De la peste, du pus et des poux : tel pourrait être le leitmotiv de cet invraisemblable petit brûlot, tout entier nourri de violence, d’idées morbides et de délires à la limite du supportable. Et que n’ont pas supporté les bien-pensants de l’époque, les mêmes qui, à Charleville, méprisaient Rimbaud et l’accusaient, comme on accusa Lautréamont, de vouloir tuer la poésie. Mais le vertige et la démesure furent plus forts que les réactionnaires : Maldoror, le double maléfique de Lautréamont, en crachant son poison et son fiel, jetait les bases d’une des oeuvres les plus énigmatiques et les plus fascinantes de notre poésie. Alchimie délirante d’un esprit dément, sublime perle noire née d’un champ d’ordures, Les Chants de Maldoror demeurent l’une des rares traces de la fulgurante trajectoire d’Isidore Ducasse, mystérieusement foudroyé en pleine jeunesse. Sa mort, après son oeuvre illuminée, allait alimenter sa légende et le faire entrer dans le club très fermé des poètes mythiques.