?
— Tu ne vas pas faire la fine bouche ! Oui ils sont morts. Ils ont servi l’ordre, mais ils risquaient de le détruire par leurs actes répréhensibles. Ils sont condamnés de toute façon aux yeux de Dieu. Ici ils viennent absoudre leurs péchés. Si tu savais tout ce que j’ai entendu… entre les veuves qui ont empoisonné leurs maris, les entrepreneurs qui font crever des gosses à la tache pour produire plus et moins cher, les responsables mais pas coupables, crois-moi Louis, il y a des hommes qui ne méritent pas mieux.
Kadmon ne savait pas, ne savait plus, une partie de lui refusait ce discours et une autre s’en délectait, des Thomassins ou des Bonvallet pouvaient bien crever, l’humanité ne s’en porterait que mieux.
— Quel serait mon rôle dans l’ordre ?
— Yessod, enfin Leo Admonakis est passé de vie à trépas, je t’offre son rôle au conseil d’administration et une place de choix à mes côtés, une sorte de bras droit si tu veux.
— Yessod ?
— Appellation donnée d’après les Séphiroth kabbalistiques, cela donne une connotation ésotérique très appréciée des administrés, mais je t’expliquerais tout cela en temps voulu.
— Natasha ?
— Natasha excelle dans son domaine !
— C’est une tueuse…
— Rien ne t’échappe, tu es vraiment formidable. Oui Natasha est une Vespale.
— Alors ?
— Alors, je dois la garder à mon service, je n’y dérogerais pas, elle restera Vespale, ne sera donc pas affranchie, mais elle t’appartiendra, je n’aurais plus de droits sur elle, tu en seras le maitre. Dommage pour moi, une remarquable professionnelle à tous points de vue.
— Si je refuse ?
— D’après toi ? Vous mourrez tous les deux et je trouverais une autre solution pour ma descendance.
— Je peux réfléchir ?
— Non, c’est exclu. Tu dois prendre ta décision, immédiatement et celle-ci est irrévocable.
Dans un souffle qui rejetait tous ses principes moraux, la crainte révérencielle de l’existence de Dieu et autres fondements, Louis regarda froidement Eloïm et dit:
— J’accepte
— C’est marrant, mais je n’attendais pas une autre réponse de ta part.
— Bienvenue Yessod, tu es dorénavant chez toi. Karl va t’accompagner à ta nouvelle résidence, la VII que tu connais déjà très bien, coquin ! ensuite tu te prépareras pour ton intronisation qui se déroulera ce soir, les fidèles n’attendent pas. N’aie crainte, Natasha t’aidera. Nous allons nous voir très souvent au moins dans les premiers temps, ensuite si tout se déroule comme prévu tu auras plus d’autonomie. Dernier point, ne m’appelle plus jamais Medhi, pour toi et pour les autres je ne réponds qu’au nom d’Eloïm et il est de loin préférable que tu m’appelles monsieur.
— Oui… monsieur
— Bien, très bien. Allons croquer la pomme mon ami !
Il appuya sur un interphone dissimulé prêt de la fenêtre.
— Karl, nous avons terminé.
— A très bientôt Louis. Ne me remercie pas, c’est tout naturel.
Eloïm quitte la pièce par une entrée coulissante dissimulée dans un pan de mur. Kadmon avait l’effroyable impression d’avoir conclu un pacte avec le diable.

