Les yeux rivés sur le smartphone, dealer institutionnalisé d’informations conditionnelles, de clichés déshumanisés, de jeux addictifs, d’amitiés sans affect et d’égos sans limites, je finalise mes réflexions d’adhésion. Celles-ci sont désormais dénuées d’esprit critique, de doute philosophique, spirituel ou même rationnel, limitativement façonnées par les notifications – dépêches assenées en temps continu – petites phrases citées toujours hors contexte, gros titres sensationnalistes et paroxystiques, relayés pour acceptation définitive, aussi promptement par la radio et la télévision, solides soutiens de la propagande anti mixité culturelle, drivés par des êtres aux sourires, à la plastique et à la bonne humeur quasi éternelle (a-t-on déjà vu ou entendu un présentateur, animateur s’appesantir sur ses problèmes et faire la gueule ?)

L’algorithme qui me connait désormais mieux que moi même, décide en temps réel de ce que je dois aimer et de ce que je dois croire, consommer, approuver ou contester. Docile victime consentante, je me laisse bercer par les mélopées de ces sirènes aux chants alarmistes, infantilisants ou manichéens et je me targue de mes glorieuses certitudes et de ma vanité exaltée, persuadé d’être en accord avec mon moi profond, dans la « vérité » de l’existence, dans la transcendance et l’immanent, dans l’absolu et la déité. Mon pseudo avis est sans cesse conforté par les commentaires et autres tweets qui n’ont en définitive pour fonction que de m’éloigner un peu plus de ma propre opinion forgée par un substrat d’esprit critique. Alors comment échapper à cette spirale infernale, comment (re)devenir un être doué de raison et d’amour agapé, comment ne pas sombrer dans le désespoir ?

Il est toujours possible d’être cynique, de s’accommoder de cette situation et plutôt que de subir, d’en devenir un acteur majeur. Ce serait probablement terrible sur le plan moral, mais qui pourrait le reprocher dans un monde dans lequel plus personne n’accorde d’importance ni de valeur à ces cas de conscience ? Souffrir et continuer le combat ? Chaque échange avec un autre humain potentiellement réceptif qui s’interrogerait sur ces états de fait devenant une victoire qui permettrait de se sentir moins seul et de (re)prendre foi en l’Humanité ? Se laisser bercer par le système et en devenir un simple soldat ni heureux, ni malheureux, juste vivant au sens utilitaire du terme ? Ou alors attendre passivement que cela change, misant tout sur ce fameux jour, si cher aux rêveurs, qui espèrent l’amélioration de leur condition, la réalisation de leurs prières, que le ON qu’ils estiment le plus daigne enfin ouvrir enfin les yeux et réalise qu’ils sont les véritables artisans de la VIE et qu’ils en soient généreusement récompensés tel que cela se doit dans un monde juste et parfait …