Cette citation de Eric Miles Williamson tirée de son ouvrage Welcome to Oakland symbolise bien notre époque, où ceux qui font sont systématiquement jugés sur le fallacieux argument ontologique de la perfection. Car qu’est-ce qui est parfait, si ce n’est la perfection elle même, ou pour les spiritualistes l’être suprême ? Aujourd’hui, faire, c’est prendre le risque de s’exposer à plusieurs difficultés, la première étant bien entendu liée à l’acte de création, quelque soit le talent, la production entreprise et l’expérience, il y a toujours un risque d’échec, de ne pas arriver au bout, d’entreprendre un travail au dessus de ses forces et par conséquent de renoncer, d’abandonner, ou pire de se persuader qu’on ne peut pas réussir, alors qu’il suffit parfois de se faire violence. La deuxième difficulté est l’avis des autres, usuellement l’autre n’aime pas la prise de risque, ce qui est différent, ce qui sort des sillons tracés par les aspérités de l’éducation, de la morale, des certitudes, des préjugés. A l’inverse il y a le surconfiant qui n’arrange rien, qui fait des plans sur la comète, s’enflamme, n’a aucune mesure ou objectivité. Sartre dirait que le choix a déjà été fait, celui qui entreprend s’attache à l’avis extérieur par pur formalisme sociétal mais qu’il ne renoncera pas à une décision entérinée en son for intérieur. Il existe une troisième difficulté qui échappe à ce raisonnement assez conformiste, résultante de notre appétence pour les réseaux, la critique anonyme, masquée, sans mobile, sans motivation, qui peut s’abattre telle la foudre sur l’insensé qui diffuserait sur Internet. Celle-là peut faire voler en éclat les résolutions des plus motivés, des plus courageux. Le rire sardonique qui s’entend dans un commentaire méprisant, le pouce baissé sans justification. La trappe de la télé réalité où le candidat n’est là que pour alimenter en chair humaine la grande machine du spectacle. Faut-il tourner le dos à ses rêves et ne plus avancer ? Non pas, il faut être cependant capable, à l’instar de Eric Miles Williamson de se forger une posture, une attitude, s’engager dans son Art sans équivoque, ni regret, ni remord, ni rancoeur. « Fais ce que tu dois, advienne que pourra. »

Illustration:
http://www.metmuseum.org/toah/works-of-art/1982.147.27/
Artist: Jackson Pollock (American, Cody, Wyoming 1912–1956 East Hampton, New York)
Date: ca. 1948–49
Medium: Dripped ink and enamel on paper
Dimensions: 22 3/8 x 30 in. (56.8 x 76.2 cm)
Classification: Drawings
Credit Line: Gift of Lee Krasner Pollock, 1982
Accession Number: 1982.147.27
Rights and Reproduction: © 2010 The Pollock-Krasner Foundation / Artists Rights Society (ARS), New York