Dans le TGV. «Espace famille» Monsieur lunettes noires sportives et chaussures de décathlonien au ventre rebondi, est parfaitement concentré dans son magazine oups. Evidemment, il ne s’occupe pas de sa regrettable (à mon sens) progéniture, qui en profite pour assassiner sans vergogne, les oreilles des pauvres passagers placés par la malédiction du destin dans le même wagon.
L’adulte parent responsable, au sens communément admis du terme, érige un système hiérarchique accepté et fondé. Délimite un cadre censé permettre à l’enfant un épanouissement destiné à lui permettre de bien vivre en société. Au passage, il serait flatté, si en récompense du temps passé à son éducation, celui-ci pouvait lui octroyer une gratification sociale dénommée réussite. Le parent est par nécessité sur un autre mode générationnel: Codes sociaux. Technologie. Economie. Système éducatif. Idéologie. Valeurs. De fait s’instaure un clivage encouragé par la société de consommation pour qui l’enfant est l’axe indispensable de son développement. S’en suit une course sans fin dans laquelle le parent ne pense qu’à faire de son héritier un bon élève social et lui octroie plus que nécessaire. L’enfant s’abreuve à la source d’une eau empoisonnée (fait déjà constaté par Aristote) et s’affranchit du cadre imaginé comme idéal par le parent, devenant ainsi l’irrémédiable fruit d’une éducation ratée. La société médiatique extrapolante et bien-disante dénonce comme de bien entendu tout comportement ou attitude non contrôlée, sauf si économiquement récupérable… Responsabilisation et culpabilisation de l’adulte grâce à des exemples marquants, permettent de les sensibiliser aux dangers créés par ce même système et par là même de les complaire dans leurs fallacieuses certitudes. Le meilleur des mondes de 1984 n’est jamais loin.
Madame, regard bovin, est assortie vestimentairement à sa vulgarité naturelle, démontre son absolue absence d’autorité, ainsi qu’un léger penchant pour la délégation de pensée.
A ce propos, n’oubliez jamais que ce sont eux: Les princes du dodo, susu, tutu et bibi, qui ont l’irrépressible besoin de se poser le cerveau après une dure journée de labeur… Radicalement je serai d’avis de balancer hors du train ces désastres de la surconsommation de masse et de la télévision. Qui pour nous sauver ? Qui pour espérer ?
Je travaille sur mon manuscrit papier. Le rendu n’est pas le même que sur écran. Je ne sais pas encore où je vais dormir ni ce que je vais faire. C’est à la fois excitant et angoissant. Les fêtes approchent. Noël tout seul dans une ville inconnue. J’hésite à consulter mon téléphone, mais je résiste. Je préfère aller chercher une bière au wagon bar. Une file interminable de voyageurs attendent comme moi d’être délestés de plusieurs dizaine d’euros pour des collations sans saveurs et pasteurisées. Je reviens à ma place. Le petit dernier de la tribu des ducons à semble-t-il le mal des transports et hurle avec force et conviction sa douleur. J’avale ma bière. Plus que deux heures. Je finis par prendre mon Iphone. Sept textos et autant de messages vocaux.
Alix regrette, s’est expliquée avec le couple des toilettes qui ont corroboré ma version des faits. Elle ne sait pas non plus où elle en est, croit s’être trompée de voie avec Isabelle, à voulu mettre du piquant dans notre vie mais s’y est mal prise, regrette, espère que je vais lui pardonner, est prête à faire des efforts, tout peux s’arranger. Il suffit d’y croire et de le vouloir. Elle a relu mon manuscrit sur l’ordinateur, trouve que j’ai du talent et est prête à m’aider pour que j’aille au bout de mon rêve…
Je n’y crois pas, ça me semble trop beau pour être vrai, cela fait si longtemps que j’attends cela, qu’on s’intéresse vraiment à moi, sans reproches, sans jugements, sans contraintes. M’aimer pour ce que je suis et tel que je suis. Alix a raison, bien sûr qu’on peut changer mais pas en forçant les choses, cela doit venir du plus profond de soi, volontairement et honnêtement. Je lui souhaite beaucoup de bonheur, mais ma vie doit prendre une nouvelle direction. Elle n’en fait pas partie. J’ai tranché. Ce n’est pas juste un nouveau départ, c’est un Commencement. Rien n’est éternellement figé. Tout est dans un état de commencement perpétuel.
Descente du train. Enfin. L’air est frais mais bon. Je prends le tram qui m’amène au centre de la capitale de l’Aquitaine. Tout dans cette ville donne une impression de calme, de tranquillité, de sérénité, je m’y sens bien. Je choisis au hasard un hôtel de quartier qui s’avère charmant. Je dépose mes maigres affaires. Je flâne. Libre, loin de la cohue et du vacarme parisien. Je découvre les belles vitrines du cours de l’Intendance. Marcher m’aide à réfléchir, à prendre conscience de l’espace et du temps.
J’ai cru que le cynisme était une arme, bien sûr tout est critiquable surtout quand on a l’oeil acéré. En un quart de seconde, je peux dezinguer n’importe quoi, n’importe qui, sortir sans états d’âme les pires atrocités, pourvu qu’elles provoquent l’hilarité. En revanche je suis beau joueur on a aussi le droit de me servir quelques vannes mais bien senties attention, je suis comme Hyde. Hyde est exigeant. Hyde se trouve puissant, son arrogance n’a pas de limites et sa soif d’alcool est intarissable. Hyde me séduit, mais Hyde me pourrit. N’ayant pas un portrait comme Dorian Gray pour me décharger de mes excès, je dois tout assumer… Alors préférant le fond à la forme et la vérité au mensonge, je vais tuer Hyde. Trouver la force en moi de m’aimer, de m’accepter, de vivre. Hyde est un phénix, il renaîtra de ses cendres, mais en attendant ce triste moment, le bon docteur Jekyll va profiter d’un peu de plénitude.
Je déjeune dans une brasserie du quartier Saint-Pierre, excellente surprise. L’architecture de la ville est superbe, décidément j’ai peut être trouvé l’endroit où m’épanouir. Mais c’est ici et partout le paradis, le soir quand les étoiles brillent dans le ciel, le matin quand le soleil entre en scène et chaque instant qui nous permet de transcender la souffrance et d’aller au delà des maux. Quand on est pris dans une averse soudaine, on peut, soit courir le plus vite possible, soit s’élancer pour s’abriter sous les avancées des toits des maisons qui bordent le chemin. De toute façon, on sera mouillé. Si on se préparait auparavant mentalement, à l’idée d’être trempé, on serait en fin de compte fort peu contrarié à l’arrivée de la pluie. « HAGAKURE » LE LIVRE SECRET DES SAMOURAIS par Jocho Yamamoto (1659-1719) Imaginer c’est créer, créer c’est rêver, exister c’est créer la vie au présent tout en s’appuyant sur des faits passés et à venir. Le lien entre le tout est l’être, façonné par le temps et l’expérience, l’intuition 6ème sens éthéré complète ce schéma pour le rapprocher de sa forme irréductible d’Homme. Donc je suis. Moralité, je ne suis pas limitable ou circonscrit à un simple rôle, une simple tâche, une enveloppe. Je suis 1, je suis le tout, je suis la vie, je est un soi à moi et à vous, si vous le voulez en âme, corps et esprit. Nous sommes ? Alors imaginons, créons, vivons, existons, sans limites et sans carcans. Pour qu’aujourd’hui soit tous les jours le 1er jour. Il n’y a évidemment pas de gros plans dans la réalité qui viennent souligner les instants T comme dans ces fictions que nous subissons à longueur de temps, mais avec de la rigueur intérieure, il est peut être possible d’arriver à anticiper les événements charnières ?
Caresse du soleil d’hiver sur le visage. Nappes de musique onirique. Plaisir de voir, de sentir, de ressentir. Se remémorer les moments primordiaux, les savourer, les goûter. Vigueur intense du premier jour. Les yeux décillés, grands ouverts sur le monde. Le parfum délicieux de l’herbe fraîchement coupée. La soif étanchée par l’eau la plus fraîche et la plus claire. La faim calmée par le pain chaud et croustillant. La chaleur de l’amour et des rires. Le temps est à soi. Communion naturelle. Délice d’être. Cela durera jusqu’au crépuscule. Le reste n’est que bonheur.
Un matin tu te réveilles le cœur et l’âme libérés, peu importe le passé peu importe les avanies du quotidien, tu ouvres les volets au sens propre comme au figuré et tu es frappé par la beauté de l’environnement, tu es plein de confiance, dans le présent, dans la vie, dans l’existence, tu n’as plus peur, tu ne théorises pas, tu n’interprètes pas, tu saisies tous les plaisirs qui sont à ta portée et ne pense qu’à ce qu’il est dans ton pouvoir d’accomplir. Tu ne renonces pas, tu souris, tu acceptes les autres et tu t’acceptes tel que tu es, pas tel que tu voudrais être ou tel que tu crois être. Comme le dit Nietzsche: « Deviens sans cesse celui que tu es, sois le maître et le sculpteur de toi-même ».

