A l’occasion du Festival Ocean Climax, j’ai pu poser quelques questions à Camille et Vincent « Korben » de Grand Blanc, une belle rencontre avec des êtres à l’égal de leur musique : Sincères, authentiques, frais et talentueux.

Pour rappel: Grand Blanc vient de cet Est froid. Où il a grandi il y avait de grandes cathédrales, à côté de hauts fourneaux. On ne mettait pas longtemps à passer la frontière lorsqu’on prenait l’autoroute. On allait acheter du mauvais tabac bon marché et on saluait les pompistes dans d’autres langues. Sur la route, on écoutait des vieux Bashung, dans les années 80, quand il portait des T-shirts de Joy Division. On écoutait aussi les Cure qui reprenaient l’étranger de Camus dans « Killing an arab ». Kraftwerk, Autobahn, en reprenant l’autoroute Radioaktivität en passant devant la centrale. On parlait un peu de littérature, beaucoup de musique, le samedi on priait pour qu’il y ait un bon concert. Ou on allait au match, et on priait pour qu’il y ait au moins un but. Ou on allait au bar. On évitait la messe le dimanche mais on évitait pas Metz et on était vidés par nos petites virées. Quelques uns voulaient se mettre la tête dans le haut fourneau d’autres voulaient finir dans la grande cathédrale.

Vos chansons ont une histoire et une construction précise, mais une fois qu’elles sont transmises au public il se les approprient, avez-vous l’impression qu’elles sont toujours à vous ou un peu à eux aussi ?

C’est ce qui est à la fois drôle et effrayant avec la musique. Il est impossible de contrôler le contexte dans lequel ça peut être reçu. Tu ne sais jamais quand tu es musicien, ce que le public va faire avec ta musique. Si ça se trouve, les gens vont faire l’amour en t’écoutant, c’est super intime ! On en parlait avec un ami, artiste sculpteur, qui nous disait qu’il contrôlait beaucoup, qu’il réfléchissait au contexte de réception de son oeuvre. Nous, on a pas ce pouvoir, mais ça ne nous dérange pas du tout et même parfois on se dit, c’est peut-être dans ce sens là qu’on aurait du écrire cette chanson ! C’est vraiment super cool, ou surprenant, on a réécouté il n’ y a pas longtemps Syd Matters « To All of You », un titre qui a été utilisé dans une série super Girly, le groupe était choqué parce qu’en réalité c’était une chanson qui critiquait les filles américaines, il y a avait un contre emploi énorme mais c’est passé sans soucis ! C’est vrai qu’une fois le CD prêt, c’est comme un accouchement, sauf que là tu dis bye bye a ton bébé ! On travaille différemment en studio ou sur scène. En studio, on fonctionne un peu comme pour de la techno, donc on apprend à bosser les chansons pour la scène. Au fur et à mesure, un dialogue s’établit avec le public, un équilibre, on guette ses réactions, ça nous aide à interagir avec lui, dans les arrangements, la lumière…

Avec les succès de Bagarre, Blind Digital Citizen, Julia Jean-Baptiste, vous, pensez-vous que le label Entreprise est toujours à l’avant-garde de la nouvelle scène française ou est devenu mainstream ?

Nous on revendique le mot Pop, c’est ce qui nous rassemble, notamment avec Bagarre. Aujourd’hui on a passé le cap musique de niche, on veut rester libres de nos choix, mais en essayant de toucher un maximum de monde. Tame Impala par exemple est un génie de la Pop mais il ne fait pas de la musique pourrie ! La vraie question est plutôt : Est-ce qu’il faut qu’on arrête d’écouter de la merde à la radio ? Jacques disait un truc dans ce sens : Je fais mes chansons, je les aime, mais je ne comprends pas quand on ne les aime pas, j’aimerai convaincre les gens d’aimer la même chose que moi, surtout quand c’est bon !

Avec-vous un livre, disque, film fétiche au point de ne jamais vous en séparer ?

Pas vraiment, ça change souvent. Nous sommes quatre avec des goûts différents. (Camille) en ce moment j’adore Hélios d’Etienne Chaize, un livre d’images absolument magnifique.