Karl ne semblait plus considérer le journaliste comme une menace, mais comme une personnalité à protéger.
Ils traversent le domaine, le garde du corps l’accompagne jusqu’à la fameuse maison numéro VII, là où vivait il y a encore peu de temps Alexandre Absalon. Mort pour la cause. Mort pour avoir dévié du chemin balisé par le Gourou, le guide tout puissant.
Louis n’avait pas le choix, il lui fallait accepter sans réserve le marché imposé par Eloïm. «Please allow me to introduce myself, I’m a man of wealth and taste.» Manque de pot, il n’avait aucune sympathie pour le diable.
Natasha l’attendait, elle le dévisage attentivement, tente de décrypter ses pensées intimes, ce qu’il ressent, il se focalise de son mieux sur l’amour qu’il lui porte et sur le plaisir qu’il éprouve de la revoir. Surtout ne rien laisser transparaître d’autre. L’exercice s’avère concluant, elle lui saute dessus, s’abandonne totalement, savoure leurs retrouvailles.
— Je suis si heureuse que tu sois là, prêt à relever notre défi, démontrer au monde que notre ordre est ce qu’il y a de mieux, de plus beau. Je sais que tu vas te montrer digne de la confiance qu’Eloïm a mis en toi. Viens je vais t’aider à te préparer pour ta réception. Mon amour, l’enfant, ton enfant que je porte est l’élu, l’héritier de notre ordre.
Louis restait neutre, les yeux dans le vide. Il ne réalisait pas ce que disait Natasha, elle était donc déjà enceinte ?
Ils montent dans la chambre, Toutes ses affaires sont là, rien ne manque, pas même son carnet secret et toutes ses notes, documents, coupures de presse. Il était donc réellement chez lui.
Sur le lit un pantalon de lin blanc, une toge blanche couverte de signes caballistiques. Aux pieds des sandales en corde. Natasha applaudit en le voyant ainsi paré. Il n’ose pas se regarder dans la glace de crainte de perdre définitivement le peu d’amour propre qui lui restait.
— La cérémonie est prévue à 19:30, il est 17:00, il ne faut pas trop tarder.
Louis essayait de se convaincre que tout était normal, qu’il n’y avait pas de raisons de s’en faire, tant qu’il respectait leurs règles, il était a priori en sécurité. Il espérait simplement avoir la force nécessaire pour donner le change. D’un autre côté il était séduit par la mise en scène, le décorum, l’attention qui lui était portée, la ferveur de Natasha était communicative et pourtant Louis n’oubliait pas que même enceinte elle restait une tueuse, capable de l’exterminer sans une once d’hésitation si Eloïm lui en donnait l’ordre.
Les intronisations se déroulaient dans un bâtiment spécial, le D. L’enceinte ressemblait à un grand amphithéâtre circulaire. Une grande piste centrale entourée de rangées de sièges, de quoi accueillir à première vue 20 à 25000 personnes. Le journaliste impressionné interrogea Natasha qui lui confia avoir assisté ici même à des cérémonies gigantesques avec plus de 30000 adeptes réunis.
— Mais rassures toi mon amour ce soir il y aura encore plus de fidèles tout le monde veut voir celui que l’on surnomme le redempté.
Louis avait une boule dans l’estomac, ce genre de manifestations ne s’improvisaient pas… tout était calculé, parfaitement huilé, il se sentait comme une marionnette. Agitée depuis combien de temps ? La panique l’étreignait insidieusement. Quelle serait dorénavant sa vie, ses choix, son libre arbitre ? Esclave d’un fou et d’une dévote.
Les fidèles affluaient dans les travées. Kadmon se tenait en coulisse à quelques mètres de la piste, il y en avait d’autres comme lui, une cinquantaine peut être plus qui attendaient eux aussi d’être intronisés, mais ils étaient habillés en jaunes et avaient comme décors des symboles solaires.
Eloïm trônait dans une sorte de plateforme surélevée. Il parlait dans un micro casque, le son était largement amplifié et résonnait partout, ses discours étaient entrecoupés de musiques classiques et new âge.
Le silence régnait dans les travées. Des assistants faisaient accomplir aux impétrants diverses épreuves. Ils passaient deux par deux sous les viva de la foule. Louis attendait fébrilement. L’anxiété à son paroxysme.
Ce fut enfin son tour, il paradait seul. Il adresse un maigre sourire à Natasha… mais tout amour, toute compassion avait quitté son beau visage. Ses yeux le fixaient durement, implacablement, ils lui glacent le sang.
Un assistant masqué s’empare de Kadmon et l’entraîne au milieu de la piste. Tous les regards se braquent sur lui. Une main ferme sur son épaule lui intime l’ordre de se mettre à genoux, il ne résiste pas.
Eloïm extatique abreuve la foule:
— Fidèles: Nouveaux et anciens. Garants de l’ordre et défenseurs de notre idéal, voyez le redempté. Des années durants il a cherché à nous nuire, à détruire l’édifice que nous avons eu tant de mal à construire et sans la formidable implication de chacun d’entre vous, nous aurions sans doute plié sous ses coups de butoir médiatiques. Il a fallut déployer des trésors d’ingéniosité pour limiter l’impact de ses mots assassins et diffamants. Voyez aujourd’hui le redempté à genoux. Nous l’accueillons dans notre grande et belle famille. À propos de famille, savez-vous pourquoi cet homme est parmi nous ce soir ? Notre Vespale Natasha est porteuse d’une semence bénie et tout naïf qu’il est, il croit être le père de l’élu, celui qui serait amené, s’il s’en montre digne, à me succéder. Idiot ! Pauvre hère, mais je suis le père de cet enfant ! Chaque Vespale a été ensemencée par mes soins et le jour venu, ils devront se battre pour conquérir la place ultime, devenir le prophète et le guide de notre magnifique communauté.
Des tonnerres d’applaudissements descendent des gradins.
Louis tente de se dégager mais la main ne relâche pas la pression sur son épaule.
— Voici le redempté qui demande à être admis parmi nous. Alors… Ne soyons pas bégueule, exauçons son souhait !
Un autre assistant s’approche de Kadmon et l’asperge de liquide. Tout d’abord il croit que c’est de l’eau et qu’on lui prodigue un simulacre de baptême, mais l’odeur est forte, entêtante. De l’essence.
Il ferme les yeux…

Je me réveille en sursaut. J’ai diné dans un restaurant asiatique qui m’a beaucoup plu, ensuite je suis rentré à l’hôtel. J’ai échangé quelques messages avec Alix, pour lui confirmer que tout est fini entre nous et je me suis endormi très rapidement. Le destin de Louis vient de m’apparaitre clairement, une terrible évidence. Que dois-je faire ? Ai-je les moyens de conjurer cette inéluctable fin ? pourtant c’est tellement logique. Je me sers un verre d’eau. Il se noue entre l’auteur et son «bestiaire» une relation si dense, si intense.
Louis hurle dans ma tête, implore ma clémence, mais je ne peux lui accorder cette faveur.
Je ferme les yeux.

Eloïm scandait une sorte de mantra reprit avec ferveur par la foule. Les adorateurs de Bereshit entraient en transe.
Louis à genoux, prostré, la tête baissée, les yeux fermés, savait que rien ni personne ne viendrait le sauver. La mort était son unique porte de sortie. Il avait peur, si peur et soudain la douleur le transperça de part en part. Kadmon brûlait comme un fétu de paille. Son corps s’embrasait, se consumait. Il n’avait jamais ressenti une telle souffrance. Il aurait dû se lever, hurler, leur montrer à tous qu’ils assassinaient un homme. Un être comme eux de chair et de sang, mais il en était incapable. Il voulait pleurer mais ses paupières s’étaient dissoutes. Il n’avait plus d’existence, plus de vie. Il redevenait poussière, comme au commencement…
Le silence régnait dans les travées, une masse informe gisait au milieu de la piste.
Eloïm éructa:
— Allez voir !
L’assistant s’approche de la créature immolée par le feu. Il pose dessus une couverture ignifugée. L’amas de chaires vives ne réagit pas. La bête était bien sacrifiée en holocauste. D’une voix puissante:
— Le redempté est mort Monsieur !
Des cris de haine, hystériques, s’abattent des gradins jusqu’à la dépouille de Louis Kadmon, ricochent sur ce qu’il fut. Natasha participe à ce délire collectif, une main sur le ventre, l’enfant du sacrifié en elle, nourri à la folie des hommes.
Eloïm se retire de l’arène satisfait. Il tuerait la fille et son embryon, mais pas aujourd’hui, chaque chose en son temps. Il passe dans un couloir, s’arrête un instant pour s’admirer dans un miroir. Il se félicite d’avoir faite sienne cette maxime du marquis de Sade: «La soumission du peuple n’est jamais due qu’à la violence et à l’étendue des supplices. »

Libéré et rasséréné ! J’ai réussi à mettre un point final à deux histoires, l’une personnelle et l’autre imaginaire… si j’étais cynique je me demanderais laquelle est la plus réelle des deux ?
Le temps est manifestement venu pour moi de m’affirmer: Raphaël Chevalier. Trente six ans. J’ai passé la majeure partie de mon existence à esquiver, lâchement retranché derrière un mal être pour ne pas affronter le quotidien, mais aujourd’hui je fais table rase du passé et des préjugés. J’ai enfin décidé d’exister.
Installé à la terrasse d’un café dans la rue de la vielle tour à Bordeaux, je savoure une tarte et un café. Deux copines s’asseyent juste à côté de moi. Elles sont pétillantes, fraiches, belles comme le jour naissant. Je ne peux échapper à leur conversation et je souris en les entendant partager leurs confidences. L’une d’elle me demande si j’ai du feu. Je lui réponds par l’affirmative. Sans forcer ni provoquer le destin, nous discutons de tout et de rien. La blonde se montre polie mais distante, en revanche entre la brune et moi, une connexion s’établie:
— Comment vous appelez-vous ? (Intrigué)
— Cassandra (Charmante)
— Raphaël (Charmeur)
— Enchantée, alors, que faites vous dans la vie Raphaël ? (Connectée)
— Ecrivain (Profond)
— Voyez-vous ça, monsieur est écrivain ! (Etonnée)
— C’est mon premier (Troublé)
— Il faut un début à tout (Optimiste) Vous êtes bordelais ? (Curieuse)
— Parisien en exil (Fragile)
— Ah… (Hyper intéressée)
Emilie regarde sa montre avec insistance:
— Cassandra il est temps d’y aller, nous sommes attendus. (Impatiente)
— Bonne journée à bientôt (Déçue)
— Oui bonne journée (Déçu)
Elles marchent quelques mètres. Cassandra à Émilie:
— Merde j’ai oublié un truc. (Menteuse)
La jolie brune bondit jusqu’à ma table, sort un stylo de son sac et griffonne sur une serviette en papier… « Mon numéro, appelez moi ! (Excitée) » Et elle repart en courant.
Je ressens une prodigieuse sensation de bien être. J’ai achevé mon premier roman, tourné la page d’une vie morne et apathique, rencontré une fille qui me plait énormément. Je ne crois pas encore au phénomènes paranormaux, mais c’est le jour où je dois saisir ma chance ! Je retourne à l’hôtel chercher ma clé USB et je me rends dans un magasin spécialisé dans les photocopies et les reliures. Je tire 7 exemplaires de mon roman « Bereshit, Au Commencement. » Le gérant du magasin m’indique l’adresse d’un cyber café dans la rue du Palais Gallien, car je dois trouver les adresses des éditeurs. Apres deux heures de recherches, je vais à la Poste. J’ai scellé mon destin. J’ai respecté tant bien que mal les différentes procédures exigées par chacune des maisons d’éditions, j’espère que ces imprécisions dans la forme ne me porteront pas préjudice…
Il est maintenant temps de se poser les bonnes questions. Je déambule dans les rues. Devant moi se dresse Mollat, la plus grande librairie de France. Et si c’est ça dont j’ai vraiment envie ? Ma propre boutique de livres. Un endroit que je pourrais modeler à mon image… Evidemment le marché sur Bordeaux semble compromis avec un tel acteur. Retourner à Paris ? Je développe de nouveaux rêves, de nouvelles envies. La rencontre avec Cassandra est un déclencheur d’ambition. A son contact même bref j’ai ressenti l’étrange sensation de pouvoir accomplir tout ce que je veux. Se dessine dans mon esprit les contours d’un projet: Une belle librairie ancienne avec des petites tables, fauteuils clubs et un canapé moelleux pour que mes clients s’installent confortablement près de la cheminée… dévorent les livres et surtout consomment des boissons surfacturées. Me trotte également à l’esprit l’idée de me spécialiser dans les livres anciens ou rares, ces livres dont les collectionneurs raffolent et qu’ils sont prêt à payer une fortune. Mes scrupules disparaissent au profit d’une volonté simple, claire et déterminée. Quels sont mes moyens d’action ?
Ne nous dispersons pas. D’abord, priorité à Cassandra. Je vais l’appeler dès ce soir, il faut battre le fer tant qu’il est chaud. Je me connecte sur mon compte bancaire afin de faire le point sur ma situation financière. Il est vrai que mon arrêt de travail ne m’a pas mis dans une situation ultra favorable. Mais comme me l’a si bien apprit Eloïm, je dois privilégier la forme sur le fond. Le magasin Boss m’offre ce dont j’ai besoin, une redéfinition complète de ma garde robe. Chaussures. Pantalon. Chemise. Pull. Veste. Le reflet dans le miroir est au delà du satisfaisant. J’emporte le tout. La note est salée mais j’assume. J’attends 19:00 pour composer son numéro de téléphone:
— Bonsoir Cassandra ! Raphaël Chevalier… nous nous sommes rencontrés ce midi et je voulais savoir si vous étiez libre pour le dîner ?
— Vous ne perdez pas de temps !
— J’avais simplement très envie de vous revoir.
— Et bien, vous me prenez de court… je vais voir ce que je peux faire.
Assis sur le lit de ma petite chambre d’hôtel, le téléphone en main, j’attends impatiemment. La mignonne jeune fille qui fait office de concierge à la réception de l’hôtel m’a parlé d’un excellent restaurant japonais. J’espère que Cassandra apprécie autant cette cuisine que moi… si elle daigne me rappeler. Une demi heure se passe toujours aucun signe de sa part. Je me suis trop vite emballé. Quel con. 20:05, raisonné et persuadé de m’être fait bêtement berné, je pars en direction du fameux restaurant sans réservation mais tant pis on ne sait jamais, ne pas se laisser abattre est mon nouveau crédo. Je sors mon téléphone de ma poche pour utiliser la fonction GPS. 3 appels en absence: deux d’Alix (rien à foutre), un d’un numéro non enregistré. Je rappelle fébrile.
— Ah quand même, j’ai cru que vous m’aviez oubliée
— Pas du tout j’ai attendu que vous me rappeliez !
— J’ai annulé ma soirée avec les fossiles. Où va-t-on ?
— Un restaurant japonais, mais je n’ai pas réservé.
— Don’t worry ! s’ils n’ont pas de table, nous pourrons toujours aller dans un bar à vin, ça ne manque pas dans cette ville !
Tout à l’air facile avec Cassandra.
— Je suis vers les allées de Tourny, vous me retrouvez devant le manège ?
— Ok… a priori je suis là dans moins de cinq minutes.
— A tout de suite !
— Juste le temps d’arriver.
Logiquement, il me suffit de revenir sur mes pas pour parvenir à sa rencontre. Malgré mes tentatives, je n’arrive pas à réprimer une bouffée d’angoisse. Et si je ne lui plaisait pas ? De multiples scénarios me sont passés à travers la tête mais l’issue en était toujours positive. Dès que nous allons aborder le sujet de nos vies, que vais-je raconter ? La vérité crue ? Passer sous silence certains aspects de mon existence ?
Je lève la tête, l’opéra de Bordeaux est une magnifique bâtisse, mais l’heure n’est pas au tourisme. Quelques mètres me séparent maintenant de Cassandra, le plus dur reste à faire: Oublier ces considérations égotistes pour Etre et Agir vraiment. Si une relation doit naitre de ce coup de foudre, alors rien ne pourra l’empêcher, pas même mon passé, ni le sien.
— Raphaël !
Je me retourne. Nos regards s’accouplent. Un coït vif. Instantané. Brutal. Sans un mot, l’un à côté de l’autre nous nous dirigeons d’un pas tranquille et harmonieux vers la place Fernand Lafargue, puis nous discutons. Fumons. Rions, comme si nous nous connaissions depuis toujours. J’attends d’être au restaurant pour vider mon sac sur ma vie, je la dégueule sans que Cassandra ne m’interrompe. Elle ne dit rien mais se saisit de ma main, l’enserre tendrement. Comme je le présumais son histoire est aussi chargée que la mienne. Nous nous retrouvons sur ces points et sur d’autres. Nos esprits fusionnent en attendant nos corps. J’explique à Cassandra mon projet professionnel. Elle y souscrit totalement, me donne le nom d’un «fixer» de sa connaissance qu’elle me présentera, un spécialiste de la chasse aux œuvres anciennes, rares, introuvables qui pourra m’assister dans cette activité hautement lucrative. La nourriture est exquise, le gout de l’amour et du partage ? Nous enchaînons les bouteilles de vin sans être saouls. Cassandra veut absolument lire mon livre. J’éprouve quelques réticences, mais je ne veux rien lui cacher. La vie est ainsi faite, même si cela semble improbable, il n’y a pas de hasard, juste des opportunités à saisir. A trop réfléchir, à s’infliger des barrières, des freins et des douleurs, on s’habitue à l’amertume, à la souffrance mais si comme l’exprime Marcel Proust « « On ne guérit d’une souffrance qu’à condition de l’éprouver pleinement. » alors je suis en totale rémission. J’accepte une vérité essentielle: Même si l’univers est l’oeuvre de quelque chose qui me dépasse, à mon niveau d’humain, je suis mon propre dieu et je suis mon propre diable. J’ai perdu mon temps à me lamenter sur mon existence, à fuir plutôt que de combattre. Je n’ai aucune certitude sur l’avenir avec Cassandra, mais j’ai l’intime conviction que nous sommes dans l’urgence de construire. Guillaume le Taciturne a tout compris: « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Tirer un trait sur le passé ne m’a demandé aucun effort, vivre dans le présent m’en demande beaucoup plus, mais le jeu en vaut la chandelle. Réfléchir pour agir, tendre vers un idéal… Mourir en juste, sans remords ni regrets.
Il était une fois un homme désespéré, qui avait profité de sa dépression pour écrire un livre, mais l’histoire tragique se terminait avec la mort de son héros.
Au bout du compte je me suis trouvé moi.

Kanye West Black Jesus par Karim Madani

Karim Madani est un orfèvre, sa biographie consacrée à Spike Lee m’avait littéralement happé. Il en est de même avec Kanye West et pourtant, je dois avoué que j’ai tourné quelques temps autour du livre… que pouvais-je apprendre de plus que les tabloïds n’avaient pas encore dévoilé ? Allait-il me redonner l’envie d’écouter sa musique ? Quelles leçons de vie pouvais-je m’approprier à travers ses propos ? Force est de constater que Madani a réussi son coup. La vie de Kanye n’est pas un long fleuve tranquille et au delà de l’homme il y a également l’époque, le style, les twists, les coups de génie et les folies. Une oeuvre fascinante à bien des égards…

Tout le monde connaît les frasques de la rock star pourrie gâtée, ses coups de gueule plus ou moins justifiés. Il vire une fan en plein concert parce qu’elle a eu l’audace de se faire remarquer : « Je suis venu ici pour ouvrir une put*** de montagne, et vous essayez de me dicter mon art. Ne m’interrompez pas ! Je suis Kanye West, put*** ! » Après l’ouragan Katrina, il déclare sans filtre : « George Bush n’en a rien à faire des Noirs », puis clashe Barack Obama : « On ne change pas le monde en restant à la Maison Blanche. »

En août 2015, l’époux fantasque et mégalo de la grande prêtresse de téléréalité Kim Kardashian confirme son intérêt pour la chose publique au terme d’un discours de 12 minutes aux MTV Awards (« certains vont se demander si j’ai fumé avant de venir, la réponse est oui ») et annonce sa candidature à l’élection présidentielle…

L’auteur retrace l’enfance atypique de ce gamin de la classe moyenne, fils d’une professeur de littérature et d’un ex-Black Panther, ses débuts dans la musique, le deal fondateur avec Jay Z, dont il relance la carrière.

Producteur le plus important de sa génération, il réalise en 2004 son premier album, The College Drop Out. Conçu juste après un terrible accident de voiture qui manque de lui coûter la vie et marque le début de sa crise mystique du « Black Jesus » – il révolutionne le rap game. Suivront Late Registration, 808’s and Heartbreak, et Yeezus. Au sommet de sa gloire, l’artiste tyrannique et torturé a rendu obsolète le look et l’imagerie gangsta, il tente d’intégrer le monde de la haute couture et ne cesse d’ailleurs de remettre en cause certaines normes, prenant position pour les droits des homosexuels dans un univers où cela n’est pas évident : « On se bat durement pour qu’un Blanc ne nous lance pas à la figure le mot “nègre”. Mais nous faisons pareil avec les gays. » À travers une série de chapitres ultra-documentés, nourris d’anecdotes, de faits historiques, d’analyses sociologiques et d’interviews inédites en France, Kanye West reconstitue les pieces of a man de celui qui a profondément influencé et remodelé la culture pop du 21e siècle.

Broché: 192 pages
Editeur : DON QUICHOTTE (12 mai 2016)
Collection : NON FICTION
Langue : Français
ISBN-10: 2359495356
ISBN-13: 978-2359495355
Dimensions du produit: 20,5 x 1,1 x 14,1 cm

David Byrne & Fatboy Slim Video feat. Santigold – Please Don't

Here’s the video for the Santigold track Please Don’t. We did a photo session for a magazine the other day, and I told the interviewer that on this song, by the time you get to the chorus, she owns it she’s turned it into a Santigold song. Perfect.

There are six of these videos that have been completed for this project. Most, like this one, use news and archival footage to, well, show that every word of the song is true! Most of the lyrics on this one are lifted gently from interviews and quotations the please don’t chorus especially. At some point as first lady, Imelda began to feel that she could help Philippine interests by charming world leaders into seeing things her way. Handbag diplomacy she called it as she liked to imply that to solve a problem, she could bypass President Marcos and just grab a handbag and hop on a plane with some of her assistants. It sometimes worked! There was, for example, an Islamic-backed insurgency rising in the south of the Philippine archipelago, and she thought that a leader in that part of the world, Qaddafi in this case, might help pull the plug on that support if he saw things her way. Apparently he did — the funding stopped and the insurrection lost momentum, and she later described him as a pushover, a mama’s boy.

DB

Joy Division

Réalisé par Grant Gee Avec Ian Curtis, Anton Corbijn, Martin Hannett En 1976, quatre jeunes hommes issus de la post-industrielle Manchester se rendent à un concert des Sex Pistols. Fortement inspirés par ce show auquel ils ont assisté, ils décident de monter un groupe, Joy Division. Près de 30 ans plus tard, malgré une tragédie qui les a arrêtés dans leur élan, Joy Division connaît un succès et une influence plus grande que jamais. Leur héritage résonne tout particulièrement dans une industrie musicale actuelle carriériste et une culture pop surmédiatisée. Grâce à des interviews des membres survivants du groupe, aujourd’hui réunis sous le nom de New Order, et à des archives inédites, Joy Division se fait la chronique d’un changement social et politique en Angleterre et nous entraîne dans l’histoire de ces quatre hommes, qui ont transcendé les barrières économiques et culturelles pour produire une musique atemporelle. www.allocine.fr

 

The Light Of Now", le magazine online de la Maison Elie Saab

Le format « grand-écran » de ce magazine offre une variété de sujets telles que le design, l’art contemporain, la musique et – naturellement – la mode et le parfum… Une ode aux femmes et à la création. The Light of Now propose une vision novatrice de la Maison via un mélange dynamique d’interviews, de reportages, d’articles sur l’héritage Elie Saab, le savoir-faire ou encore le monde intime de la Haute Couture…

Le webzine a été imaginé en réponse à la fidélité des fans de la marque, pour proposer un contenu enrichi et approfondi aux plus d’un million d’internautes suivant la page Facebook Elie Saab.

Pour ce projet, Kassius a accompagné étroitement Elie Saab, du recrutement de l’équipe éditoriale jusqu’à la création du magazine et de sa plateforme. Sous la direction éditoriale et créative de Christophe Huck, une dizaine d’article seront publiés chaque mois (en anglais, français, italien et espagnol), rédigés par une équipe rédactionnelle basée à Paris, ville emblématique de la Haute Couture.

Le premier numéro de The Light of Now sera en ligne dès le 3 mars, à l’occasion du défilé Prêt-à-Porter Automne-Hiver 2014/15. L’événement sera visible en direct, diffusé en streaming, depuis la page d’accueil du magazine.

« ALAN VEGA, CONVERSATION AVEC UN INDIEN »

A paraître le 28 février 2013 sur letextevivant.fr. Le premier livre numérique enrichi entièrement dédié à un artiste : « ALAN VEGA, CONVERSATION AVEC UN INDIEN » d’Alexandre Breton inaugure la collection FUSION des éditions LE TEXTE VIVANT, éditeur numérique multimédia.

Il s’agit d’un rock book intimiste qui mêle texte, photos, son et vidéo. Une monographie qui s’étire sous la forme d’un abécédaire où parcours de vie et carrière artistique tissent des liens étroits Après une première rencontre en 2011, lors du concert à la Machine de la Loco, puis à la galerie du jour agnès b. pour l’exposition « Musique Plastique », Alexandre Breton retrouve Alan Vega à New York en juillet 2012. Ces quatre jours à New York croisent notamment Bob Gruen, le photographe de la scène new-yorkaise des années 70 et 80, Perkin Barnes, le fidèle inénieur du son de Vega, Alex Zhang-Huntai, des Dirty Beaches…  Dans l’atelier de Manhattan, chez lui, et, dans son studio pendant l’enregistrement de son prochain album; « Alan Vega, conversation avec un indien », le livre numérique enrichi prend forme. Une interview exclusive en forme d’abécédaire aborde, tout en digressions, les expériences, inspirations, rencontres, et influences de cet artiste majeur. Puis, l’auteur et l’artiste se revoient à nouveau à Paris, au concert à la Gaîté Lyrique, et pour l’exposition solo « Holy Shit » à la Galerie Laurent Godin, continuant ainsi la conversation. EVENEMENT  | La galerie du jour agnès b. accueillera, mercredi 27 mars à partir de 18 h, Alan Vega et Alexandre Breton pour une signature.  Jusqu’au 6 avril 2013, les images tournées par LE TEXTE VIVANT à New York seront diffusées dans la project room lors d’une exposition des photos de Pierre René-Worms.  galeriedujour.com.

Monumenta 2012 – Daniel Buren

Un grand Bravo aux brillants lecteurs de JetSociety qui ont remporté les laissez-passer et l’album « Daniel Buren Monumenta 2012 » offerts par « Le Nouveau Paris Ile-de-France » et qui ainsi ont pu assister à cette remarquable exposition au grand palais de Paris. Pour rappel: Après l’Allemand Anselm Kiefer, l’Américain Richard Serra, le Français Christian Boltanski et le Britannique d’origine indienne Anish Kapoor, c’est au tour de Daniel Buren, auteur des célèbres « Colonnes de Buren » de transformer la Nef du Grand Palais ! grandpalais.fr  Tous les jours (sauf le mardi) : de 10h à 19h le lundi et le mercredi, de 10h à minuit du jeudi au dimanche. Jusqu’au 21 Juin 2012


Monumenta 2012 – Interview de Daniel Buren par Rmn-Grand_Palais

I Want to Spend the Rest of My Life Everywhere, with Everyone, One to One, Always, Forever, Now

Due to popular demand, this extraordinary book project by Damien Hirst is now available in a reduced format. This dynamic and provocative collection of Hirst’s ideas and obsessions is a powerful combination of text and visual elements. Each piece is set against a visual narrative of drawings, words, photography, typography, pop-ups, and other special effects that make this book like no other. An essay by cult novelist Gordon Burn looks at Hirst’s work and the breadth of its impact. Designed by Jonathan Barnbrook, this is a landmark publication that has redefined the fine art monograph. AUTHOR BIO: Damien Hirst was born in Bristol and studied fine art at Goldsmiths College in London. In 1995, he won the prestigious Turner Prize. He has had recent solo exhibitions at the White Cube, London; the Marble Palace, Russia; Saatchi Gallery, London; Gagosian Gallery, New York; and Tate Gallery, London. Gordon Burn is an award-winning writer of both fiction and nonfiction. His book of interviews with Damien Hirst, On the Way to Work, was published in 2002. By Damien Hirst www.amazon.com

Greatest Of All Time – Hommage à Muhammad Ali

Pour rendre hommage à cette légende vivante, TASCHEN a imaginé un livre hors du commun, aussi fort et vivant que l’homme lui-même, un objet phénoménal qui reflète toute la portée des nombreux exploits d’Ali: GREATEST OF ALL TIME – UN HOMMAGE À MUHAMMAD ALI est un livre puissant, courageux, profond, créatif et d’une énergie fascinante, à l’image de son extraordinaire sujet. Avec des milliers d’images — photographies, œuvres d’art et souvenirs, pour la plupart inédits — de plus de 100 photographes et artistes, des essais spécialement rédigés pour l’occasion, ainsi que les meilleurs écrits et interviews qui lui ont été consacrés ces cinquante dernières années qui parachèvent le portrait du Champion, cette publication est enfin disponible dans une édition grand public abordable. Aujourd’hui, sept ans après la publication de GOAT, nous avons la fierté de publier cette édition économique, afin que le génie d’Ali puisse être enfin partagé par le public le plus large possible. Plus petit par la taille, mais pas par la force de frappe, cette nouvelle version rend le champion à son peuple. taschen.com

RED BULL MUSIC ACADEMY SESSION

avec Jean Michel Jarre (en entretien avec Patrick Thévenin) Mercredi 16 mai 2012 – Lyon (Nuits Sonores) Compte rendu En ouverture du festival Nuits Sonores, la Red Bull Music Academy a accueilli Jean Michel Jarre à l’Hôtel de Ville de Lyon. Le pionnier de l’électro s’est confié durant deux heures, entre anecdotes, techniques secrètes et visions musicales. Bluffant.
Jarre est ici pour se livrer, pour raconter les petites et les grandes histoires d’une carrière larger than life. Et c’est ce qu’il fait : « Ma rencontre avec Pierre Schaeffer a été fondamentale. On enregistrait des matières, on manipulait des bandes. Mais on ne parlait pas de musique électronique, le terme n’existait même pas ». Lorsque Jean Michel Jarre débute, la musique électronique est encore une science obscure, chasse gardée du Groupe de Recherche Musical (GRM) réuni autour de Schaeffer. « Happyness is a sad song », une de ses créations résonne alors entre les baffles et désarçonne les fans du premier rang, habitués aux mélodies marquantes qu’il n’a pas encore inventé : « A l’époque, je n’avais pas d’argent pour acheter un Theremin, donc ce qu’on entend c’est de la scie musicale, l’instrument des clowns…, sourit-il, avant de préciser : Sur le moment, ce morceau était un ovni. Les labels n’y comprenaient rien, c’était un truc de spécialistes ».
Dans ce contexte, son départ du GRM provoque un séisme. Sur les disques de Christophe ou de Patrick Juvet, il bouscule la variété française en la passant à la moulinette de ses rêves électro. Quelques mois plus tard, Oxygène est un choc : ce disque synthétique et hors formats (titres longs, absence de chant, visuel étrange…) dresse un pont entre les chercheurs du GRM et la musique populaire. « Ce disque m’a permis de connecter mon amour du son et celui de la mélodie ». Jarre invente alors le futur : « Ceux qui faisaient de la musique classique avaient des siècles d’histoire musicale derrière eux, ceux qui faisaient du rock avaient quelques décennies. Mais pour la musique électronique, il n’y avait rien, c’était nouveau ». Le soleil cogne sur la place de l’Hôtel de ville, mais Jean Michel Jarre tient l’audience en otage. Passionné et ouvert à la discussion, il explique tout. Un intérêt ravivé par Patrick Thévenin qui mène l’interview, qui connaît l’animal et sonde ses secrets.
ll y a 40 ans, Jean Michel Jarre a été un des premiers a inventer et populariser le langage électro. En un sens, ceux qui partagent aujourd’hui les scènes des Nuits Sonores (Etienne Jaumet, Theo Parrish…) lui doivent beaucoup. Après avoir répondu aux questions du public, il salue, remercie, signe quelques autographes et disparaît dans les rues de sa ville natale. Ce soir, il arpentera les scènes du festival pour voir à quoi ressemble le futur de cette musique électronique qu’il a contribué à créer. Mais seuls les chanceux réunis cet après-midi savent combien il en a rêvé, dès 1970, dans son petit studio.
Comme un avant-goût de la Red Bull Music Academy 2012 qui se tiendra dans quelques mois à New York, cette session exceptionnelle aura été l’occasion de pénétrer l’univers d’un artiste singulier. De lire entre les lignes, de lever le voile sur une carrière démesurée et de réduire la distance entre l’artiste et son public. L’histoire de la musique, version confidentielle.

Reebok x Mike Posner pour son nouveau modèle RealFlex Classic

Reebok vient de lancer un nouveau classique moderne de la mode, la RealFlex Classic. disponible seulement chez Foot Locker. Ces nouvelles chaussures sont équipées de la technologie Reebok « barefoot ».  Le dispositif : » It takes a lot to make a classic », est réalisé en collaboration avec de nombreux artistes, musiciens et autres personnalités entièrement dévoués à élaborer une paire de chaussures prête à rentrer dans l’histoire. Le premier de cette longue liste est le chanteur, compositeur, producteur – et collaborateur de Lil Wayne – Mike Posner. Pour l’occasion, Vice a réalisé un court interview de Mike:

Maja Ivarsson

Maja Ivarsson, born 2 October 1979 in Åhus, Skåne (in southern Sweden) is the lead singer with the Swedish New Wave band The Sounds. She plays the electric guitar (having taken it up age 14) and is a lyricist. She was featured in Cobra Starship’s single and music video « Snakes on a Plane (Bring It) », for the 2006 film Snakes on a Plane. The widely advertised film gave an enormous amount of publicity to Maja and her band, especially in America. The Sounds are active on the touring circuit, including the United States. Their first tour was in the wake of their 2003 smash « Living in America » (both the song and and the album), although their touring conditions were a far cry from the sheen of the video for the song. They have been to the « Southern Finland triangle » (Turku, Tampere and Helsinki) many times, but their tour in the fall of 2006 showcased them in additional inland and coastal towns. An interviewer from the website Afterellen.com characterized Maja as « bisexual » and she accepted his description of her as « a member of the queer community. »

Fashion Now 2

TASCHEN’s 25th anniversary – Special edition! The art of style: an encyclopedia of over 160 designers The iconic British style magazine i-D once again brings you a guide to the world`s most important designers. From the biggest players in the international fashion industry including Karl Lagerfeld, John Galliano, and Marc Jacobs, to emerging names such as Kim Jones and Tess Giberson, to streetwear and sportswear brands A Bathing Ape, Nike, Diesel and Silas, Fashion Now 2 is a comprehensive survey of today`s best designers. Expanded from the previous edition, Fashion Now 2 is illustrated with the very best fashion photography and styling, extracted from shoots in the archives of the magazine that celebrates its 25th birthday this year. Also included are an introduction by i-D founder and editor-in-chief Terry Jones, and in-depth essays on the issues that are shaping fashion today: the fashion show system, the precarious position of the celebrity designer, and the rise of menswear. Fashion Now 2 is an encyclopedia of fashion personalities, a portfolio of amazing imagery, but most of all, a snapshot of the fast-changing contemporary fashion world, as seen through the lens of one of the best-loved magazines published today. Features: • more than 160 designer listings from A-Z, including photos of recent work, detailed biographies, and fascinating ‘Q&A` interviews in the format for which i-D is famous • essays on current issues in the fashion industry About the editors: Terry Jones is the founder and creative director of i-D magazine. He started his fashion career in the 1970s as art director of Vanity Fair and Vogue UK; since leaving Vogue in 1977, his Instant Design studio has produced catalogues, campaigns, exhibitions and books, including SMILE i-D, Fashion Now 1 and Fashion Now 2 published by TASCHEN. Susie Rushton’s first ever fashion article appeared in i-D magazine in 1999, and she remains a regular contributor today. A graduate of Central Saint Martins, she has freelanced for, amongst other magazines, British Vogue, Another Magazine, and Spruce. Since 2003 she has been staff fashion reporter for both The Independent and The Independent on Sunday newspapers. www.taschen.com

Guns N’ Roses Past and Present Plan Appetite Anniversary Celebrations

Et pendant ce temps là, le hall of fame:

A l’attention de : Rock And Roll Hall of Fame, les fans de Guns N’ Roses et toute personne que cela pourrait concerner.

Quand les nominations pour le Rock And Roll Hall of Fame ont été annoncées pour la première fois, j’avais des sentiments mitigés, mais, dans un effort d’être positif, désirant en tirer le meilleur pour les fans et avec leur enthousiasme, j’étais honoré, excité et j’espérais que ce serait une bonne chose. Bien sûr, je comprenais bien que toutes choses égales par ailleurs, si Guns N’ Roses devait être intronisé, cela aurait été une situation un peu compliquée ou du moins un peu bizarre.

Depuis lors, nous avons écouté nos fans, parlé aux membres du directoire du Hall of Fame, communiqué avec et lu différents commentaires dans la presse ou des attaques d’anciens membres de Guns N’ Roses, avons discuté avec le président du Hall of Fame, lu différents articles (certains légitimes, d’autres artificiels) et lu des commentaires provenant d’autres artistes voulant peser sur les Guns et le Hall avec leurs pensées.

Etant données les circonstances, il me semble que nous avons été polis, courtois, et ouvert à une solution à l’amiable avec nos efforts pour trouver un arrangement. En prenant en compte l’histoire de Guns N’ Roses, ceux qui prévoient d’y assister mais également ceux que le Hall a choisi de leur propre chef d’inclure dans « notre » intronisation (à noter que ce sont des décisions avec lesquelles je suis en désaccord, ne soutient pas ni ai l’impression que le Hall a le droit de prendre), et la façon par laquelle (même si ce n’est pas facile) ceux impliqués dans le Hall ont géré les choses… sans vouloir blesser personne, la Cérémonie d’Intronisation du Hall of Fame me paraît être un endroit où je ne suis ni désiré ni respecté.

A noter que je ne retirerai à quiconque dans Guns leur travail our la reconnaissance qui leur est dûe. Moi-même ni personne de mon entourage n’a fait aucune demande ou requête au Hall of Fame. C’est leur spectacle, pas le mien.

Cela étant dit, je ne serai pas présent à la Cérémonie d’Intronisationdu Rock And Roll Hall of Fame 2012 et je décline respectueusement mon intronisation en tant que membre de Guns N’ Roses au Rock And Roll Hall of Fame.

Je demande fermement à ne pas être intronisé en mon absence, et veuillez savoir que personne n’est autorisé ou ne pourra être autorisé à accepter aucune intronisation de ma part ou à parler à ma place. Aucun ancien membre du groupe, représentant de label ni le Rock And Roll Hall of Fame ne devront sous-entendre de façon directe, indirecte ou par omission que je suis inclus dans l’intronisation de « Guns N’ Roses. »

Cette décision est personnelle. Cette lettre est destinée à aider à clarifier les choses de ma perspective et de celle de mon entourage. Elle n’est pas faite pour offenser, attaquer ou condamner qui que ce soit. Même si malheureusement, je suis sûr que certains la prendront mal (Dieu seul sait combien de temps je vais avoir à en gérer les retombées), je ne veux en aucun cas décevoir quiconque, surtout les fans, avec cette décision. Depuis l’annonce de la nomination, nous avons activement recherché une solution à ce qui, toutes choses considérées, apparait comme une impasse, du moins pour moi : un scénario du genre « blâmé si je le fais, blâmé si je ne le fais pas ». En ce qui concerne une quelconque reformation des line-ups d’Appetite ou des Illusions, j’ai dit publiquement et très clairement ce que j’en pensais. Rien n’a changé.

La seule raison à l’heure actuelle, étant données les circonstances, et à mon avis sous le prétexte du « pour les fans » ou autre justification du moment, pour que quiconque continue à demander ou suggérer une reformation ne sont que des tentatives mal pensées afin de détourner les gens de nos efforts avec notre line-up actuel comprenant moi-même, Dizzy Reed, Tommy Stinson, Frank Ferrer, Richard Fortus, Chris Pitman, Ron « Bumblefoot » Thal et DJ Ashba.

Izzy est venue jouer avec nous quelques fois en 2006 et je l’ai invité à nous rejoindre lors de notre concert au L.A Forum l’année dernière. Steven était présent à notre concert au Hard Rock, puis plus tard en 2006 à Las Vegas, lorsque je l’ai invité à notre after-party et j’ai été récompensé par des interviews qui ont suivi, remplies de mensonges concernant une reformation. J’ai appris la leçon. Duff nous a rejoint en 2010 puis en 2011 avec son groupe, Loaded, pour faire notre première partie à Seattle et Vancouver. Selon moi, à l’exception d’Izzy ou Duff qui pourraient nous rejoindre sur scène, s’ils en ont envie bien sûr, pour jouer une chanson ou deux, ça se résume à cela.

Il y a d’une manière générale beaucoup de révisionisme et de fantasmes qui servent des personnes pour leur propre promotion et des opportunités de contrats, qui cachent les réalités. Tant que toutes les personnes qui sont originaires des précédents line-ups n’auront pas été dévoilées au grand jour, il n’y aura aucune conversation et encore moins de reformation.

Peut-être que si c’était vous, vous feriez différemment. Vous le feriez peut-être, pour telle ou telle raison. Peace, comme vous voulez. J’adore notre groupe actuel. On est tous là pour se soutenir quand il le faut. Nous adorons nos fans et nous travaillons pour leur donner toute notre énergie et notre coeur.

Donc ne réveillons pas le chat qui dort, ou ne laissons pas le chat endormi se réveiller de son mensonge (NDT : traduction difficile d’une expression anglaise jouant sur les mots avec « lie » qui peut vouloir dire « s’allonger », « dormir », mais aussi « mentir »). Il est temps d’aller de l’avant. Les gens divorcent parfois. La vie ne vous doit pas votre petit happy ending surtout quand c’est aux dépens de quelqu’un d’autre, ou dans ce cas de quelques autres.

Mais bon, si vous devez le faire, alors passons tout de suite aux : « oh il s’est pas pointé, il se la pète, c’est juste un coup de pub, il est vraiment irrespectueux, il s’en fout des fans », et passons à autre chose. Personne n’en sort gagnant. N’inversez pas les rôles. Pendant plus d’une décennie et demie, nous avons dû endurer les deux poids, deux mesures, l’avidité de cette industrie et l’éternelle cargaison de parvenus et de personnes des médias sans scrupule et irresponsables. Je ne veux pas sous entendre quoi que ce soit en l’occurrence, mais de mon point de vue en ce qui concerne à la fois le Hall et une reformation, la balle n’a jamais été dans notre camp.

En conclusion, en dépit de cette décision et même si cela peut sembler dur à croire ou ironique, j’aimerais sincèrement remercier le directoire pour leur nomination et pour leur votes concernant l’intronisation des Guns. Et de façon encore plus importante, j’aimerais remercier les fans pour être là au fil des années, rendant possible tous nos succès et merci aussi pour apprécier et soutenir la musique de Guns N’ Roses.

Je souhaite au Hall un super show, bravo à tous les autres artistes qui sont intronisés et à nos fans, nous sommes impatients de vous voir sur la tournée !!

Cordialement,
Axl Rose

P.S. : R.I.P Armand, et vive le ABC III

Remember : Looking for a way to celebrate the twentieth anniversary of Guns N’ Roses classic Appetite for Destruction? So are the rest of the current lineup and an assortment of former members. Onetime Gun Steven Adler plus former L.A. Gun Tracii Guns will play a show on July 28 at Hollywood’s Key Club with their own bands, Adler’s Appetite and L.A. Guns, to “pay tribute” to the 1987 release. The “new” GN’R will be performing on the actual date of Appetite’s release, July 21, in Osaka, Japan. And of course you could start lining up two weeks early for Velvet Revolver’s August 6 tour date at Verona, New York’s Turning Stone Resort Casino. And if you want to know what Gilby Clarke, Josh Freese, Paul Tobias or Buckethead are doing to commemorate this special anniversary, you’re on your own. www.rollingstone.com